Facebook fête ses 20 ans d’existence aujourd’hui

Le 4 février 2004, Facebook était lancé par Mark Zuckerberg à l’université de Harvard aux États-Unis. Vingt ans après sa création, la plateforme est-elle toujours aussi indispensable et addictive qu’à ses débuts ? Oui, si l’on en croit les chiffres : 34 milliards de recettes et plus de 11 milliards de dollars de bénéfices au 3e trimestre 2023, 3 milliards d’utilisateurs dans le monde et plus d’un million à Maurice. Le défilement infini (scrolling), les interactions, les notifications incessantes et les « lives », qui poussent à consulter en permanence son téléphone, n’ont pas faibli depuis son émergence dans l’île en 2006. Le réseau social a le vent en poupe, mais apporte aussi son lot de dérives et d’atteintes à la vie privée des citoyens, et beaucoup affirment avoir décidé d’y faire « profil bas » au fil du temps face aux comportements intrusifs des cyberharceleurs et des veyer zafer ! 

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Les Mauriciens sont de plus en plus accros aux réseaux sociaux, à Facebook notamment, en atteste les dernières statistiques dévoilées par le site napoleoncat.com, en décembre 2023. 1 019 100 internautes sont membres du célèbre réseau social, contre 764 400 en 2018. Cela représente 78,2% de la population. La tranche d’âge 25-34 ans est en majorité, représentant près de 291 200 utilisateurs (29,4%) des internautes mauriciens. Des chiffres à prendre avec des pincettes toutefois, dans la mesure où des utilisateurs utilisent deux profils Facebook en moyenne pour séparer vie publique et vie privée. La hausse exponentielle des « faux profils » est aussi à prendre en considération.

Aux premières heures de Facebook, les utilisateurs inondaient le réseau de statuts plus ou moins cryptiques avant de s’ouvrir à tout le monde en 2006. Maurice n’a pas échappé à cette Facebook-mania.

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D’abord pris d’assaut par les étudiants, il finit par intéresser adolescents, parents et retraités au fil des années. Romain, 34 ans, cadre en ressources humaines, est nostalgique des premières années où la plateforme avait plus l’air d’un formulaire administratif avec un mur (ou wall) un peu statique et des fonctionnalités limitées : « Je m’étais inscrit en 2007 sans trop réfléchir. À l’époque, c’était une façon de retrouver des parents qu’on avait perdu de vue ou les gens avec qui on était au collège. Les filles notamment (rires). Les vieux de la vieille se souviendront des fameux pokes comme pour dire toc-toc, je suis là. Une technique de drague qui n’a pas fait long feu. Mais c’était mieux avant. Le réseau social s’est dévoyé 20 ans après et je me connecte uniquement pour voir les infos sur les médias traditionnels ou pour communiquer par Messenger. »

C’est notoire : Facebook nous rapproche des personnes qui sont loin, mais nous éloigne de celles qui sont près de nous. Un constat qui a pour toile de fond une forte dépendance aux smartphones qui a fait réfléchir Mireille, mère de deux enfants. « Facebook est important à mes yeux. Je ne me voile pas la face. C’est un excellent moyen de faire connaître votre marque, de rester connecté aux personnes qu’on voit très rarement, tout en étant informé de ce qui se passe dans notre île, mais lorsque je vois mes enfants se trimballer avec leurs téléphones, à table lorsqu’on dîne, à l’école ou pendant qu’ils révisent, il a fallu que j’impose des règles strictes, à commercer par moi-même. Il y a des heures pour tout et c’est important que les parents donnent le bon exemple », confie Mireille.

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On assiste à une « dérive » des usages depuis quelques années et notre interlocutrice aurait aussi pu gloser sur le phénomène des contenus viraux… et son lot de désinformation. L’ampleur et la vitesse avec laquelle les fake news se répandent a pris des proportions affligeantes, comme on a pu le voir lors des inondations dévastatrices du 15 janvier, où il a été annoncé que huit, dix, douze personnes étaient décédées, emportées par les flots. Manipuler et tromper le public pour simplement générer des clics et gagner de l’argent. On peut par ailleurs se poser des questions sur l’anonymat présent sur la plateforme. Parfois, certaines personnes se cachent directement derrière de faux profils ou usurpent l’identité d’un individu pour insulter, harceler, dénigrer ou faire de fausses allégations sur autrui.

Facebook devrait, comme en 2014 et 2019, jouer un rôle prépondérant lors de la prochaine campagne électorale et les risques de gros dérapages sont à craindre. Il incombe aux autorités concernées et aux partis politiques qui mènent bataille de faire de sorte que les choses ne partent pas en vrille !

4 scandales majeurs

1. Les fuites de données personnelles

L’une des plus significatives des failles de sécurité a été repérée en septembre 2018, exposant près de 30 millions de comptes à des pirates informatiques. Les données personnelles et les activités de recherche de près de la moitié de ces comptes ont été compromises

2. Le scandale Cambridge Analytica

En 2017, un an après l’élection de Donald Trump, le scandale de Cambridge Analytica a éclaté, jetant une ombre sur la campagne électorale du Président américain et sur Facebook lui-même. . Près de 50 millions de comptes ont été touchés, permettant une manipulation politique ciblée sur la plateforme.

3. La Panne Mondiale en 2021

Le 5 octobre 2021, Facebook a connu une panne mondiale de sept heures, affectant également des applications majeures du groupe telles que WhatsApp, Instagram et Messenger.

4. Les Facebook Files

Les révélations fracassantes des Facebook Files ont secoué l’entreprise. En septembre 2021, Frances Haugen, une ancienne employée, a dévoilé que le réseau social n’était pas préparé à faire face aux fausses informations liées au Covid-19, que la modération était inefficace dans certaines langues, et que la promotion de contenus sensationnalistes avait mis en avant des contenus violents, exposant les jeunes utilisateurs.

Les points saillants

l 2006, lancement du fil d’actualité

C’est, encore aujourd’hui, l’un des éléments essentiel et primordial du réseau social. Les publications des autres, les commentaires et l’actualité du jour.

l 2007, les pages et la publicité

Depuis 2007, Facebook propose aux utilisateurs de créer des pages. Elles servent aux causes, aux entreprises, aux marques. Un moyen de s’ouvrir à la publicité. Désormais, le réseau monétise ses espaces.

l Avril 2008, la première appli sur iPhone

Un an après son arrivée sur mobile, avec une version adaptée aux petits écrans, Facebook crée une application spécifique pour les iPhones d’Apple. C’est certainement l’un des moments clés de l’histoire du réseau social que l’on peut désormais consulter tout le temps, n’importe où, l’avoir dans la poche.

l Juillet 2008, MSN est mort, vive Messenger

C’est incontestablement Facebook qui a tué les vieilles messageries instantanées comme le fidèle mais un peu âgé MSN, outil de discussion de Microsoft. En 2008, Zuckerberg lance le chat de Facebook qui deviendra plus tard Facebook Messenger et permettra, dès 2011, de passer des appels.

l 2016, le Facebook Live

Facebook Live se greffe aussi aux nouveaux éléments du réseau social. Un moyen pour les utilisateurs du réseau social de se sentir vidéastes ou presque journalistes.

l 2012, les naissances d’Instagram et WhatsApp

Le réseau social acquiert l’application de partage de photos Instagram pour 1 milliard de dollars. Il s’offrira en 2014 l’application de messagerie mobile WhatsApp pour 19 milliards.

l 2021, Meta !

La maison mère de Facebook est rebaptisée Meta. Meta comme le mot grec pour « au-delà », mais aussi comme « métavers », l’avenir d’internet selon Zuckerberg, où se mélangeront réalités physique et virtuelle.

Facebook a 20 ans – Ruchi Swambar (psychologue) : « Trouver un compromis entre la protection des utilisateurs et la liberté d’expression »

Les réseaux sociaux, en l’occurrence Facebook, ont largement modifié nos comportements, exacerbant à la fois le bon côté et le mauvais côté de l’humanité. Outil à double tranchant, Facebook, jadis idolâtré, est désormais devenu pour beaucoup source d’anxiété, avec une surexposition de sa vie privée, et objet de torture pour d’autres, notamment dans le cas de cyberharcèlement. La psychologue Ruchi Swambar nous en dit plus.

Tel le penseur de Rodin, la tête penchée sur son téléphone, Stéphanie attend patiemment les likes et les commentaires de ses 1 000 abonnés. Avant cela, elle a passé deux heures à choisir et éditer la meilleure photo d’elle avant de la publier sur son compte Facebook. Comme elle, ils sont des millions à consulter leur page Facebook des dizaines de fois par jour, frôlant parfois le narcissisme. « Il est indéniable que les réseaux sociaux, en particulier Facebook, ont modifié le comportement des gens. Ils ont modifié la manière dont nous nous connectons, communiquons et gérons nos interactions sociales », explique la psychologue Ruchi Swambar.

Elle soutient ainsi que l’utilisation de ces plateformes étant très répandue, « nous sommes plus que jamais liés les uns aux autres. » Une hyperconnexion qui aurait, selon elle, un impact sur la façon dont nous partageons les informations, et sur la façon dont nous nous percevons et dont nous percevons les autres. Elle explique, par ailleurs, que « s’il y a des avantages comme l’amélioration de l’accessibilité et de la connectivité mondiale, il y a aussi des inconvénients, comme les inquiétudes concernant l’impact sur la vie privée, les relations et le besoin croissant de comparer sa vie sociale aux autres en ligne. »

Comment donc expliquer la popularité de Facebook chez les gens, qui 30 ans auparavant militaient pour la sauvegarde de leur vie privée, craignant que les écrits de George Orwell ne deviennent réalité ? « Le pouvoir des réseaux sociaux de satisfaire les besoins humains fondamentaux d’expression, d’engagement social et de validation est ce qui les rend si attrayants. Ils agissent également comme un lieu de rencontre virtuel pour les gens, en encourageant les liens sociaux et en donnant aux gens un endroit où s’exprimer », explique la psychologue. Par ailleurs, « les mentions “J’aime” et les commentaires sont des mécanismes de rétroaction qui procurent un sentiment de validation et renforcent l’estime de soi. » Elle indique que les réseaux sociaux sont également des lieux de divertissement, d’information et de mise en réseau professionnel, qui offrent des possibilités d’image de marque personnelle, d’engagement communautaire et de relations internationales. Toutefois, Ruchi Swambar explique qu’« il est important d’être conscient des inconvénients possibles, tels que les effets sur la santé mentale et les problèmes de confidentialité, et d’utiliser les médias sociaux en connaissance de cause. »

Ce qui nous amène au phénomène d’addiction aux réseaux sociaux qui « peut être expliqué par la psychologie comportementale, où les récompenses intermittentes fournies par les likes, les commentaires et les partages qui déclenchent les centres de plaisir du cerveau, renforçant le comportement de scrolling et posting. » La psychologue explique que « cette interaction continue peut déclencher une boucle vicieuse de désir d’approbation, alimenter la peur du manque et augmenter la tension et l’inquiétude. Il peut en résulter des effets significatifs sur la santé mentale, notamment une vulnérabilité accrue aux sentiments d’inadéquation, l’isolement social et une baisse générale du bien-être. »

Par ailleurs, s’il y a toujours un nombre conséquent d’abonnés, beaucoup décident de supprimer leur compte Facebook pour « s’effacer ». Ruchi Swambar soutient en effet que « les gens se déconnectent de plus en plus des réseaux sociaux, ce qui constitue une réaction subtile à l’évolution de l’environnement numérique. Certaines personnes peuvent être motivées par le désir de retrouver leur vie privée après avoir pris conscience des inconvénients possibles d’une visibilité permanente sur l’internet. D’autres tentent de trouver un équilibre plus sain entre les expériences virtuelles et réelles en réponse à la connaissance croissante des effets néfastes sur la santé mentale. » La professionnelle de santé mentale explique ainsi que « la déconnexion peut être l’occasion de réévaluer la manière dont on interagit avec les médias sociaux, ce qui peut conduire à des amitiés plus authentiques, à moins de comparaisons sociales et à une plus grande attention portée au bien-être. »

Outre l’impact néfaste sur la santé mentale, il existe aussi des formes d’abus punissables dans la vraie vie, mais qui reste impunie sur les réseaux sociaux, dont le cyberbullying. « Récemment, j’ai eu l’occasion d’intervenir dans un cas d’intimidation sur Facebook impliquant Souhail, victime de cyberintimidation à la suite d’une interview publiée sur les médias sociaux. Son expérience met en lumière le problème omniprésent de la cyberintimidation, où des personnes sont victimes de harcèlement et d’humiliation ciblés », dit-elle. Ruchi Swambar indique qu’il est décourageant de constater que des facteurs tels que « la langue, l’apparence physique, les antécédents personnels ou le simple fait d’exprimer des opinions différentes peuvent faire de quelqu’un une cible d’abus en ligne. »

Ruchi Swambar renchérit que, « malheureusement, ce phénomène ne se limite pas au cas de Souhail, car de nombreuses personnes, y compris des personnalités connues, sont confrontées à des problèmes similaires au quotidien. L’anonymat offert par les réseaux sociaux exacerbe souvent l’impact, soulignant le besoin urgent d’une sensibilisation accrue, d’une plus grande empathie et de mesures pour lutter contre cette forme d’abus. »

Elle en a aussi profité pour commenter sur les excuses publiques de Mark Zuckerberg aux victimes de tels abus. Pour elle, des cas comme celui-ci soulignent le besoin urgent de mesures juridiques renforcées pour protéger les populations vulnérables, en particulier les jeunes, contre les abus en ligne. « Des réglementations plus strictes décourageraient les contrevenants, rendraient les plateformes responsables de la sécurité des utilisateurs et garantiraient un traitement rapide et efficace des événements signalés. Pour favoriser un environnement en ligne plus sûr, il faut trouver un compromis entre la protection des utilisateurs et la liberté d’expression, en particulier pour les utilisateurs les plus vulnérables. »

Pour conclure, la psychologue souhaiterait « souligner l’importance d’utiliser les réseaux sociaux de manière réfléchie et responsable. Établir des limites saines, être conscient de l’impact potentiel sur la santé mentale et pratiquer l’hygiène numérique en contrôlant le contenu consommé peuvent contribuer à une expérience en ligne positive. Favoriser l’empathie, promouvoir une communication respectueuse et intervenir contre la cyberintimidation sont des étapes essentielles dans la création d’une communauté numérique solidaire. » La jeune professionnelle de santé mentale insiste aussi sur le fait qu’il est « essentiel de donner la priorité aux relations avec le monde réel, d’équilibrer la vie en ligne et la vie hors ligne, et d’être conscient de son bien-être émotionnel et de celui des autres dans le monde numérique. »

 

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