Futur morcellement à Albion (980 lots) : le projet développé par la MIC se heurte aux réticences des riverains

  • La vétusté ou l’absence d’infrastructures routières, de drains
    et d’approvisionnement en eau adéquats comme épée de Damoclès
  • Le conseil de village et la Platform Moris Lanvironnman placent
    les autorités devant leurs responsabilités

La Mauritius Investment Corporation (MIC) se lance pour la première fois dans un projet de vente de terrains en mettant sur le marché 993 parcelles (980 parcelles résidentielles et 13 parcelles résidentielles/commerciales) s’étendant sur 53,5 hectares à Albion à travers un vaste projet de morcellement. Cette démarche se heurte cependant aux réticences des habitants des zones résidentielles jouxtant lesdites parcelles. Il ne s’agit pas, selon eux, de peser dans le débat public afin d’obtenir l’annulation de ce projet, mais ils estiment que la densification du peuplement qui en découlera sera « lourde de conséquences sur l’approvisionnement en eau ». L’absence d’un réseau de drains adéquat et le manque de solutions apportées à la circulation, réduite à l’expression du « goulot d’étranglement », suscitent aussi de vives inquiétudes.

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En 30 ans, le village d’Albion s’est bien métamorphosé. Les maisons y poussent comme des champignons et attirent de plus en plus des familles et des couples aux revenus confortables. À en croire les statistiques qu’on s’est procurées auprès du conseil de village, Albion compterait à ce jour-là environ 2 825 maisons, dont 625 au sein de Morcellement Serenis, le dernier né des projets de résidences huppées, s’étendant sur une superficie totale de 100 arpents avec des lots variant entre 63 et 315 toises. Avec l’ajout des 980 parcelles du projet de morcellement que compte lancer la MIC, Albion connaîtra une hausse exponentielle de 73% de maisons.

À mesure que s’égrène le temps, cette densification rurale à grande échelle fait de plus en plus l’objet de débats et soulève un certain nombre d’inquiétudes relayées autant par les élus que par les citoyens et les écologistes qui sont montés au créneau après avoir été mis au parfum que les terres qui ont été acquises par la MIC auprès de Médine, actuellement sous culture de canne à sucre, allaient être converties en un vaste projet de résidences au sein d’une zone enclavée et entourée des morcellements de Chazal, Serenis et Terres d’Albion. Les Albionnais n’en ont que faire des rumeurs sur la présence du trésor du légendaire pirate La Buse dans leur village. Le projet immobilier qui se profile à l’horizon demeure en tête de liste de leurs préoccupations.

L’ONG Platform Moris Lanvironnman (PML) avait sonné la charge en janvier en publiant des commentaires sur le rapport Environment Impact Assessment (EIA) de Black River Mauritius Investment Corporation Ltd. Selon PML, le projet de morcellement à Albion, village enclin aux inondations et autres, suscite de sérieuses interrogations. Dans son rapport déposé au ministère de l’Environnement, le promoteur MIC a fait ressortir que « le site n’a aucun intérêt écologique et n’est pas situé dans une zone marécageuse. Le choix de cibler un marché spécifique, ainsi que la haute qualité du produit, mèneront finalement au succès de l’entreprise proposée. »

Sauf que PML ne l’entend pas de cette oreille et exige que « les données, dont les cartes qui sont utilisées par la LDA, soient rendues publiques. » PML s’interroge sur l’efficacité du système de drainage des eaux pluviales proposé en soutenant que « le rapport EIA ne fait pas d’évaluation des impacts de l’imperméabilisation des sols qui résulterait d’un morcellement à haute densité. » Il est notoire qu’Albion fait face à des accumulations d’eau de grande envergure, mais le problème s’est amplifié au fil du temps faute d’un système de drain sans faille. En atteste le calvaire auquel font face les résidents du Morcellement Les Vues D’Albion, où la canalisation aux alentours n’a pas la capacité suffisante pour contenir l’eau, d’autant que celle émanant du Canal Magenta, qui prend sa source à Gros-Cailloux, finit souvent par refouler et inonder les zones environnantes, dont le Morcellement Splendid View.

En prévision du démarrage de ce projet, le promoteur a fait appel aux services de Luxconsult pour préparer un Drainage Impact Assessment Report, dont une copie a déjà été soumise à LDA dans lequel on peut lire que « the Proposed Residential Morcellement drainage network, as designed, will be adequate to contain and discharge the calculated/generated storm run-off to the soakaways and all overflows shall be directed to the attenuation ponds. This design will ensure that there is no risk of flooding either to the morcellement itself or to the downstream areas. » Reste que les habitants prennent ces affirmations avec de grosses pincettes, dans la mesure où les mêmes promesses leur ont été faîtes dans le passé… mais qui se sont finalement avérées de la poudre aux yeux.
La problématique entourant une fourniture adéquate du précieux liquide demeure un critère-clé à prendre en compte, alors que les prédictions climatiques laissent entrevoir une multiplication des possibilités de crise sans précédent dans les années à venir. D’où la nécessité de s’appesantir sur l’épée de Damoclès qui pèse sur cette région du littoral qui se caractérise à la fois par sa forte croissance démographique, mais aussi par la vétusté ou l’absence d’installation dignes de ce nom. Les nouveaux morcellements qui se sont progressivement intégrés à la desserte des services essentiels font que la CWA peine à faire face au pic de la demande.
Les enjeux reposent donc sur une augmentation des quantités disponibles par tête. L’inauguration, en décembre 2022, d’un réservoir en béton armé d’une capacité de stockage de 1 200 mètres cubes et d’une station de pompage à Albion, grâce au concours de Médine Ltd, témoignait en tout cas d’une volonté d’avancer dans l’optique de soulager les régions concernées, régulièrement exposées aux épisodes de pénurie d’eau, à l’instar de Splendid View, Morcellement Terre d’Albion et Morcellement De Chazal avec quelque 1 150 abonnés qui bénéficient de l’alimentation en eau de la nouvelle digue. Il reste toutefois un énorme fossé entre ces idées pleines d’espoir et la réalité du village. La limitation des ressources en eau, les menaces qui pèsent sur leur usage (surexploitation, pollution), le poids du bétonnage à outrance et le déséquilibre dans leur répartition ont atteint des niveaux critiques et constituent des défis graves pour les prochaines années.

Les habitants mettent en exergue le problème de congestion routière dans cette partie de l’île où les infrastructures ne sont pas adaptées pour juguler le flot de véhicules, comme le souligne l’ONG PML, qui ajoute qu’ « un Traffic Impact Assessment doit être obligatoire pour ce projet qui consiste en 900 lots résidentiels et commerciaux. » Une habitante qui réside dans une ruelle menant vers un cul-de-sac autour duquel le promoteur envisage d’aménager au moins 300 lots confie que « nous faisons déjà face à une congestion routière exacerbée matin et après-midi. N’aurait-il pas été plus judicieux dans un premier temps de construire de nouvelles routes ou élargir les axes existants avant d’implémenter ce projet ? Albion se retrouve aussi coupé du reste de l’île lors de pluies intenses. Dans ce coin, avec ces 900 nouvelles maisons et son lot de voitures à proximité, ce sera le désordre généralisé ! »
Quand bien même ils soulignent qu’ils n’ont absolument rien contre le développement à Albion, les conseillers de village ont également exprimé des réserves sur ce projet et envoyé une lettre officielle au District Council de Rivière-Noire, dans laquelle ils énumèrent les risques et périls auxquels les habitants pourraient être confrontés si des infrastructures dignes de ce nom ne sont pas construites en parallèle à l’aménagement du morcellement. Il nous revient que le District Council a transmis ladite missive aux départements des ministères concernés.

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