En traitement après un cancer : Une veuve de 46 ans, invalide, bientôt sans maison

Annick, 46 ans, est invalide après une récente hystérectomie dû à un cancer avancé au col de l’utérus. Sa fille de 16 ans a mis fin à sa scolarité pour s’occuper d’elle et de la maison. C’est entre ses séances de radiothérapie et de curiethérapie que sa propriétaire l’a informée par lettre qu’elle doit quitter les lieux. Annick est désemparée. Ancienne préposée au nettoyage, elle ne peut plus travailler et a pour seul revenu sa pension de veuve pour payer ses factures et nourrir ses deux enfants, quand cela est possible. Son fils, un collégien de 18 ans, récipiendaire de l’Independence Scheme, a puisé dans cette nouvelle mesure financière pour s’acheter du matériel afin de réaliser son projet d’Arts and Design en vue des prochains examens de School Certificate et la nourriture qui manquait dans la cuisine. Ce qui n’est pas rare…

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Il est 17h30. La fille d’Annick (nom modifié) ne rentrera que dans une heure. Seule chez elle, Annick patiente et pense. Si d’ici décembre prochain elle ne trouve pas une maison, elle sera à la rue. « Ma fille travaille. Elle a été chez une personne âgée, qui habite dans le quartier. Elle fait appel à ma fille à chaque fois qu’elle a besoin d’aide. Ce qui est bien pour elle, cela lui fait de l’argent de poche », dit Annick posément. Depuis l’hystérectomie qu’elle a subie suite à un cancer du col de l’utérus, Annick a perdu une bonne partie de son autonomie. Elle ne peut se déplacer sans s’essouffler. C’est sa fille qui préparera le repas, comme à chaque fois d’ailleurs, quand elle rentrera.

« Un grand vide dans mon ventre »

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Il y a une semaine, Annick a passé deux jours dans une salle en isolement à l’hôpital pour une curiethérapie. La mère de famille ne souhaite pas revivre cette épreuve, inconfortable mais tellement indispensable dans son cas. Son cancer, elle ne sait pas encore si ce mal est toujours présent dans son corps. Et cela la ronge. Et comme si la vie ne lui a pas fait assez de mauvais tours, Annick doit affronter un autre problème.

« Je dois trouver une maison. La propriétaire m’a notifiée par lettre que je dois lui rendre les clés. En réalité, le délai est déjà passé. Mais au téléphone, elle m’a dit que j’ai jusqu’à décembre pour lui rendre sa maison », explique Annick en nous tendant la lettre concernée. Dans celle-ci, la propriétaire reconnaît qu’Annick a été une locataire sérieuse qui s’est toujours acquitté de son loyer : Rs 7 500. Si Annick et ses enfants sont priés d’évacuer la maison, c’est parce que la propriétaire a l’intention de vendre celle-ci. Depuis, Annick a perdu le sommeil. Entre la maladie, l’avenir de ses enfants, les difficultés financières, la nourriture qui manque… et voilà un toit à trouver en urgence, Annick ne sait plus comment s’en sortir.

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Demain, elle devra se rendre à l’hôpital où elle a rendez-vous pour prendre connaissance des résultats après un test sanguin effectué vendredi dernier. « Mo pou kone si mo ankor ena kanser », dit Annick, gardant espoir que les nouvelles seront bonnes. « J’ai hâte de retrouver ma santé et de travailler. J’ai toujours travaillé. Mo ti enn dimounn bien aktif. Zame mo’nn koumsa », confie-t-elle. Son fils, un collégien de 18 ans, ne rentrera qu’en début de soirée. Le jeune homme prépare ses travaux pratiques en Arts and Design pour les prochains examens de School Certificate, chez un de ses amis. Il dînera là-bas, comme cela arrive souvent, avant de rentrer chez lui. Ce qui convient à Annick, car il y a des soirs les repas sont soit frugaux soit inexistants… Ce sont des bénévoles et sa soeur qui, alors, lui donnent de quoi manger.

« Tout ce que je veux, c’est de trouver une maison au plus vite pour abriter mes enfants. Jusqu’ici mes recherches n’ont rien donné », répète Annick, assise dans son salon. Les mains posées sur son ventre, elle grimace, non de douleurs, mais d’inconfort. « Je sens un grand vide dans mon ventre. C’est comme s’il n’y avait plus d’organes. Les médecins m’avaient dit que mon cas était particulier. Certains ont hésité à m’opérer étant donné l’avancement de la maladie », explique Annick.

Le loyer de la maison qu’elle occupe depuis un peu plus de deux ans absorbe la quasi totalité de son revenu. Depuis qu’elle ne travaille plus, elle compte sur sa pension (Rs 11 000) de veuvage pour payer sa mensualité.

« Kan mo pey delo ek kouran ar lakaz, se Rs 8 500 ki mo bizin tire dan mo bidze. Larzan ki reste mo aste inpe manze », concède Annick. Composée de deux chambres à coucher, d’un salon, d’une cuisine, d’une salle de bains et des toilettes, la maison sans grande prétention coûte cher pour ce qu’elle offre.

Annick avait dû y emménager avec ses deux enfants en urgence après avoir fui son défunt mari, violent et toxicomane. Celui-ci est décédé en décembre dernier des suites d’une overdose de drogues synthétiques. La maison avait procuré à Annick la paix d’esprit et la sécurité.

« Mo ti pou lwin »

Annick est de ces femmes à qui la vie n’a pas fait de cadeau dès l’enfance. Pourtant, élève brillante d’une école star à Curepipe, elle réussit ses examens de Certificate of Primary Education et intègre un collège d’État. Cependant, elle fréquentera ce collège pendant quelques mois seulement. Pour cause, ses parents, alcooliques, dit-elle, ont négligé son éducation. « Avant mon admission en Form I, ils avaient acheté le matériel scolaire et l’uniforme. À la veille de la rentrée ils les ont vendu parce qu’ils avaient besoin d’argent. Malgré cela, j’ai été quand même au collège. Mais faute de livres et d’uniforme, j’ai été régulièrement exclue jusqu’au jour j’ai dû abandonner l’école. J’en suis encore triste, car j’avais du potentiel. Zordi mo ti pou lwin », raconte Annick. C’est ainsi qu’à 13 ans, elle est envoyée dans une usine pour travailler à la section d’emballage.

En rencontrant son premier époux, Annick pensait qu’elle échapperait à son environnement familial toxique. Amoureuse, elle a épousé et suivi cet homme avec qui elle a eu ses enfants. « Malheureusement, il m’a fait vivre des moments douloureux. Il m’a humiliée avant de me chasser de la maison. Les enfants qui n’avaient que trois et cinq ans sont restés avec lui avant d’être placés dans un shelter », confie Annick, qui divorcera de cet homme. Annick, qui est recueillie par sa sœur, apprendra le placement de ses enfants en structure d’accueil beaucoup plus tard.

Quand des proches lui proposent de se mettre en couple avec un de leurs amis, célibataire, Annick accepte. « Je me suis dit pourquoi ne pas essayer et me donner une chance de connaître un foyer stable. Et de récupérer mes enfants. La Child Development Unit m’avait dit que le jour où j’aurais une maison, je pourrais récupérer mes enfants. Ce nouveau compagnon avait accepté de m’accompagner dans mes démarches et de se conformer aux procédures pour que je puisse reprendre mes enfants. Nous avons fini par nous marier et les enfants sont venus vivre avec nous », confie encore Annick.

Cauchemar

Toutefois, son mari devenu entre-temps accroc à la drogue synthétique alors qu’il était déjà quinquagénaire allait lui faire vivre, ainsi que ses enfants, un véritable cauchemar. Annick a subi, entre autres, dit-elle, des accès de violence incontrôlable. « Li kraz televizion e tou se ki ena dan lakaz. Li travay zis pou li aste ladrog », raconte-t-elle. « Un jour, je me suis dit que je travaillais dur pour payer les factures et pour mes enfants, que cette situation ne pouvait plus durer. C’est là que je suis partie » poursuit la mère de famille.

« Je n’ai jamais pris le temps de m’occuper de moi », regrette Annick en évoquant son cancer. « Si seulement j’avais fait un frottis… À l’hôpital, le médecin m’a demandé pourquoi je n’avais pas songé à faire ce test. Mais je ne savais même pas ce que c’est qu’un frottis », confie-t-elle. En novembre dernier, alertée par un saignement récurrent, elle se rend à l’hôpital. Le verdict l’anéantit. « J’apprends que j’ai un cancer du col de l’utérus. J’étais tellement abasourdie par la nouvelle que je n’ai même pas posé de questions au médecin », relate Annick. En avril de cette année, elle est opérée et pendant cinq semaines, elle se rendra presque tous les jours à Candos pour sa radiothérapie par le bus. Depuis, Annick se rend régulièrement à l’hôpital pour un suivi post-opératoire et a dû abandonner son travail. Accablée par la maladie et dans l’incapacité de poursuivre ses activités normalement, Annick ne peut plus être le pilier économique qu’elle était il y a encore quelques mois.

« Voyant mon état, ma fille a pris la décision d’arrêter le collège pour s’occuper de moi, car je ne peux rien faire. Cela m’attriste. Sa place est à l’école. Elle s’est mise en tête de trouver du travail », concède Annick.

Quant à son fils, celui-ci rêve de devenir architecte. Il s’investit dans ses études et a même puisé dans l’Independence Scheme dont il a été bénéficiaire pour financer l’achat de matériel pour son projet en Arts et Design. Une partie de cette somme a aussi servi à acheter de la nourriture pour la famille. Annick souhaite que son aîné complète ses études secondaires et concrétise son rêve.

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