Les pêcheurs de la localité alertent sur la dégradation du bassin de Mer-Rouge, autrefois haut lieu de la biodiversité marine
Des traces d’hydrocarbures toujours visibles sur les racines des mangroves après deux déversements d’huiles lourde
Après deux déversements d’huile lourde au début de cette année, l’Estuaire de Terre-Rouge peine à retrouver son éclat d’antan. Des pêcheurs de la localité affirment que les oiseaux se font de plus en plus rares, car le bassin de Mer-Rouge n’est plus aussi riche qu’avant. De plus, avec les développements portuaires et le ravitaillement des navires, qui se fait à quelques encâblures de là, le danger est omniprésent, disent-ils.
L’Estuaire de Terre-Rouge était jadis un endroit où l’on pouvait admirer les oiseaux migrateurs, venus d’ailleurs. Situé à Mer-Rouge, Roche-Bois, ce Wetland a été décrété site Ramsar de par l’importance de sa biodiversité. Mais aujourd’hui, il n’y a plus de ballet de Chevalier Guignette ou de Grand Chevalier dans le ciel. Ni de Courlis Corlieu chassant les petits maquereaux dans l’eau avec son long bec. S’il est vrai que c’est surtout à partir du mois de novembre que toutes ces espèces fuient le froid de l’Europe, des témoins indiquent que même à cette période, le spectacle n’est plus le même. L’Estuaire de Terre-Rouge, officiellement Rivulet Terre Rouge Estuary Bird Sanctuary, a l’air bien triste…
Les pêcheurs de la localité ont tenu à tirer la sonnette d’alarme sur cet état des choses, surtout avec deux marées noires qui ont affecté les lieux au début de cette année. Judex Rampaul, du Syndicat des Pêcheurs, qui fait office de porte-parole pour ses collègues, déplore un laisser-aller. « C’est triste de voir à quel point cet environnement s’est détérioré. Ici, auparavant, dans le bassin de Mer-Rouge, on trouvait des maquereaux, des anguilles, des sardines… C’est pour cela que tous ces oiseaux migrateurs venaient ici… pour se nourrir. Mais aujourd’hui, il ne reste plus grand-chose », déplore-t-il.
Judex Rampaul dénonce ainsi les développements portuaires et autres usines des environs, qui génèrent des effets néfastes sur l’environnement marin. « La situation est préoccupante. Même une partie de la mer a été comblée », fait-il comprendre. Il montre également des bancs de sable qui ont pris forme suite à des travaux de dragage dans le port, et qui ne cessent de grandir. Il considère dommage qu’après deux déversements d’huile lourde, en janvier et en mars de cette année, aucune autorité n’est venue à la rencontre des pêcheurs et autres habitants de la localité pour évaluer l’impact social de cette situation.
Le bassin de Mer-Rouge, indique-t-il, était autrefois un lieu incontournable où les pêcheurs venaient collecter des appâts. Tel n’est plus le cas aujourd’hui. « Il n’y a presque plus rien ici. » Il rappelle également qu’il y a quelques années, des milliers de poissons morts avaient été retrouvés sur la berge en ces mêmes lieux. « La pollution a tout détruit », regrette-t-il.
Un tour en bateau en compagnie des pêcheurs permet de constater de visu l’impact des déversements d’huile lourde sur cet écosystème. S’il n’y a plus de flaques d’huile flottant à la surface, des traces noires, elles, sont toujours visibles sur les racines des mangroves, hors de l’eau. Mais ce n’est pas tout. Une odeur de pétrole flotte également dans l’air. Judex Rampaul montre au loin des navires procédant au ravitaillement.
Cette opération préoccupe également les pêcheurs, qui se demandent quels seront les impacts à long terme de cette activité sur leur métier. « Il y a des bateaux qui jettent l’ancre chaque jour dans cette région, allant de Baie-du-Tombeau à Pointe-aux-Sables. Quel est l’impact sur les coraux ? » De même, ajoute-t-il, le transbordement en mer est potentiellement dangereux pour l’environnement. « Quels sont les risques d’une catastrophe et quelles dispositions ont été prises pour prévenir cela ? » se demande-t-il.
Judex Rampaul pointe également du doigt le déversement des eaux usées dans la mer dans cette région. « J’invite les experts du ministère de l’Environnement à quitter leurs bureaux et à venir plonger pour voir ce qui se passe à cet endroit. Tous les coraux sont morts. » Il se demande ainsi si, dans une société moderne, on ne pouvait trouver un autre moyen pour traiter les eaux usées, au lieu de les déverser en mer.
Il invite également les députés de la circonscription à venir voir de près ce qui se passe à Mer-Rouge. « Nous sommes en train de crier parce que la situation se détériore de jour en jour. » En cas de catastrophe, ajoute-t-il, les communautés côtières, incluant les pêcheurs, seront les premières impactées.