Fam Ape Zwenn (FAZ) : Joceline Minerve salue l’intégration d’une trentaine d’hommes solidaires dans le combat

Ne dérogeant pas à son rendez-vous pris depuis trois ans déjà, le collectif Fam Ape Zwenn (FAZ) a réuni membres et public au gymnase du collège Lorette de Rose-Hill, dimanche le 7 décembre. Nos droits, notre avenir maintenant ! est la thématique qui a été choisie pour la commémoration de la Journée mondiale des Droits humains 2025. Joceline Minerve, fondatrice du mouvement, a salué l’engagement d’une trentaine d’éléments masculins, appelés les Zom Solider de FAZ. « Car ce combat pour la reconnaissance des droits des femmes passe, définitivement, par eux ! » Conviée en tant qu’invitée, la Speaker de l’Assmblée nationale, Shiin Aumruddy-Cziffra, qui est aussi l’une des cofondatrices de FAZ, a indiqué qu’« au plus vite, le dossier en faveur de l’introduction du kreol morisien au Parlement sera déposé. »

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FAZ a conçu une demi-journée de travail autour de témoignages de Mauriciennes venues des quatre coins du pays. Nalini Ramasamy, Annecy Rivière et Rachel Ng, des citoyennes anonymes, sont intervenues pour lancer des appels poignants, exprimant les « rejets, souffrances et violences » dont elles ont été et sont toujours victimes sur leurs parcours. De leur côté, des personnalités comme Mélanie Valère-Ciceron de l’Ong Passerelles et Linley Couronne de Dis-Moi ont évoqué leurs combats aux côtés du collectif.

La rencontre gardé une minute de silence, en mémoire de ces femmes qui sont victimes de féminicides ces derniers temps. « Et aussi au nom de celles qui se sont suicidées et toutes ces autres, victimes de violences en tous genres : verbale, physique, psychologique, moral, économique… » Dans le même souffle, en guise d’ouverture de la journée, Joceline Minerve a souhaité saluer l’engagement d’une trentaine d’hommes – certains bien connus, d’autres anonymes. « Mais tous mus par le même sentiment de repousser les harcèlements et les coups que subissent beaucoup trop de femmes chez nous. Il est vraiment plus que temps que tout cela change pour le meilleur et pour nos petites filles, qui feront partie de la société mauricienne, et ont donc leur contribution dans ce pays », dit-elle.

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Les témoignages de Nalini Ramasamy, hôtesse de l’air, victime d’un accident de la route en 1992, et ayant perdu l’usage de ses jambes, depuis ; d’Annecy Rivière, ancienne haut cadre dans une compagnie privée, « harcelée, discriminée et mise à l’écart à cause de mon poids, mes cheveux, bref tout ce que je suis » et Rachel Ng, ancienne consultante de la firme Coopers & Lybrand, qui a vécu « 26 ans avec un homme violent, qui m’a poignardée 14 fois durant toutes ces années » constituaient l’essence de la rencontre.

« Si mo pe dibout divan zot zordi, mo bizin konfie zot ki monn gagn 14 kout kouto dan sa bann lane-la. J’aurais dû être six pieds sous terre. Pourtant, je n’ai pas baissé les bras. À trois reprises, j’ai été déclarée cliniquement morte. Mais je suis revenue. Et je sais qu’il y a, comme moi, d’innombrables autres Mauriciennes et des femmes dans le monde entier, qui souffrent. » Rachel Ng, 57 ans, auteure de ces mots, a expliqué qu’elle a comme projet de lancer une association, Hope.

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« Mo papa inn donn mwa later. Je veux y construire un refuge qui sera un projet de vie. Où l’on encouragera le Healthy Living, le Healthy Eating et le Healthy Thinking. Car trop, c’est trop. Combien de temps encore les femmes doivent-elles courber l’échine devant des hommes qui ne manquent de rien et qui n’ont d’autre habitude, passe-temps et plaisir que de rabaisser les femmes, les taper, les utiliser », fait-elle comprendre avec force.

Rachel Ng a relaté que son calvaire a commencé quand elle rentre au pays en 1994. Professionnellement, elle découvre un nombre important de Mauriciens, hommes et femmes, qui ne savent ni lire ni écrire. « J’étais sidérée ! Encore plus choqué que moi l’était mon patron, qui était un Sud-Africain. Il m’a confié la mission d’éduquer ces personnes. » Pendant qu’elle s’attelle à son objectif, à la maison, c’est une tout autre histoire !

Les coups commencent à pleuvoir et Rachel Ng est rapidement « emprisonnée dans un univers toxique ». C’est en entamant deux lignes symboliques d’une chanson de Céline Dion, I’m alive : “I got wings to fly / Oh oh I’m alive !”, prenant une profonde respiration, elle a plongé dans les méandres de ses souvenirs pour revivre ces années épouvantables. « Zordi mo mari inn pouss mwa… J’ai 57 ans, et avec les épreuves que j’ai subies, je ne jouis pas d’une bonne santé. Les Homes ne veulent pas de moi à cause de mes soucis d’anxiété. Aussi, j’ai eu l’idée de monter ce projet de vie qu’est Hope. Je sais qu’il y a d’autres femmes qui, comme moi, pensent qu’elles n’ont pas d’autre issue. Si, il y en a ! Je suis là aujourd’hui, pour demander de l’aide et l’engagement des uns et des autres pour réaliser ce projet pour moi, pour nous. »

Avant elle, Annecy Rivière est revenue sur son vécu « traumatisant au sein d’une entreprise respectable ». Dans le cadre de la Journée de la Femme, et un événement que FAZ avait organisé à l’ICJM à Rose-Hill, en mars dernier, cette Mauricienne d’âge mûr avait ému aux larmes l’assistance présente. Elle avait, en des mots les plus simples, raconté son calvaire.

« Tou seki mo ete, mo seve, mo figir, mo groser, mo kouler, mo linz… zot ti pe kritik mwa, rabess mwa. Ena ti mem dir mwa mo pa gagn drwa travay laba. » Envers et contre tout, Annecy Rivière a persévéré. Elle a sombré dans la dépression. « Je comprends tout à fait les cas de suicide qui ont été rapportés dernièrement, les détresses et les souffrances intenables, indicibles. Je suis passée par là ! »

D’où son initiative, elle aussi, de mettre sur pied une association. « Nous devons et nous pouvons remonter cette pente. Nous ne pouvons pas laisser des personnes négatives avoir raison de notre instinct de vie ! »

Dans la foulée, a annoncé l’intervenante de FAZ, elle a démarré un programme de formation auprès des jeunes et des enfants. « Parce que je suis convaincue que bien informés, éduqués et sensibilisés à ces éléments de la vie, nos jeunes, qui sont l’avenir du pays, peuvent freiner ces comportements malsains. »

Dans le cadre de la campagne des 16 jours pour les Droits humains, qui se tient au Vaghjee Hall, à la Government House, Annecy Rivière expose un tableau. « On y voit une femme à la bouche cousue. C’est une image très forte qui renvoie à une réalité que vivent d’innombrables Mauriciennes. »

Nalini Ramasamy avait épousé la profession d’hôtesse de l’air. Elle travaillait pour la compagnie d’aviation nationale. En 1992, la jeune femme est victime d’un brutal accident de la route. Elle s’en sort, mais pas avec de graves répercussions : d’une part, elle perd l’usage de ses jambes. Et de l’autre, elle se retrouve brutalement plongée dans l’univers des personnes avec handicap et découvre « la liste sans fin » de manquements aux droits humains des personnes vivant avec un handicap.

« Je ne suis pas née handicapée, je le suis devenue. Et c’est très dur quand vous réalisez, du jour au lendemain, que votre statut n’est plus le même ! Que les regards des autres et leurs attitudes vous cloisonnent dans un univers qui vous pousse à devenir méchant, aigri. » Elle a fait remarquer que le jour où sont célébrés les Droits humains, l’on oublie cruellement que les porteurs de handicap sont aussi des humains. « Nous, on nous met à l’écart, comme si nous sommes moins humains… Il faut que ça change », dénonce-t-elle.

Trois Mauriciennes, toutes trois de calibre professionnel important et qui sont toujours victimes de brimades, de coups, de dénigrement… Bref, un ensemble d’éléments qui aurait pu les pousser à commettre l’irréparable. « Croyez-moi, nous sommes toutes passées par là à un moment de notre parcours. »

Aujourd’hui, selon Rachel Ng, Nalini Ramasamy et Annecy Rivière, elles ont entamé leur cheminement de reconstruction. « Aujourd’hui, nous survivantes, sommes là pour encourager d’autres Mauriciennes à sortir de l’ombre, du silence mortel, des coups, qu’ils soient de nos conjoints ou de nos collègues, pour sourire à nouveau à la vie. Parce que nous le valons bien comme chaque être humain qui prend naissance sur cette Terre ! »

Au fil des témoignages, des citoyens à la fibre artistique ont tenu à être présents et ont contribué aux efforts conjugués des femmes de ce mouvement. Ainsi, un proche de l’artiste Richard Beaugendre qui a repris son tube sans âge, Fleo-la, ainsi qu’Alain Lanfray. Celui-ci s’est emparé du texte La Source de Dev Virahsawmy et l’a interprété comme Gilbert Pounia de Ziskakan, l’avait fait. La présentation des anciennes du collège Lorette de Rose-Hill, de même que la ronde improvisée par l’artiste Sonia Leong Son ont aussi marqué les coeurs et les esprits présents, dimanche matin. Plusieurs personnalités dont la maire et son adjointe, Gabriella Batour et Gina Poonoosamy, étaient présentes dans la salle.

Shirin Aumeeruddy-Cziffra : « Le KM au Parlement, très bientôt une réalité »

« Je sais que le DPM Paul Bérenger a évoqué ce projet, il y a quelques jours, et je viens confirmer que le dossier sur l’introduction du kreol morisien au Parlement sera soumis au Premier ministre, Navin Ramgoolam, au plus vite. » La Speaker de l’Assemblée nationale, Shirin Aumeeruddy-Cziffra, s’est également attardée sur la campagne de 16 Jours d’activisme autour des violences envers le genre qui se tient actuellement à Maurice et ailleurs.

L’initiative, a-t-elle relevé, revient aux Nations unies. Le projet dont la Speaker est à la base est actuellement visible au Vaghjee Hall. Le mercredi 10 décembre marque la clôture de cette initiative qu’elle souhaite voir devenir régulière désormais. La démarche de Shirin Aumeeruddy-Cziffra a été saluée par de nombreux intervenants présents à la rencontre de FAZ et Linley Couronne a même laissé comprendre que c’est une grande première pour Maurice. « Nous devons tous soutenir et encourager la Speaker dans sa démarche et faire que ce projet devienne un élément récurrent de notre vie politique et sociale », dit-il.

Appels à l’engagement

Linley Couronne a expliqué qu’il a souhaité être physiquement présent. « Tous les Mauriciens connaissent mon combat aux côtés des plus faibles de la société. Nous sommes là pour cette situation, qui fait mal dans nos maisons, et autant à notre image à l’étranger, parce que nous voulons changer les choses. » Il a indiqué comment « quand Joceline Minerve m’a contacté, je me suis senti interpellé et j’ai souhaité marquer ma présence aux côtés de toutes ». De même, il a évoqué le fait qu’il y a désormais des agences et des organisations, telles que celle dirigée par l’ancien DPP Satyajit Boolell, et les initiatives prises par la Speaker S. A-Cziffra. « Les Mauriciennes ne sont plus seules. Elles ont des portes auxquelles frapper », a-t-il déclaré.

De son côté, Mélanie Valère-Cicéron, directrice de l’Ong Passerelles – destinée aux femmes violentées – a lancé un vibrant appel : « Nous avons de plus en plus de cas de violences en tous genres. Il n’y a pas que les coups. Dernièrement, nous avons eu un groupe de femmes étrangères, venues au pays pour travailler, et qui ont été maltraitées, violentées, et dont les Droits humains ont été confisqués ! Ce n’est pas acceptable. Nous devons tous ensemble changer cela. »

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