L’Université de Technologie de Maurice (UTM) est actuellement secouée par une série de dénonciations sans précédent émanant de son personnel et de l’Union des Employés de l’UTM (UTMEU), révélant une situation de malaise profond au sein de l’institution d’éducation supérieure. Depuis le début de l’année, plusieurs lettres adressées à la direction de l’université et à des instances gouvernementales mettent en lumière des dysfonctionnements graves au sein de l’institution publique.
Plainte après plainte, des accusations d’abus de pouvoir, de harcèlement moral, de gestion chaotique des salaires, de nominations controversées et de pratiques suspectes dans les recrutements alimentent un climat de mécontentement généralisé à l’UTM.
Harcèlement et comportements inappropriés
Le 20 janvier 2025, une plainte officielle a été déposée auprès du directeur général de l’UTM. Six membres du personnel du service financier dénoncent des agissements du comptable de l’UTM, qualifiés de « inacceptables ». Selon le document, ce cadre aurait persisté dans des comportements jugés « abusifs » et « humiliants », notamment :
•Des violences verbales répétées, allant jusqu’à des propos agressifs ;
•Des pratiques discriminatoires, remettant systématiquement en cause les compétences des agents ;
•Un climat d’intimidation généralisée, générant confusion, frustration et anxiété ;
•Un acharnement individuel, avec l’imposition d’heures supplémentaires abusives et de délais irréalistes.
Malgré des tentatives internes de résoudre ces conflits, les plaignants affirment que la situation perdure et affecte gravement leur santé mentale, leur motivation et leur vie personnelle.
La gestion des salaires pour le mois de février 2025 a été un autre point de tension. Le président de l’Union des Employés de l’UTM (UTMEU), B. Seewsagur, a adressé une lettre datée du 5 mars 2025 au ministre concerné, dénonçant une gestion « non professionnelle ». Le syndicat rapporte plusieurs anomalies graves concernant les salaires :
•L’absence de bulletin de paie, pourtant obligatoire ;
•Des erreurs de calcul, telles que des trop-perçus ou des sous-paiements ;
•Des conséquences financières notables, affectant les obligations fiscales et les charges bancaires des employés.
L’UTMEU critique également le manque de communication et d’explications de la part de la direction, soulignant que ces dysfonctionnements seraient directement liés à l’attribution des postes de direction à des personnes externes à l’université, et ce, sans prise en compte des compétences internes.
Nomination contestée d’un chef d’école : accusation de favoritisme
Le 6 mars 2025, le président du syndicat a exprimé ses préoccupations concernant la nomination récente d’un chef de département par intérim pour l’École des technologies innovantes et de l’ingénierie (SITE), effective depuis le 5 mars 2025. Il souligne que cette nomination semble violer la politique établie de l’université, qui stipule que les nominations doivent être basées sur la rotation, que le personnel nommé doit être professeur associé ou professeur, et que la nomination doit être recommandée par le directeur général et approuvée par le conseil d’administration.
Le syndicat note que deux membres du personnel les plus expérimentés remplissent les conditions requises, mais qu’une troisième personne, classée troisième en ancienneté, a été nommée à ce poste, ce qui soulève des questions sur la transparence et l’équité du processus de nomination.
Appel à une enquête indépendante
Le 9 avril 2025, le président du syndicat a adressé une lettre au secrétaire permanent du ministère de la Fonction publique, exprimant des préoccupations concernant des cas présumés de falsification de documents et d’intégrité dans le recrutement et les nominations à l’UTM. Il souligne que de nombreux employés internes ont été privés de la possibilité de participer à des entretiens pour divers postes, malgré leur qualification, ce qui suggère une gestion injuste des opportunités de carrière.
Le syndicat demande une enquête indépendante sur toutes les recrues et nominations depuis 2023 afin d’établir s’il y a eu des pratiques de favoritisme ou de corruption. Il exprime également sa volonté de fournir des preuves documentaires pour soutenir ses allégations.
Recrutements sous tension : soupçons de falsification et appels à enquête
Un autre point de friction majeur est soulevé dans une lettre datée du 11 avril 2025, où l’UTMEU évoque des soupçons de falsification de documents dans le cadre des recrutements et réclame une enquête indépendante sur l’ensemble des recrutements effectués depuis 2023. Parmi les anomalies signalées, on trouve : le refus d’auditionner des agents internes, pourtant qualifiés pour les postes et la préférence systématique donnée aux candidats externes, souvent au détriment du personnel déjà en place ; des recrutements jugés illégaux, certains candidats ne possédant pas les qualifications requises pour les fonctions occupées. L’UTMEU dénonce ainsi un système biaisé, où les employés historiques de l’UTM sont constamment écartés au profit de candidats externes.
Des confirmations de poste sans autorisation du Conseil ?
Un dernier point de friction concerne la confirmation de postes au sein de l’UTM. Le syndicat signale qu’une série de titularisations ont été effectuées sans validation préalable du Conseil d’administration, ce qui va à l’encontre des dispositions légales prévues par l’UTM Act, en particulier la section 10, paragraphe 2 (b) (ii), qui stipule que le Conseil d’administration doit approuver toute décision de confirmation de poste.
Le président de l’UTMEU a qualifié ces actes d’ « ultra vires » et donc illégaux. Il estime que, dans le contexte actuel, de nombreux employés qui avaient mis leur espoir dans un changement de gouvernance se sentent maintenant trahis par ces décisions arbitraires. Ce climat d’injustice pourrait, selon lui, engendrer une dégradation irréversible du moral du personnel.
La direction silencieuse, les autorités interpellées
Face à l’ampleur des accusations, la direction de l’UTM n’a jusqu’à présent pris aucune mesure selon le syndicat. Ce silence est perçu comme une forme de mépris, exacerbant un sentiment de frustration parmi les employés. Certaines sources internes à l’université qualifient le climat de travail de « toxique » et « paralysant ». Ce que les étudiants approuvent également dénonçant eux aussi de leur côté les abus et autres types de harcèlement. Les autorités compétentes, notamment le ministère du Travail, ont été saisies.
Un appel urgent à la transparence et à la gouvernance
Au nom de l’UTMEU, le président B. Seewsagur « condamne fermement la direction actuelle de l’UTM, nommée par l’ancien régime ». Exigeant le départ immédiat de ce management, il fait ressortir que « cette équipe de gestion couvre des pratiques douteuses, notamment en matière de recrutement, avant même la mise en place officielle d’un nouveau conseil d’administration par le gouvernement récemment élu. » Qui plus est, dit-il, le management actuel induit en erreur le président par intérim du conseil. Pour B. Seewsagur, il est inadmissible que des personnes recrutées sous l’ancien régime, souvent sans expérience suffisante, continuent de dicter leur loi à l’UTM. « Il y aurait encore tant d’irrégularités à révéler, mais j’en appelle au Premier ministre, en qui nous plaçons beaucoup d’espoir, afin qu’il prenne les mesures nécessaires. Il est important de souligner que, juridiquement, le président du conseil ne constitue pas à lui seul le conseil d’administration. Ses décisions unilatérales ne reposent sur aucun fondement légal », dit-il.
Nagaissen Valaydum, vice-président de l’UTMEU, abonde dans le même sens et déplore que « le directeur général de l’UTM a unilatéralement réduit la durée des semestres d’enseignement de 15 à 12 semaines, rendant extrêmement difficile pour les enseignants et les étudiants de compléter le programme académique dans les délais impartis. » De plus, une nouvelle directive limite le temps de travail des enseignants à 540 heures annuelles, une mesure qui favorise le recours à des chargés de cours à temps partiel, au détriment du personnel permanent, dit-il.
Le syndicat se dit prêt à collaborer pleinement avec les autorités compétentes, à fournir des preuves et à témoigner pour défendre les droits de ses membres. Les regards se tournent désormais vers le ministère de tutelle et la direction de l’université pour restaurer la confiance du personnel de l’UTM et rétablir une gouvernance légitime.