- Pas besoin d’être un fin détective pour savoir où se tient le trafic de drogue : aux abords du poste de police, au vu et au su de tous
- La pollution quotidienne des usines affecte les habitants, mais les autorités s’en tiennent pour l’heure aux effets d’annonce
- Un Muga, un Funeral Parlour et de l’Embellishment” à l’agenda des dirigeants pour répondre aux maux sociaux
Il ne fait plus bon vivre à La Tour Koenig, cette agglomération côtière éloignée de tout développement, pourtant si proche de la capitale économique. Les habitants y ont été entassés, souvent dans des conditions de précarité, permettant ainsi à de graves maux sociaux de pulluler. Les objectifs que prétend accomplir le gouvernement en matière d’environnement fer riye. En témoignent des usines polluantes qui constellent la région. Une virée dans cette localité ouvre les portes d’une île Maurice négligée, pour ne pas dire de seconde zone.
Assis au bord de la plage après son footing quotidien, Christian, 74 ans, se pose souvent la même question : a-t-il fait le bon choix en aménageant à La-Tour-Koenig ? Il y a une vingtaine d’années, cet ex-fonctionnaire de mairie y a acquis une maison suite à un coup de foudre. Dressée sur un rempart à l’entrée Sud de la capitale, cette localité était prisée pour sa proximité avec la mer et la paisibilité qui y régnait. Toutefois, une politique an fou pa mal de logement a fait s’y entasser de nombreuses familles dans des conditions déplorables. La pauvreté criante et le manque d’encadrement ont permis à la précarité et au trafic de drogue – parmi d’autres maux sociaux – de s’y installer et de s’épanouir au point de faire du quotidien. L’idylle de Christian n’a été que de courte durée : « Il ne fait plus bon vivre à La Tour Koenig », lâche-t-il avec un brin de regrets.
Repaire pour dealers
« Tou inn gate. Nanye pa bon. Mo pa per pou dir ki mo ena enn zanfan inn tom dan ladrog », s’emporte le vieil homme. Des témoignages semblables ressortent parmi les habitants rencontrés. Originaire d’une cité des hautes Plaines-Wilhems, Christian pensait qu’un déménagement sur la région côtière offrirait une meilleure vie à sa famille. Mais l’insécurité s’est renforcée au gré d’une politique de logement insouciante.
À Old La-Tour-Koenig est venue s’attacher la cité Phase 1 (Alpha), à l’entrée de la bourgade. Puis la cité Débarcadère, à la lisière de Pointe-aux-Sables. S’ensuivront les blocs de la NHDC, La-Tourelle et Résidence Coquillages. Tous ont le sentiment d’avoir été laissés-pour-compte. « Fleo ladrog pe anpire dan landrwa. Zenn-zenn zanfan, fam, zom pe tom ladan », constate le septuagénaire.

L’ampleur du trafic s’observe aux alentours du complexe commercial, bâtisse vieillissante devenue un repère pour dealers. Et sans jeu de mots. L’ironie veut que le poste de police de la localité jouxte le complexe commercial . « Kot ou pase dan sant komersial ena droger ek soular. Ou per pou les ou fami al laba », explique une mère de famille. La situation a été maintes fois déplorée dans les médias et auprès des autorités concernées. En vain. De fait, les usagers de drogue se permettent d’aborder violemment les habitants pour leur demander de l’argent.
Autre phénomène qui préoccupe la région : les voler feray, déplorent les habitants. Un véritable fléau. Principalement, « des accros à la drogue dure », ils errent avec des chariots de supermarché ou des brouettes remplies de ferraille. « Pa kapav dir sipa zot kokin sa, parski nek zis trouv zot marse ek sa partou. Parfwa lapolis pass ar zot pa arete », soutient une habitante de Coquillages, résidence située à l’arrière de l’usine CMT. « Zot al vann sa dan lizinn lao pou dipin diber, pou zot gagn kas enn yenn », ajoute cette quinquagénaire.
Résidentielle à industrielle
D’autre part, La-Tour-Koenig et les régions avoisinantes subissent les épaisses fumées des usines, qui parsèment la région. Des questions relatives à leurs permis d’opérer ont été posées durant des années. « Mo konn dimounn depi zot res la, zame inn ouver lafnet zot lakaz », raconte Arnaud, un habitant de Résidence Coquillages. Pour cause, les fumées noires émanant des cheminées des usines envahissent les domiciles alentours. En témoignent les murs, rideaux et meubles noircis par cette pollution.

Cet état de choses à La-Tour-Koenig a, de nombreuses fois, été étalé dans les médias. En 2018, le Collectif Bien-être de Pointe-aux-Sables était monté au créneau pour dénoncer leur ras-le-bol au sujet des usines polluantes de la région. Il y a quelques mois, les habitants ont, une énième fois, fait part de leurs doléances. L’un d’eux a prouvé que le taux de carbone dioxyde d’azote dans l’air est supérieur à la moyenne, mettant à risque la santé des locaux. Toutefois, rien ne semble avoir été fait de concret par le ministère de l’Environnement, placé sous l’égide de Kavy Ramano.
Le paysage carte postale de La Tour Koenig a aussi pris un sérieux coup, voire s’est estompé. Le moindre espace libre semble être transformé en décharge, au vu et au su des autorités. Matelas usés, carcasses de voitures, vieux frigos… Certains habitants n’hésitent pas à entreposer leurs déchets sur des terrains abandonnés, comme à la lisière de Résidence Coquillage. Pire : à côté de l’immense abritant les services du Government Printing, un immense dépotoir aux allures de Mare-Chicose grossit au fil des mois.

Un boutiquier de la localité soutient avoir prévenu la municipalité à plusieurs reprises. Mais comme d’habitude, les autorités sont sourdes aux demandes légitimes de La-Tour-Koenig. De leur côté, elles prévoient un terrain de foot et un , évoquant vaguement un projet d’embellissement. Sans plus. Au commerçant de fulminer : « Lemer lamem nou pa konn so figir. »
Fabrice David, député :
« Je déplore le climat d’insécurité »
« Je déplore le climat d’insécurité que me décrivent les habitants notamment en lien avec le trafic de drogue, qui a pris de l’ampleur depuis ces six dernières années. De plus, je regrette que le centre commercial dit Sheridan soit devenu un endroit où s’entassent des déchets de toutes sortes.
« Le 11 mai, j’ai interpellé le ministre de l’Environnement sur la qualité de l’air à La-Tour-Koenig. J’ai lancé le 13 mai 2021 le mouvement #LetUsBreatheMoris pour combattre la pollution atmosphérique à La-Tour-Koenig et, de façon plus large, à travers le pays. »
Dorine Chukowry, PPS :
« Il y a un projet de Muga »
« Il y a pour La-Tour-Koenig un projet de Muga, qui devrait voir le jour en mars 2022. Le Muga, dont le terrain a déjà été identifié à côté du terrain de foot de la localité, comprendra un terrain synthétique, un jardin d’enfant, un Yoga Complex et un Outdoor Gym.
« À Old La Tour Koenig, un projet de drains débutera d’ici le mois prochain. Concernant le fléau de drogue, j’ai personnellement demandé qu’il y ait plus de patrouilles de police dans les environs, et j’ai réclamé que le terrain à côté du centre commercial Sheridan, qui est un repère pour les drogués, soit nettoyé. »
Mahfooz Cadersaïb, lord-maire :
« Engagé dans un projet d’embellissement »
« À ce que je sais, des procédures ont été entamées pour l’aménagement d’un terrain synthétique dans la localité. Il faut ajouter à cela un projet de Funeral Parlour et un terrain synthétique. Entre-temps, la municipalité s’est engagée dans un projet d’embellissement. En ce moment même, des officiers travaillent dessus à La Tourelle. »
Passivité de la police
« L’inaction des forces de l’ordre face aux bandes de dealers autour et dans le centre commercial de la localité fait beaucoup parler. La proximité du poste de police n’inquiète nullement les petits dealers qui mènent leur trafic à la lumière du jour. Il est dès lors évident qu’une hausse des patrouilles ne suffira pas à changer la situation. Par ailleurs, la pollution sonore est un autre phénomène récurrent à La-Tour-Koenig. Certains habitants déplorent que leurs appels à la police ne servent à rien face à des voisins peu soucieux. »