Les révélations de la série noire se poursuivent. Jeudi dernier, en Cour de district de Curepipe, une nouvelle séance de l’enquête judiciaire pour faire la lumière sur les circonstances durant lesquelles sont morts douze dialysés dans certains hôpitaux au plus fort de la pandémie de Covid-19 au mois de mars 2021 avec le ministère de la Santé sous la tutelle de Kailesh Jagutpal. Un homme, Canabady Ramsamy, écrasé par la douleur encore vive, décrit les souffrances de son épouse au New Souillac Hospital, et les circonstances dans lesquelles elle est morte.
Canabady Ramsamy, un homme dans la soixantaine, répondant aux questions du représentant du Directeur des Poursuites Publiques (DPP), Me Michel Ah Sen, a décrit de la barre des témoins les circonstances qui ont conduit au décès de sa femme Sarodjnee Ramsamy au New Souillac Hospital en 2021. Suite à un exercice de Contact Tracing, une ambulance était venue prendre Sarodjnee Ramsamy, âgée de 56 ans, chez elle ce 26 mars 2021, et l’avait transportée à l’hôtel Tamassa à Bel-Ombre. Elle avait besoin de trois séances de dialyse par semaine, d’une durée de trois heures chacune. Elle souffrait en outre d’hypertension, de diabètes et était sous traitement à base d’insuline, ainsi que des complications cardiaques.
Canabady Ramsamy voulait accompagner sa femme dans l’ambulance mais un préposé affecté à l’ambulance devait lui expliquer qu’il devait s’acquitter d’un paiement pour cela. Suite aux protestations de Canabady Ramsamy, qui maintenait que cette facilité était offerte gratuitement par le gouvernement aux proches d’un patient transporté par ambulance, l’homme lui avait alors demandé d’attendre, avant de lui dire plus tard qu’il ne pouvait pas accompagner sa femme.
L’ambulance l’avait déposée à un point de rassemblement, où ensemble avec d’autres patients, elle avait été transportée à l’hôtel Tamassa dans un autobus de la CNT. Elle a pu prendre contact avec son mari grâce à son téléphone portable. Canabady s’est alors rendu à l’hôtel Tamassa et a remis à l’entrée de cet hôtel les médicaments de Sarodjnee Ramsamy et de la nourriture. Il n’y avait personne pour lui injecter de l’insuline. Elle avait dû se débrouiller par elle-même. En outre, selon ce que sa femme avait pu lui communiquer par son portable, la nourriture qui était servie aux patients n’était pas adaptée à un patient suivant un traitement de dialyse. À l’hôtel Tamassa, un médecin avait confié à Canabady Ramsamy qu’il craignait le pire, c’est-à-dire que beaucoup de patients avaient été contaminés par le Covid-19.
Sarodjnee Ramsamy avait ensuite commencé à suivre ses séances de dialyse au New Souillac Hospital. Mais à maintes reprises, elle appelait son époux pour lui faire part de ses difficultés de séances de dialyse en retard ou reportés. Il était aussi question encore que ses séances, normalement de trois heures, avaient été réduites à une heure et trente minutes. Me Ah-Sen devait demander au témoin si le médecin traitant, le Dr Oozeerally, avait ordonné une réduction de la séance de dialyse. Le témoin n’a toutefois pu éclaircir le tribunal à ce sujet.
Enterrée dans unes « bwat kofraz »
La patiente, qui était affaiblie par l’hypertension, le diabète et ses complications cardiaques, de même que ces séances irrégulières, devait subir une séance de réanimation d’urgence. Cela avait été suivi par un séjour aux soins intensifs au New Souillac Hospital, un passage à l’hôpital ENT pour un scan et un autre séjour à l’hôpital Jawaharlal Nehru à Rose-Belle.
Le 5 avril 2021, Sarodjnee Ramsamy avait été testée négative à la Covid-19. Mais quatre jours plus tard, soit le 9 avril, elle avait été testée positive. Son mari maintient que c’est au New Souillac Hospital qu’elle avait été infectée par le virus, vu l’absence de mesures sanitaires et de protection. Le même jour, elle avait été admise dans la salle de quarantaine du New Souillac Hospital.
Le 21 avril 2021, vers les 10 h, l’hôpital avait appelé Canabady Ramsamy pour lui annoncer le décès de sa femme. Le personnel de l’hôpital lui avait demandé s’il voulait un enterrement ou une crémation, et il avait opté pour l’enterrement.
Vers les 2 h de l’après-midi, on avait convoyé sa femme vers le cimetière de Bigara. Seules 10 personnes avaient été autorisées à assister à l’enterrement. Canabady Ramsamy avait été consterné de découvrir que sa femme avait été placée dans une bwat kofraz, selon ses dires, en guise de cercueil. Une excavatrice avait creusé un trou, et avait déposé le soi-disant cercueil dans le trou, avant de le recouvrir de terre.
À la fin de l’interrogatoire, Me Ah-Sen avait ensuite demandé au témoin s’il avait quelque chose à ajouter. D’une voix brisée par l’émotion, Canabady Ramsamy devait lancer : « On aurait dû lui donner les soins nécessaires et non la traiter comme un animal. Cela fait douze ans qu’elle subissait des séances de dialyse, mais elle est morte au bout d’un séjour de 26 jours seulement à l’hôpital.» Me Ah-Sen devait commenter pour sa part à la Cour que ce décès est survenu alors que la patiente était sous la responsabilité de l’État.
La magistrate Shavina Jugnauth, qui préside cette enquête judiciaire, a alors mis fin à la séance. Cette affaire reprendra mardi, avec l’audition d’autres témoins.