Une autre séance de l’enquête judiciaire pour faire la lumière sur le décès des douze dialysés au New Souillac Hospital lors de la pandémie de Covid-19 s’est tenue, hier, devant la Cour de district de Curepipe. Vinayegee Lutchammah a décrit en cour le calvaire de son époux, Latchummayah, à l’hôtel Tamassa et au New Souillac Hospital. Elle a accompagné son époux durant toute la période de quarantaine et qui a vu de ses propres yeux le traitement infligé aux dialysés. Elle a été catégorique contre l’état du New Souillac Hospital sous le Ministerial Stewardship de Kailesh Jagutpal. « L’hôpital était comme un dépotoir, avec des détritus partout », dit-elle des plus catégoriquement. Elle est aussi revenue sur le sort réservé à Keerpanand Beedassy, un amputé qui ne pouvait subvenir à ses besoins et laissé sans soins.
Répondant aux questions du représentant du Directeur des Poursuites Publiques (DPP), Vinayegee Lutchammah a évoqué depuis la barre des témoins les circonstances tragiques entourant le décès de son mari Latchummayah au New Souillac Hospital en mars 2021. Avec le cas de contamination au virus du Covid-19, Latchummayah, âgé de 72 ans en 2021, avait reçu un appel l’informant qu’il devait se rendre en quarantaine. Une ambulance était venue le prendre chez lui à Chamouny le 25 mars 2021.
Vinayegee Lutchammah avait insisté pour accompagner son mari et avait fini par recevoir cette autorisation, où le couple s’est rendu à l’hôtel Tamassa à Bel-Ombre, où avec d’autres dialysés, mari et femme étaient arrivés vers les 22h. Elle a expliqué que les repas qui leur étaient donnés n’étaient absolument pas appropriés pour un diabétique, et auxquels son mari n’avait pu toucher.
Son mari avait été testé positif au Covid-19 dans les jours qui ont suivi. Mais à son retour depuis l’hôpital ENT, où il avait été testé, elle avait constaté qu’il avait les pieds ensanglantés. Elle ajoute que les membres du personnel éprouvaient plusieurs difficultés à le mettre dans l’ambulance. Les infirmières du Tamassa lui avaient expliqué qu’elles n’avaient aucun médicament à lui donner. Mais elle avait eu la prévoyance d’apporter des bandages, et elle a elle-même nettoyé et pansé les blessures de son mari.
Par la suite, elle-même, son époux et un autre dialysé, Keerpanand Beedassy, avaient été transférés vers le New Souillac Hospital. Selon les termes de Vinayegee Lutchammah, « l’hôpital était comme un dépotoir, avec des détritus partout ». Elle avait réussi à téléphoner à des membres du conseil de village de Souillac et après un constat de ces derniers, des efforts avaient ensuite été faits pour nettoyer les alentours de la salle d’isolation.
Avec des séances irrégulières de dialyse, Latchummayah était tombé gravement malade, et ne pouvait plus respirer. Sa femme avait téléphoné au service des médecins le 31 mars 2021, et ces derniers avaient fini par appeler une ambulance du SAMU vers les 1 h du matin. Mais l’ambulance ne s’était présentée que vers 5 h du matin. C’était la dernière fois qu’elle voyait son mari. Le lendemain, elle devait apprendre qu’il était décédé. Il avait ensuite été incinéré au cimetière de Bigara sans qu’elle ait pu assister aux funérailles.
Vinayegee Lutchammah a indiqué qu’elle n’avait aucune objection que le dossier médical de son époux soit transmis à la cour. En réponse à la question si elle avait quelque chose à ajouter, elle a expliqué qu’il y avait une « négligence à tous les niveaux. J’ai eu l’autorisation d’accompagner mon mari à l’hôtel Tamassa et au NSH. J’ai tout vu. J’avais moi-même demandé un peu d’eau pour pouvoir avaler mes comprimés. Ce n’est que le lendemain que j’ai eu un peu d’eau…
Une affirmation plutôt grave de Vinayegee Lutchammah : d’après elle, des volontaires avaient laissé de la nourriture en abondance, mais les patients n’avaient rien eu. Et Vinayegee Lutchammah de se demander où était passée toute cette nourriture. « Pa kone kot tousala inn ale », a-t-elle maintenu.
Répondant aux questions du représentant du DPP Me Khaveesh Seenauth, Vinayegee Lutchammah a aussi décrit en cour le traitement dégradant infligé à un autre dialysé, Keerpanand Beedassy, un infirme.
Me Khaveesh Seenauth (KS) : Quand avez-vous vu Keerpanand Beedassy ?
Vinayegee Lutchammah (VL) : Mon mari, Keerpanand Beedassy et moi-même avions été transférés au New Souillac Hospital depuis l’hôtel Tamassa. Des membres du personnel avaient pris le sac de Keerpanand Beedassy et l’avaient jeté sur son pied amputé alors qu’on le mettait dans l’ambulance. Il avait alors commencé à se tordre de douleur, à pleurer et à gémir.
KS : Est-ce que ce sont des membres du personnel de l’hôtel Tamassa qui ont fait cela ou ceux du New Souillac Hospital ?
VL : Je ne sais pas.
KS : Y avait-il une blessure à sa jambe ?
VL : Sa jambe était recouverte d’un pansement.
KS : Il avait passé la nuit à crier de douleur ?
VL : Oui. Il demandait aussi de l’eau.
KS : Des membres du personnel médical sont venus à son chevet au New Souillac Hospital?
VL : Non. Personne n’était venu le voir. Ils ne nous fournissaient aucun traitement. Ils se contentaient de laisser de la nourriture devant la porte.
KS : L’état de santé de Keerpanand Beedassy était bien grave à ce moment-là ?
VL : Oui.
KS : Il devait mourir le lendemain ?
VL : Oui.
KS : Depuis que Keerpanand Beedassy était entré au New Souillac Hospital jusqu’à son décès le lendemain, aucun membre du personnel soignant n’était venu le voir ?
VL : Non. On l’avait emmené pour une séance de dialyse. Environ 45 minutes après, ils sont revenus chercher son sac.
Le 29 mars, vers 8 h 30, son épouse Keeran avait reçu un appel émanant du New Souillac Hospital, lui disant que son mari était décédé alors qu’on le reliait à l’appareil de dialyse.