- Plus d’un million d’euros décaissés pour soutenir diverses initiatives portées par des ONG
- Un appel lancé par l’ambassadeur de l’UE en faveur d’un dialogue avec les secteurs public et privé
L’Union européenne a organisé, vendredi, un constat de trois lieux où des projets environnementaux, soutenus financièrement par cette instance, sont mis à exécution par différentes ONG. Des flancs d’une montagne jusqu’aux récifs, en passant par une humide forêt, ces initiatives de restauration et de préservation s’inscrivent dans le long terme, avec le soutien d’équipes d’employés et de bénévoles passionnés.
Reboiser les flancs de La-Citadelle
Le soleil matinal éclaire le flanc Nord de la Petite-Montagne et les allées de bois de reinette qui y poussent. Au-dessus du mont, l’imposant fort de La-Citadelle témoigne, impassible, les changements opérés depuis 2015 sur ce versant. Au pied de celui-ci, des demeures, des lieux de cultes, des commerces et un réseau de ruelles qui se retrouvent envahis d’eau lors des grosses pluies. Les flots boueux cascadent alors du haut de la montagne.
Cependant, grâce à l’initiative de reboisement de l’ONG Friends of the Environment, bientôt, une grande partie des eaux sera retenue par les plants endémiques et indigènes mis en terre. L’Union européenne a financé à hauteur de 225 000 euros ce projet, soit 90% des fonds requis, dont l’objectif vise à recréer une forêt sèche comprenant les mêmes plants (ou presque les mêmes essences qu’avant la colonisation de l’île.
Les Français et les Anglais, expliquent des employés de l’ONG suivant des études faites, avaient déboisé des zones importantes de Petite-Montagne lors de la construction du fort de La-Citadelle. « L’idée désormais est d’avoir un écosystème autosuffisant », souligne Jayaneesh Namah, Project Coordinator.
De multiples contraintes se présentent cependant. D’abord, le sol rocheux et en pente du mont rend difficiles les tentatives de mise en terre de certaines espèces. Il incombe aux employés de l’ONG et aux volontaires de défricher les espaces envahis par des herbes invasives. Puis, enlever un maximum de durs rochers avant d’ajouter un peu de terre. Le climat changeant de cette région constitue également un défi, entre des jours de pluie et d’autres ultra-ensoleillés.
Une autre grave menace se présente sous les feux qui se déclarent sur la montagne. En cause d’une part, les herbes invasives sèches, facilement inflammables. Et d’autre part, des interactions de l’homme dans la zone. Car aucun feu de forêt n’est naturel à Maurice, indiquent des employés de l’ONG. Au dernier sinistre en date, les herbes invasives ont été la proie des flammes. Le feu s’est arrêté à la limite des Fire Breaks, à savoir des allées rocheuses qui séparent les différents espaces de plantation.
À ce stade du projet, du bois de reinette est privilégié pour le reboisement. Cette espèce pousse rapidement, atteignant un mètre de haut en un an, et peut prendre racine dans un environnement austère. De 2015 à fin 2023, un total de 10 054 plants a été mis en terre. Cette année, 2 000 autres devraient l’être.
Le bois de reinette sert notamment à nourrir les sols. Son efficacité se jauge par le repeuplement des bestioles dans les terres de ce flanc. Sa forme de buisson offre également de l’ombre aux autres jeunes pousses de différentes espèces qui seront plantées. Sans quoi, ces plantes grilleraient sans doute sous le soleil de Port-Louis.
Avec l’allocation récemment remise par l’UE, le reboisement sera étendu sur quatre hectares de la montagne. Hormis des membres de l’ONG, des volontaires participent à ce projet, tout comme des groupes d’écoliers ou d’employés en visite à Petite-Montagne.
Certains peuvent mettre eux-mêmes des plantes en terre et ainsi obtenir un numéro de badge qui « leur donne un sens d’attachement et de responsabilité envers leurs plantes ». Puis, un volet éducatif et de sensibilisation est également opéré par l’ONG. Parmi les pousses de dombeya, de bois d’olive et de baobab mauricien, le souhait est désormais d’assister à un retour d’une flopée d’oiseaux et de papillons.
Recréer la forêt Mondrain
Les plantes endémiques ou indigènes replantées dans la région humide d’Henrietta portent des noms à peine compréhensibles. Sur un sentier boueux bordé de ces jeunes pousses, le guide livre leurs identifications scientifiques respectives, laissant le soin à chacun de vérifier leur orthographe – perchée entre ce qui résonne comme du latin, du sanskrit… ou des hiéroglyphes (NdlR : des langues anciennes, en fait).
Malgré les années d’expérience, « je ne me rappelle que difficilement de leurs noms », en rigole Jean Hughes Gardenne, de l’ONG Mauritian Wildlife, responsable de la réinstauration de la forêt Mondrain. À ce jour, cinq hectares de ces terres appartenant à Medine accueillent de nouveau des plants originaires de l’île ou emmenés par voie naturelle.
Avec les 855 000 euros offerts par l’Union européenne (94,45% des fonds totaux requis), le projet s’étendra sur cinq autres hectares, retenant une partie du terrain de chasse le jouxtant.
L’année dernière, le bail pour ces terres a été étendu de 20 à 60 ans, rassurant l’ONG et les bailleurs de fonds quant à la pérennité du projet entrepris. À la fin des années 70’, la Royal Society of Arts and Science of Mauritius avait obtenu un mandat pour préserver cette réserve. De passionnantes recherches ont, par la suite, permis à feu Gabriel d’Argent, « une encyclopédie des plantes », d’identifier une espèce de plante endémique spécifique à la forêt de Mondrain. Dans la même mouvance, la MWF y a entamé le projet de recréation d’une forêt indigène.
Toutefois, avant la mise en terre de souches endémiques et indigènes, un déboisement des espèces invasives doit être entrepris. À l’instar des lataniers de Chine qui s’élèvent aux abords des points d’eau, elles captent la majorité des nutriments vitaux pour les plantes d’ici. La cohabitation est dès lors impossible, tant les plantes exotiques s’accaparent les lieux.
Le projet de reconstitution de la forêt de Mondrain vise à inclure la communauté des environs et des entreprises. Une pépinière sera érigée dans la zone, pour faciliter la transplantation. Cette forêt endémique s’ouvrira alors à l’écotourisme et un parcours sera aménagé pour vulgariser l’initiative et les plantes endémiques qui subliment l’île.
Mais avant cela, les cinq arpents doivent être délimités à l’aide de Fencing. Pour cause, la menace se présente sous la forme de cerfs et de cochons marrons. En témoignent des monceaux de terre retournés par ces animaux à la recherche notamment de graines.
Hormis la préservation des plants locaux, une forêt endémique présente également un autre avantage méconnu : moins de moustiques. L’eau est mieux gérée naturellement dans une forêt indigène qu’invasive, explique un guide l’ONG. Pour cette raison, il n’y a quasiment pas de moustiques car ils n’ont pas de point d’eau pour pondre.
« Nous voulons donner l’exemple aux autres groupes qui possèdent de larges terres », soutient Jean Hughes Gardenne. « Il ne faut pas se le cacher, de nombreux terrains sous forêt appartiennent au secteur privé », ajoute-t-il. Ce projet prévoit dans son entreprise la création d’une multitude de métiers, allant des horticulteurs aux planteurs, en passant par des guides. Une manne environnementale et économique.
Oskar Benedikt, ambassadeur de l’UE
« Nous pouvons changer les choses »
Curieux de nature et n’hésitant à poser une série de questions afin de comprendre les réalités mauriciennes, l’ambassadeur a mis de l’avant le dialogue entre l’Union européenne et le gouvernement mauricien.
« Une grande priorité du partenariat concerne l’environnement », dit-il, en citant un projet de loi voté en début de semaine par l’UE pour la mise en terre de dizaine de milliers de plants. À Maurice, l’apport du secteur privé est également requis pour soutenir la cause environnementale. « Avec le secteur privé, l’union fait la force. Nous pouvons changer les choses », a-t-il déclaré. À savoir que l’action environnementale de l’UE s’étend également à Rodrigues à travers la restauration des réserves de Grande-Montagne et Anse-Quitor, également sous l’égide de MWF. L’UE y contribue financièrement à hauteur de 600 000 euros.
Brèves explications
Plante endémique : unique à Maurice
Plante indigène : arrivée à Maurice par voie naturelle et qui s’est adaptée à la biodiversité locale
Plante exotique : ramenée par l’être humain
Plante invasive : se dit généralement d’une plante endémique qui envahit les zones locales