Budget et Run-Up Électoral : Les salaires, une bombe à retardement à désamorcer à tout prix

• Les syndicats, dont la CTSP et la FSCC, au créneau pour le réalignement de la relativité avec le National Minimum Monthly Wage annoncé par Callichurn • Business Mauritius : « The current wage determination system is complex, over-managed and with a conspicuous absence of productivity considerations » • Dette : hausse de Rs 88 milliards de mars 2022 à mars dernier, pour atteindre les Rs 524,7 milliards, soit une moyenne de Rs 4 milliards par mois • Le FMI préconise : « Fiscal policy should pursue growth-friendly fiscal consolidation to reduce public debt »

Les Article IV Consultations en faveur d’un relèvement de 60 à 65 ans pour la qualification à la Basic Retirement Pension et le gel du montant de la CSG à moyen terme
Au ministère des Finances, avec la présentation du Budget Speech à partir de 15 heures vendredi prochain, ce week-end s’annonce crucial. D’autant que les mesures devant faire partie du budget s’inscrivent, qu’on le veuille ou non, dans une logique électorale.

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Voire donnant le ton à la campagne du Premier ministre, Pravind Jugnauth, en quête d’un trois à la file au Treasury Building. Ainsi, des milieux bien informés, tout en concédant que les différentes options financières, sociales et politiques sont déjà dégagées, l’on souligne l’importance des consultations devant se dérouler ce week-end entre le chef du gouvernement et son ministre des Finances, Renganaden Padayachy.

Pour le dernier Grand Oral de la présente législature, ce dernier n’aura nullement droit à l’erreur. Toutefois, les récentes sorties des syndicats, dont la Confédération des Syndicats des Secteurs Privé et Public (CTSP) et la Fédération des Syndicats du Service Civil (FSSC), sont venues tirer la sonnette d’alarme à l’Hôtel du Gouvernement que le volet du réajustement de la relativité salariale se présente sous la forme d’une bombe à retardement à désamorcer. Et à tout prix ! Au tournant, Business Mauritius ronge depuis longtemps le frein à ce même chapitre.

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Même si le Deputy Prime Minister, Steven Obeegadoo, et son collègue de la Santé, Kailesh Jagutpal, donnent du crédit aux récentes conclusions des Article IV Consultations du Fonds Monétaire International pour des dividendes sur la gestion de la pandémie du Covid-19, le ministre des Finances et même le Premier ministre peuvent avoir une lecture différente. En effet, le FMI revient à la charge sur un relèvement de 60 à 65 ans pour la qualification à la Basic Retirement Pension (BRP) ou encore le gel du montant payable à ceux dans la tranche d’âge de 65 à 75 ans sous la Contribution Sociale Généralisée (CSG).
Sur ce terrain budgétaire miné subrepticement, le ministre Padayachy pourra difficilement occulter les wage expectations suscitées au sein de la classe des salariés par la déclaration-promesse du ministre du Travail, Soodesh Callichurn, à la conclusion des négociations tripartites pour la compensation salariale au début de décembre de l’année dernière. Le rapport relatif du National Minimum Wage Council avait été annoncé pour mars dernier.

Mais rien jusqu’ici.
Ainsi, au cours de la semaine, écoulée le syndicaliste Reeaz Chuttoo, de la CTSP, probablement exaspéré par l’absence de tout développement au titre de la relativité salariale ou encore sous la pression grandissante des salariés, est monté en première ligne. Le thème mobilisateur n’est autre que le rétablissement de la relativité salariale dans le sillage de l’introduction du Minimum Wage Salary et son complément monétaire de la Mauritius Revenue Authority (MRA).

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En attente du rapport du Pay Research Bureau.
De leur côté, les dirigeants syndicaux du secteur public, dont la Fédération des Syndicats de Service Civil et celle regroupant les syndicats des corps paraétatiques, ont parallèlement fait entendre leur voix sur cette question. L’attente des employés du secteur public se résume non seulement à une annonce, mais à un geste plus que symbolique au titre du prochain rapport du Pay Research Bureau.

Tout observateur politique averti s’accorde à dire que l’Hôtel du Gouvernement peut, dans la conjoncture, faire difficilement abstraction de ces mouvements d’humeur sur le plan syndical et que le ministre des Finances se doit de proposer avec le budget les contours d’une opération de déminage salarial. Le plan de rétablissement de la relativité salariale, annoncé par le ministre Callichurn, s’avère des plus complexes, provoquant d’autres anomalies salariales en série au lieu de les résoudre.

Par ailleurs, Business Mauritius joue dans la subtilité dans son approche sur la question des rémunérations, sans vouloir s’engager dans une confrontation directe avec l’Hôtel du Gouvernement ou encore se mettre à dos de manière outrancière les salariés dans un contexte de hausse de prix affectant le niveau de vie. Mais le Budget Memorandum 2024-25 de 79 pages du secteur privé, soumis au ministre des Finances, lève un bout de voile sur cette équation salariale.

« In comparison with other countries with common characteristics, our regime on payment of remuneration is very costly, mostly in relation to payment of end of year bonus, severance allowance, gratuity payment », note le secteur privé. Auparavant, le Budget Memorandum affirme sans ambages que « increases in labour costs have a direct impact on a company’s overall performance unless it is associated with a corresponding increase in output and labour productivity. However, it has been observed that, over the time, the increase in labour cost has exceeded productivity resulting in adverse impact on the competitiveness of enterprises which clearly explains the continuous decline in the country’s labour and total factor productivity. »

Le secteur privé ne pouvait offrir de better-crafted objection aux demandes des syndicats, réclamant de nouveaux réajustements de salaires à la veille des prochaines élections générales. Et pour convaincre de la pertinence de son argumentation, Business Mauritius avance que « in addition to the rigidities in our pay system, the current wage determination system in the private sector is complex, over-managed and with a conspicuous absence of productivity considerations in the process of wage determination. »

Centralized Pay Structure
Plaidant en faveur d’une Centralized Pay Structure visant à promouvoir « a sustainable remuneration policy conducive to the development of the economy, creation of employment and competitiveness of the country », le secteur privé procède à une radiologie des systèmes de wage fixing en place.

« There is no single national minimum wage but three complementary minimum wage support systems in Mauritius: the annual Salary Compensation, the Remuneration Regulations system and the National Minimum Wage », décrypte le secteur privé, s’étendant sur leurs principales caractéristiques, soit :
• la compensation salariale avec une « additional remuneration often resulting in quantum that have exceeded the inflation rate. » À ce titre, Business Mauritius indique que durant la période de 2022 à 2024, la compensation salariale a été de 7,3% annuellement, alors que la Labour Productivity n’a progressé que de 1,6%, soit un manque à gagner de 5,8% au tableau du Unit Labour Cost ;
• Remuneration Orders intervenant « at no established time interval » avec des ajustements annuels automatiques dans le sillage de l’application de la compensation salariale et ;
• le benjamin de la famille, le National Minimum Wage avec Business Mauritius soulignant que « the introduction of the National Minimum Wage has made the system more complex to manage and coordinate. Having a complex set of rates increases confusion among employers and most often result in a high level of non-compliance. »

Une passe d’armes dans la finesse de la part du secteur privé contre tout réajustement sur le plan salarial, alors que Lakwizinn du Prime Minister’s Office s’est déjà lancée dans une importante et délicate opération de tegn dife sur tous les fronts, d’autant qu’au moins un électeur sur deux sur les 1 000 400 électeurs inscrits est forcément un salarié.
Alors que le gouvernement avait cru mettre derrière lui la problématique de la pension avec l’introduction de nouveaux barèmes d’allocation sociales et la formule magique de Rs 13 500, le Fonds monétaire international, par le truchement du dernier Staff Country Report découlant des Article IV Consultations, remet à l’avant-plan ce dossier en préconisant de nouveau une réforme du système de pension à Maurice.

Le vieillissement de la population et son impact direct sur la durabilité du système de pension demeurent préoccupants aux yeux du FMI, qui revient à la charge avec la formule de ciblage pour identifier les bénéficiaires. La mission du FMI semble faire abstraction de la ligne suivie par le gouvernement au moins depuis les élections générales du 7 novembre 2019.

« Key to support fiscal sustainability »
“Pension system reform remains key to support fiscal sustainability, especially given the ageing of Mauritius’ population. Reforms to shore up the sustainability of the system should be considered, such as:
•  “gradually increasing the Basic Retirement Pension (BRP) eligibility age from 60 to 65 – entailing potential savings of about 1,4 percent of GDP while targeting benefits to the most vulnerable elderly;
• “keeping the Contribution Sociale Généralisée (CSG) pension benefits fixed at the current level over the medium term for those aged between 65 and 75 – with potential savings of 0.4 percent of GDP, while keeping the BRP benefit fixed until it reaches 20 percent of average wage; and
• “reforming the CSG to collect contributions from workers and provide benefits only to contributors.”

Mais force est de constater que pour le dernier budget de ce mandat, le coefficient d’adhésion du gouvernement à cette recommandation des Article IV Consultations devrait être un zero-lake, car cette frange de l’électorat, considéré à tort ou à raison comme étant sécurisé par les Top Chefs de Lakwizinn, constitue au moins un électeur sur quatre, indépendamment de la stratégie adoptée du 4 à 14 pour les prochaines législatives.
Ainsi, dans son Budget Speech, le ministre des Finances misera gros, c’est le cas de le dire, vu que les dotations budgétaires pour les prestations sociales auront dépassé largement la barre des Rs 50 milliards pour le présent exercice financier en cours prenant fin le 30 juin et davantage plus pour le prochain exercice financier.

Carton rouge
Un autre indicateur a pris irrémédiablement l’ascenseur, au point où le Staff Country Report du FMI se permet d’émettre un carton rouge. L’endettement national figure en bonne place dans les commentaires de ce rapport vu que de mars 2022 à mars dernier, les chiffres publiés par la Banque de Maurice confirment sans équivoque une hausse de Rs 88 milliards, passant de Rs 436,4 milliards à Rs 524,7 milliards, soit une progression moyenne de Rs 4 milliards par mois.

Les borrowing requirements du gouvernement sont assouvis par l’absorption des ressources disponibles sur le marché local. À mars de cette année, les Short Term Loans se montaient à Rs 46,3 milliards, soit Rs 12 milliards de plus qu’en mars 2022 ; les Medium Term Instruments : Rs 70,7 milliards (+Rs 16 milliards) et les Long Term Debt Obligations :

Rs 275,4 milliards (+Rs 50 milliards).
Abordant ce chapitre qui retiendra l’attention de l’opposition visant à mettre à mal la gestion de l’économie, le FMI prévoit qu’“over the medium term, fiscal policy should pursue growth-friendly fiscal consolidation to reduce public debt. The fiscal space is at risk and the authorities aim to reduce public debt to about 65 percent of GDP by mid-2026.”
Le FMI met en garde, pour ne pas dire met en doute, les ambitions affichées par le gouvernement en matière de gestion de la dette publique. “While this level of public debt could be an appropriate anchor to ensure medium-term macroeconomic stability in the context of elevated global interest rates, achieving it within two years looks challenging – including due to its potential growth impact—as it would require fiscal adjustment of about 6,7 percent per year”, avertit la mission du FMI.

Mesures d’urgence
“A more gradual path, targeting achieving 65 percent in the public debt-to-GDP ratio by mid-2029, could be feasible and more growth friendly—implying a fiscal adjustment in the overall primary balance of about 2.3 percent of GDP per year on average, relative to staff baseline where debt ratio is close to 80 percent. This could be achieved through measures that increase tax revenue (+1 percent of GDP yield) and cut current spending (+1, 3 percent of GDP savings), with options as detailed below”, suggère le Country Report, rendu public au cours de la semaine écoulée.

Toujours au chapitre de l’endettement, le FMI, tout en accueillant favorablement le nouveau Public Debt Ceiling Framework, recommande des mesures d’urgence pour ajuster les escape clauses for ceiling breaches. “While escape clauses provide flexibility to address extraordinary events or shocks, existing clauses (for a natural emergency, a large Cabinet-approved investment, and an economic slowdown) could undermine the credibility of the public debt ceiling”, reconnaît le FMI.

Le Staff Country Report propose que “the framework could be strengthened by defining the terms “natural disaster” and “economic slowdown” more precisely, and by dropping the clause on large public investments. The framework could be further enhanced by (i) introducing a medium-term debt target in the debt ceiling legislation, and (ii) adopting a short-term operational rule for the fiscal balance to achieve the medium-term debt target.”
Tout compte fait, la teneur du rapport sur l’état et les perspectives de l’économie sous les Article IV Consultations ne pourra gagner la primauté à l’agenda économique qu’après les prochaines élections générales. Un banker que ne pourra pas refuser le magnat des paris, actuellement en délicatesse politique avec ses maîtres à penser.

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