Le Law Practitioners (Disciplinary Proceedings) Bill, voté mardi après-midi au Parlement, marque une étape importante dans la modernisation du cadre disciplinaire encadrant les professions juridiques. Clôturant les débats sur ce projet de loi, l’Attorney General, Gavin Glover, a insisté sur le rôle central des avocats dans toute démocratie et sur la nécessité de restaurer la confiance du public dans les mécanismes d’accountability.
D’entrée de jeu, Gavin Glover a rappelé l’importance fondamentale des professionnels du droit dans le fonctionnement démocratique. Il a cité un principe fort pour souligner cette centralité : « If you wish to collapse a society, you begin by silencing those who know the law, who defend rights, who safeguard due process. »
Répondant aux interrogations soulevées par le député Ashley Ramdass, Gavin Glover a apporté des précisions sur le projet de loi, notamment sur la procédure disciplinaire. Il a souligné que « section 15, subsection 2c, clearly spells out that the disciplinary proceedings before the Supreme Court shall be conducted in the same manner as proceedings in civil matter », sur la base de la balance of probabilities. Pour lui, toute idée visant à traiter les avocats différemment des autres professionnels soumis à des procédures disciplinaires serait difficilement défendable.
Concernant les propositions du député Kushal Lobine, notamment sur l’instauration d’une Legal Ombudsperson, l’Attorney General s’est montré ouvert : « I take on board the suggestion of the complementary mechanism of the legal ombudsperson ». Tout en estimant qu’une telle option pourrait être envisagée ultérieurement, en fonction de la charge administrative du système. Quant aux remarques de Reza Uteem, Gavin Glover a agréé : « I have nothing to add. »
Le cœur de son intervention a toutefois porté sur la question de la confiance. Reconnaissant que « the vast majority of our attorneys, barristers and notaries serve with dignity and competence », Gavin Glover a admis que la crédibilité de la profession a été fragilisée, non pas par une corruption généralisée, mais parce que « the system for dealing with a few cases of misconduct has not kept pace with modern expectations ». Il a insisté sur le fait que ce projet de loi n’est ni une sanction ni une stigmatisation : « The Bill is not a reprimand to the profession. It is an act of respect, an act of commitment, an act of confidence. »
Pour l’Attorney General, l’enjeu dépasse la profession juridique elle-même. « A justice system cannot be credible if citizens doubt whether misconduct in the legal profession is treated impartially », a-t-il averti, soulignant que le texte de loi vise à protéger « the many from being staged by the few », et ce, tout en préservant l’intégrité des professions et la santé de la démocratie mauricienne.
Auparavant, présentant le projet de loi en deuxième lecture, Gavin Glover, avait indiqué que le Law Practitioners (Disciplinary Proceedings) Bill vise à redonner confiance aux citoyens dans la profession et d’assurer que la justice soit appliquée. « La profession légale ne relève pas d’un business, mais d’une vocation, basée sur la confiance », a-t-il fait comprendre.
Il a tenu à faire ressortir que la majorité des avocats, avoués et notaires, font leur travail avec honneur, mais que, « malheureusement, une petite poignée d’entre eux ne respecte pas les codes de déontologie ». Il poursuit : « Je suis moi-même dans cette profession depuis 40 ans. J’aime cette profession et elle a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. J’ai eu le plaisir de collaborer avec des collègues qui ont à cœur le travail et l’éthique. »
Mais cet aspect, a-t-il dit, n’est pas suffisamment mis en avant. « Les perceptions qu’on donne parfois dans le public et dans les médias mettent souvent l’accent sur les faiblesses. (…) Je reçois souvent des visites de personnes venant de différentes régions de l’île et qui pensent que je peux les aider à trouver justice. Lorsque je leur explique le rôle de l’Attorney General et qu’ils doivent se tourner vers leurs avocats, c’est là que les histoires sont déballées », ajoute-t-il.
SRM – Pour les familles enregistrées : Déploiement de l’Internet gratuit début 2026
Le ministre de la Sécurité sociale, Ashok Subron, annonce que le programme visant à offrir un accès gratuit à l’Internet aux familles enregistrées sur le Social Register of Mauritius (SRM) sera lancé d’ici à la fin de l’année et pleinement opérationnel au premier trimestre 2026. Cette mesure, inscrite dans le Budget 2025/26, est financée à hauteur de Rs 85 millions par an pour une période de trois ans sous le National Resilience Fund.
Suite à une interpellation parlementaire de Kaviraj Rookny, le ministre a indiqué que le dispositif vise à couvrir 7 468 ménages SRM à Maurice et à Rodrigues. Le paiement aux fournisseurs se fera sur la base des connexions réellement installées chez les foyers éligibles qui en feront la demande.
Il poursuit en expliquant qu’à la suite de l’annonce budgétaire, la National Empowerment Foundation (NEF) a mené une enquête auprès de ses bénéficiaires, soit les personnes inscrites au SRM ayant signé un Social Contract. Résultat : une famille SRM sur dix seulement dispose aujourd’hui d’une connexion au Web à domicile, tandis qu’environ 90% déclarent vouloir bénéficier de l’Internet gratuit. Selon lui, ces chiffres confirment le besoin urgent de renforcer l’accès numérique des ménages vulnérables, notamment pour des usages éducatifs et administratifs.
Pour répondre à cette demande, le ministère a engagé une série de consultations interinstitutionnelles avec le ministère des Finances, l’ICT Authority (ICTA), la NEF, ainsi que la Mauritius Revenue Authority (MRA), afin de s’inspirer notamment du mécanisme utilisé pour le 18–25 Free Mobile Phone Scheme. À l’issue de ces discussions, le gouvernement a retenu un système dans lequel les bénéficiaires SRM éligibles auront la possibilité de choisir parmi trois forfaits commerciaux disponibles, recommandés par l’ICTA et proposés par les trois fournisseurs d’accès à Internet (Mauritius Telecom, Emtel et MTML). Aucun fournisseur ne sera désigné par l’État : « Le dispositif sera entièrement basé sur le libre choix du bénéficiaire », a souligné le ministre.
Ainsi, la State Informatics Ltd (SIL) travaille à la mise en place d’une plateforme en ligne, avec l’appui de la MRA, afin de traduire ce système basé sur le libre choix des bénéficiaires, d’assurer une mise en œuvre et un suivi efficaces du programme, ainsi qu’une communication optimale entre le ministère et les fournisseurs d’accès à l’Internet (FAI). Une fois la plateforme SIL finalisée, la NEF enverra alors des notifications à tous les ménages SRM éligibles, les informant des forfaits disponibles et des modalités pour en bénéficier. Après quoi le chef de ménage devra soumettre sa demande directement auprès du FAI choisi, dans les mêmes conditions que tout citoyen souscrivant à un forfait Internet commercial.
Le ministre a également précisé que les trois années de financement commenceront à partir du moment où la mesure entrera en vigueur afin de ne défavoriser aucune famille inscrite au SRM. Il a réitéré son engagement à mettre en œuvre cette initiative, qui offrira à 7 500 familles, soit 27 000 personnes, un accès à la Toile, garantissant leur connexion numérique et leur participation aux services et opportunités associés, avec un accent particulier sur l’éducation.
Kushal Lobine, leader des Nouveaux Démocrates
« Une Legal Ombudsperson pour ne pas surcharger la Commission »
Pour le député Kushal Lobine, le Law Practitioners (Disciplinary Proceedings) Bill viendra restaurer la confiance du public dans la profession légale. Il s’est toutefois dit inquiet que la Commission soit submergée, étant donné que toutes les plaintes seront dirigées vers elle. Il a de fait plaidé pour la mise en place d’une Legal Ombudsperson, comme c’est le cas en Grande-Bretagne.
Kushal Lobine a fait référence à une première ébauche du projet de loi sous l’ancien gouvernement. Et de préciser que des consultations avec la profession ont eu lieu et que des propositions ont été faites. Le présent projet de loi, a-t-il souligné, a été bien élaboré, et il en félicite l’Attorney General, Gavin Glover.
Il a également fait référence à la Presidential Commission, en 1998, en vue de préparer une réforme du judiciaire et de la profession légale. Il s’est dit heureux que la réforme revienne à l’agenda de nos jours, précisant que l’Attorney General a présenté plusieurs projets de loi pour garantir l’accès à la justice. Le changement fondamental du projet de loi, a-t-il toutefois fait ressortir, est la centralisation des cas liés aux manquements au sein de la profession. Ainsi, tous les cas référés au Bar Council, à la Law Society, à la Chamber of Notaries ou à l’Attorney General devront être redirigés vers la commission.
Kushal Lobine ajoute que quelques membres de la profession ont des appréhensions par rapport au projet de loi. « Ils ont peur d’un changement radical par rapport à l’autorégulation. Toutefois, la réforme est en lien avec ce qui se fait dans d’autres pays du Commonwealth », dit-il en citant l’exemple de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, où il existe des commissions de discipline indépendantes du Bar Council.
De même, en Afrique du Sud, dit-il, le Legal Practice Council gère les doléances du public de manière transparente et efficiente. Quant au Canada, les décisions sont prises par des Disciplinary Tribunals, qui opèrent en toute indépendance, même si les plaintes sont d’abord recueillies par la Law Society. Le Law Practitioners (Disciplinary Proceedings) Bill s’inscrit donc dans cette tendance, a ajouté Kushal Lobine. Il partagerl’avis d’Ashley Ramdass sur le fait que beaucoup de jeunes intègrent la profession avec des spécialisations différentes.
L’orateur s’est aussi dit satisfait que le projet de loi fasse provision pour filtrer les plaintes infondées. « À Maurice, il y a beaucoup de Jack of All Trades, qui font des commentaires désobligeants sans savoir comment la profession fonctionne », allègue-t-il. Il admet cependant la nécessité « d’éduquer le public » sur la profession et la manière dont celle-ci fonctionne.
Concernant le fait que toutes les plaintes seront dirigées vers la commission, Kushal Lobine attire l’attention sur le risque que celle-ci soit surchargée, ce qui pourrait prolonger les délais. Il cite ainsi l’exemple de la Grande-Bretagne, où il existe une Legal Ombudsperson pour traiter les plaintes, permettant ainsi à la profession de ne se concentrer que sur les manquements. « En Nouvelle-Zélande également, il y a un Lawyers Complaints Service pour les étapes préliminaires. »
Un mécanisme similaire à Maurice aurait amélioré le système, estime-t-il donc. Ajoutant que cela pourrait aussi aider à éduquer le public sur les mauvaises conduites et les Services Complaints. De même, cela permettrait de filtrer les cas ne nécessitant pas des actions disciplinaires.
Il a invité l’Attorney General à considérer cette proposition dans un esprit de réflexion constructif. Dans tous les cas, ce projet de loi, a-t-il ajouté, vient renforcer la transparence et restaurer la confiance du public dans la profession.
Ashley Ramdass,Backbencher
« Prudence avec la radiation complète »
Le député Ashley Ramdass avance le Law Practitioners (Disciplinary Proceedings) Bill redonnera ses lettres de noblesse à la profession. S’il s’est dit satisfait de la composition de la commission indépendante, il a toutefois invité à la prudence concernant la radiation complète.
Le député accueille favorablement ce projet de loi, qui a pour objectif, dit-il, de créer une entité centralisée pour la profession et de traiter les doléances contre les praticiens du droit dans l’exercice de leurs fonctions. Ces derniers, a-t-il souligné, se retrouvent à la croisée des chemins. « Ils sont au cœur des interactions entre les citoyens et les réalités sociales dans lesquelles ils évoluent. » Et de faire ressortir que l’avocat est le professionnel visé par l’article 10 de la Constitution, qui garantit le droit à la représentation légale dans un procès au pénal.
Les praticiens de droit représentent un aspect fondamental de la mise en œuvre de la démocratie, a-t-il ajouté. Malheureusement, a déploré Ashley Ramdass, « tous les membres de la profession ne respectent pas le code d’éthique ». Ce qui donne parfois une mauvaise perception du système et de la profession.
D’où la nécessité d’un système plus robuste pour gérer les plaintes, tout en assurant que les Checks and Balances soient respectés. Dans le système actuel, a poursuivi Ashley Ramdass, le Bar Council traite les doléances, et celui-ci est composé de sept membres, dont deux avec un minimum de dix ans de pratique. « Ce qui veut dire que les cinq autres peuvent avoir moins de dix ans de pratique. Avec la profession qui se rajeunit, on risque de se retrouver avec une majorité de jeunes au conseil, qui n’ont malheureusement pas suffisamment d’expérience pour traiter les potentiels manquements au code de déontologie », dit-il.
En même temps, le nombre de plaintes est en hausse, a-t-il ajouté. Le Bar Council ayant un mandat limité d’un an et la responsabilité n’étant pas à plein-temps, beaucoup de doléances prennent du temps à être traitées, avec pour effet de frustrer le public. Dans ce contexte, il accueille favorablement la mise sur pied d’une commission indépendante, avec des membres de la profession ayant une longue expérience. Le président sera ainsi un ancien juge, assisté de deux vice-présidents et de neuf membres de la profession avec 15 années minimum de pratique.
De même, il apprécie le délai de 90 jours accordé pour que la Cour suprême statue sur une procédure disciplinaire. Car dans le système actuel, il n’y a aucun délai, a-t-il rappelé. « C’est ainsi que plusieurs cas de mauvaise conduite sont restés impunis. »
Cependant, Ashley Ramdass invite à la prudence concernant la radiation complète, prévue dans l’article 17 du projet de loi. « La radiation d’un professionnel pourrait le conduire à perdre ses moyens de subsistance. » Il demande ainsi que cette question ne soit pas prise à la légère. Pour autant, d’un ordre général, il s’est dit convaincu que le Law Practitioners (Disciplinary Proceedings) Bill redonnera ses lettres de noblesse à la profession.
Reza Uteem, ministre du Travail
« Not all practitioners today adhere to ethical principles »
Le ministre du Travail, Reza Uteem, a livré une intervention sans concession sur le Law Practitioners (Disciplinary Proceedings) Bill. Il n’a en effet pas mâché ses mots pour dénoncer les failles du système disciplinaire existant régissant la profession juridique. Selon lui, cette réforme était devenue indispensable pour rétablir la confiance du public et garantir une véritable responsabilité des praticiens du droit.
Le ministre a affirmé que, sur le papier, plusieurs mécanismes existent déjà pour traiter les manquements professionnels. Entre l’autorégulation par les instances professionnelles, le pouvoir d’initiative de l’Attorney General et la juridiction inhérente de la Cour suprême, l’arsenal semble complet. Pourtant, dans la pratique, « the system is not seeming to be working ». Il s’appuie sur des chiffres précis : « In the past 25 years, there are 47 reported cases where disciplinary proceedings against law practitioners have been brought before the Supreme Court. » Un nombre jugé dérisoire au regard de la taille et de l’influence de la profession.
Pour Reza Uteem, le nœud du problème réside dans l’inaction des instances professionnelles. Il a argué que « professional bodies, be it the Bar Council, the Law Society Council, the Chambers of Notaries, hardly ever report a matter to the Supreme Court for disciplinary proceedings ». Une situation qui alimente l’idée que les avocats et notaires se protégeraient entre eux, au détriment de l’intérêt général.
Afin d’illustrer ses propos, le ministre a cité plusieurs dossiers très médiatisés. Il a notamment évoqué le cas de Kavy Ramano, ancien ministre de l’Environnement, où une demande d’EIA était soutenue par un certificat émis avec l’entête de son étude notariale, soulevant un conflit d’intérêts manifeste. « Was that normal? Was that ethical? » s’est-il interrogé, alors que la Chambre des Notaires s’était contentée d’indiquer que la situation « pourrait faire l’objet d’enquêtes », mais sans aller plus loin.
Le ministre est reveu sur le cas du notaire Vinay Deelchand, tout en demandant publiquement : « Have you ever heard the Chambers of Notaries referring a case of Mr. Deelchand to the Supreme Court for disciplinary action? » D’autres affaires, impliquant des figures politiques comme Ravi Yerrigadoo ou Maneesh Gobin, ont été citées pour démontrer, selon lui, les risques d’un système où l’Attorney General, acteur politique, détient le pouvoir d’initier ou non des poursuites disciplinaires.
Pour Reza Uteem, cette concentration de pouvoirs est problématique : « You’re effectively giving the power to a politician to persecute a political opponent or to protect his political allies. » Le projet de loi vient donc opérer une rupture majeure en supprimant l’autodiscipline exclusive et retirant ce pouvoir à l’Attorney General pour le confier à une nouvelle Law Practitioner Complaints Commission, indépendante et autonome. « Law practitioners will be held accountable », a-t-il affirmé.
Le texte de loi introduit également des délais stricts pour le traitement des plaintes et élargit la définition du manquement professionnel, au-delà des seules infractions au code d’éthique. Pour le ministre, l’enjeu est clair : « Not all practitioners today adhere to ethical principles… a few tarnish the reputation of many. » Ce projet de loi se veut ainsi une réforme structurelle destinée à protéger la profession, les citoyens et, in fine, l’État de droit.

