FCC : Les milliards de Ravatomanga pèsent lourd dans la balance

La FSC, la MRA et la Banque de Maurice conjuguent leurs efforts pour démêler l’écheveau du montage financier de l’ordre de $ 150 M au nom de l’homme d’affaires malgache

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Port-Louis, qui fait part de ses réserves par rapport à l’exécution du mandat d’arrêt émis, jeudi, dernier, par les autorités militaires malgaches.

En prélude à toute convocation à interrogatoire Under Warning de ce que fût le puissant homme d’affaires malgache Maminiana, dit Mamy Ravatomanga, sous le règne d’Andry Rajoelina, la Financial Crimes Commission établit ces jours-ci un Time Line des Deals transfrontaliers entre Antananarivo et Port-Louis. Et en particulier dans le secteur du Global Business Sector (Offshore). Pour les besoins de cet exercice préalable, les données par la Financial Intelligence Unit (FIU) font actuellement l’objet d’un Forensic Audit avec des institutions, comme la Financial Services Commission (FSC), la Mauritius Revenue Authority (MRA) et la Banque de Maurice, conjuguant leurs efforts. Cette étape fait suite aux Criminal Attachment Orders, l’expression est de la Financial Crimes Commission (FCC) dans son communiqué de vendredi soir, obtenu d’un juge siégeant en référé. Des sources officieuses maintiennent que le montant en question, soit de l’ordre de 150 millions de dollars américains, est l’un des plus importants, faisant l’objet d’enquête pour le délit présumé de Money Laundering sous la Financial Crimes Commission Act. En parallèle, depuis les délibérations du conseil des ministres de vendredi, présidé par le Premier ministre suppléant, Paul Bérenger, la validité et la légitimité du mandat d’arrêt international obtenu par les autorités militaires malgaches font l’objet de doute quant à une éventuellement mise à exécution formelle à l’encontre de Mamy Ravatomanga.
Les Findings des institutions susmentionnées devront permettre à la Financial Crimes Commission d’évaluer les soupçons à l’effet que le principal concerné s’apprêtait à réaliser des transferts de fonds à l’étranger estimés à plusieurs milliards de roupies. Le Legal Panel, mené par Me Siddartha Hawoldar, Senior Counsel-in-Waiting, assurant les intérêts de Mamy Ravatomanga devrait toutefois contester cette décision portant sur les Criminal Attachment Orders devant la Cour suprême dans les prochains jours. Les enquêteurs de la Financial Crimes Commission redoutent surtout que ces sommes importantes soient déplacées via des sociétés offshore, vers Dubaï. Ils devront démontrer devant la justice l’illégalité présumée d’une telle démarche.
À ce jour, Mamy Ravatomanga, un habitué des salons de Jet Prime Limited au Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport, a enregistré ses entreprises de Global Business (offshore) après avoir satisfait les critères imposés par la Financial Services Commission (FSC). D’après les informations disponibles, il a choisi d’opérer des comptes bancaires à Maurice au nom de ses sociétés, attiré par la stabilité du pays. Ces comptes, libellés en devises étrangères, servent à assurer le roulement de ses activités commerciales sur le plan régional aussi bien qu’international. L’homme d’affaires effectue des transactions à travers le secteur offshore mauricien depuis plus d’une décennie, ce qui lui confère le droit d’obtenir un permis de résidence sur le territoire. La démarche de la Financial Crimes Commission auprès de la Financial Services Commission vise à vérifier si les sociétés concernées ont respecté leurs obligations légales et réglementaires.
Du côté de la Mauritius Revenue Authority (MRA), la FCC cherche à déterminer si Mamy Ravatomanga et ses entreprises sont en règle en matière de déclarations fiscales (Tax Returns), conformément aux dispositions de la FSC Act. Les documents pertinents seront requis et versés dans le dossier d’enquête en vue de faciliter l’étape de l’interrogatoire.
Quant aux comptes bancaires visés, l’homme d’affaires en détiendrait plusieurs dans une banque locale. Le montant évoqué atteindrait environ Rs 5 milliards, déposées pour faciliter les opérations financières de ses sociétés offshore.
La Bank of Mauritius (BoM), chargée de la régulation du secteur bancaire, n’approuve pas directement toutes les demandes liées aux sociétés de Global Business. C’est la banque dépositaire elle-même qui vérifie la conformité des informations soumises, conformément à ses politiques internes et à ses exigences réglementaires.

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L’équipe juridique de la FCC envisage une collaboration avec la Banque Centrale sur ce dossier. Cette initiative s’explique par le fait que la banque concernée avait déjà été en désaccord avec la Banque de Maurice en 2022, risquant alors la révocation de sa licence. Les enquêteurs souhaitent obtenir le maximum d’informations sur les activités financières de Mamy Ravatomanga, mais pour cela, ils devront impérativement obtenir une ordonnance de la Cour suprême les autorisant à examiner les comptes concernés.

La FCC fait face à une mission complexe, nécessitant une autorisation judiciaire pour accéder aux données bancaires essentielles à son enquête sur le blanchiment d’argent. Cette enquête a été déclenchée à la suite d’une plainte déposée au Réduit Triangle par un jeune homme de la Génération Z résidant à Maurice. Ce dernier accuse Mamy Ravatomanga d’avoir transféré d’importantes sommes d’argent de Madagascar vers Maurice par le biais de sociétés offshore.
La FCC a ainsi obtenu un Criminal Attachment Order contre l’homme d’affaires malgache, son épouse et leurs entreprises.
Le principal obstacle pour la Commission demeure la traçabilité des Sources of Funds. En raison de la situation politique instable à Madagascar, la transmission de documents officiels depuis la Grande Île reste difficile. De plus, l’équipe légale de Mamy Ravatomanga pourrait contester la légitimité de la procédure, notamment dans le contexte de la récente prise de pouvoir militaire à Madagascar.
Pout ce qui est du mandat d’arrêt international, qui a dominé l’actualité en fin de semaine dernière à Maurice, l’Hôtel du Gouvernement, par le truchement de l’Attorney General, Gavin Glover, a apporté durant le week-end une précision de taille. Ainsi, ce mandat d’arrêt international contre Mamy Ravatomanga n’a aucune validité en dépit de la présence à Maurice d’une envoyée spéciale des autorités malgaches pour tenter de faire aboutir cette arrestation. « Le mandat d’arrêt international n’en est pas un. Il s’agit d’un document émis par les autorités malgaches pour les autorités malgaches, et il n’a pas force exécutoire à Maurice », maintient de force l’Attorney General dans la conjoncture.
En ce début de semaine, très peu d’indications ont filtré du QG de la Financial Crimes Commission quant aux prochaines étapes de cette opération Sov Lapo à multiples ramifications criminelles, financières, politiques et diplomatiques à Maurice, au niveau de l’océan Indien et sur le front international, avec la France n’ayant nullement hésité à se jeter en première pour exfiltrer en plus fort de la crise politique Andry Rajoelina ou encore à accueillir l’ancien Premier ministre malgache, Christian Ntsay, qui avait pris la fuite de Madagascar le précédent week-end en transitant à Maurice.
Affaire à suivre…

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Le puissant « Mamy », symbole de l’ère Rajoelina rattrapé par la justice

La roue a tourné à Madagascar. Rien ne le dit plus que les vitrines vides ou les descentes des nouveaux maîtres du pays au siège du groupe de Maminiaina « Mamy » Ravatomanga, ce proche richissime du président déchu en fuite à Maurice et visé par un mandat d’arrêt.
Dans le monde d’avant le 25 septembre et les manifestations de la Gen Z ayant conduit à la prise de pouvoir des militaires, peu se risquaient à prononcer le nom de cet homme d’affaires de 56 ans figurant parmi les dix plus grandes fortunes de Madagascar, selon Forbes en 2017.
Au mieux, on en parlait comme « Pierre bleue », traduction littérale du malgache de son nom. « Avant on avait très peur de lui. On n’osait pas parler de ce qu’il fait, ce n’était pas possible », témoigne Poussy Ravelomanantsoa, téléopératrice de 40 ans passant devant la villa Pradon, le siège de son groupe Sodiat à Antananarivo.
« Ceux qui ont osé s’opposer à Mamy Ravatomanga en ont souvent payé le prix fort », observe auprès de l’AFP Frédéric Lesné, ex-directeur de Transparency International Initiative Madagascar (TI-MG). L’ancien ministre Harry Laurent Rahajason a par exemple été condamné à trente mois de prison pour faux témoignage et propagation de fausses nouvelles.
Litchi, vanille
« Quelques jours seulement après la publication de l’article de presse qui a révélé l’ampleur de la mauvaise gouvernance dans la filière litchi, le lanceur d’alerte à l’origine de ces révélations est arrêté pour des faits de dénonciation calomnieuse », ajoute Frédéric Lesné.
Dans cette filière, soumise à des quotas d’exportation répartis inégalitairement, son groupe s’est taillé la part du lion comme l’ont révélé des enquêtes d’Africa Intelligence et du Monde. De même dans le secteur lucratif de la vanille, au mode opératoire similaire.
Fondé en 1990 comme une société de transport, Sodiat est devenu un conglomérat touchant à presque tout: distribution automobile (Toyota), aviation, sécurité privée, médias, BTP, santé, immobilier, hôtellerie, tourisme, golf…
Son empire est désormais à nu. Au rez-de-chaussée du bâtiment de rouge, de gris et de verre lui servant de siège, les boutiques de prêt-à-porter sont abandonnées et des gardes informels postés en évidence tous les dix mètres pour éviter qu’on s’en prenne à ce symbole des années Rajoelina, le président renversé mardi.
Longtemps tout puissant, Mamy est actuellement sous enquête pour blanchiment d’argent à Maurice où il a fui dimanche.
La Commission des crimes financiers de cette île voisine de Madagascar a gelé ses fonds après avoir « obtenu des renseignements crédibles » de transfert d’une « forte somme d’argent à Maurice, avec l’intention de déplacer ces mêmes fonds vers une autre juridiction et de quitter le territoire ».
La juriste Fanirisoa Ernaivo, mandatée par les nouvelles autorités malgaches pour suivre le dossier à Maurice, assure à l’AFP qu’un « mandat d’arrêt a été transmis à Interpol ». L’existence d’au moins un mandat de la justice malgache a été confirmée à l’AFP par un porte-parole du Capsat.
Le groupe Sodiat n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP.
« La coopération avec les autorités mauriciennes est très louable. Enormément de dossiers n’ont jamais connu de suite à Madagascar en raison de l’influence de cet homme sur la justice malgache », explique cette magistrate de formation exilée en France.
Consul et « triumvirat »
En France, une enquête du parquet national financier le visant pour trafic de bois de rose, corruption et fraude fiscale a été classée sans suite en 2023.
Et quand le nom de Mamy Ravatomanga est apparu dans les Panama Papers, celui qui est aussi consul de Serbie et de Côte d’Ivoire à Madagascar s’était défendu en expliquant que « toutes les sociétés offshores ne sont pas forcément illégales ».
Une vidéo diffusée par le collectif Gen Z a synthétisé la captation des richesses que lui reprochait les contestataires. Dans la rue, les appels à son arrestation n’avaient rien à envier à ceux demandant la démission de Rajoelina, installé une première fois au pouvoir par un coup d’État en 2009 après une mobilisation populaire.
Le chercheur Adrien Ratsimbaharison, auteur d’un livre sur la crise politique de 2009, évoque un « triumvirat », composé d’Andry Rajoelina Mamy Ravatomanga et Naina Andriantsitohaina.
« Ces trois hommes étaient amis, explique-t-il. Mamy et Naina faisaient partie des personnes les plus riches de Madagascar, ils étaient en fait ses banquiers pour qu’il puisse exercer son influence. En échange, Naina et Mamy ont utilisé le régime pour s’enrichir ».

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Nomination d’un civil au poste de Premier ministre

Le nouveau chef de l’État malgache, le colonel Michael Randrianirina, a nommé, hier, un Premier ministre civil, à la suite du coup d’État militaire de la semaine dernière qui a contraint l’ancien président Andry Rajoelina à fuir le pays.
Le colonel Randrianirina, qui a annoncé mardi que l’armée avait pris le pouvoir après la destitution de M. Rajoelina pour abandon de poste à la suite de plusieurs semaines de manifestations, a prêté serment vendredi en tant que président.
Il a promis des changements radicaux et de nouvelles élections dans ce pays où la colère suscitée par les coupures d’électricité chroniques a déclenché le mois dernier des manifestations qui ont dégénéré en un puissant mouvement antigouvernemental.
Après avoir consulté l’Assemblée nationale, le colonel Randrianirina a choisi lundi Herintsalama Rajaonarivelo, personnalité du secteur privé et ancien président de la banque malgache BNI, comme nouveau Premier ministre.
« Il a les compétences, les expériences mais aussi les relations qu’il entretient avec les organisations internationales des autres pays qui collaboreront avec Madagascar », a dit le colonel Randrianirina.
« Nous avons scrupuleusement suivi la Constitution, notamment l’article 54, selon lequel les députés, avec nous, proposent le Premier ministre », a-t-il ajouté.
Le nouveau président a promis un gouvernement civil et une collaboration avec « toutes les forces vives de la nation ».

 

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