… malgré le mutisme du PM couplé à l’intransigeance du directeur de la STC Rajiv Servansing pour une baisse des prix des carburants
Cela fera six jours, ce dimanche, depuis que Nishal Joyram a démarré sa grève de la faim, sous une tente aménagée sur le parvis de la cathédrale Saint-Louis, pour réclamer une baisse des prix des carburants. Le silence assourdissant du Premier ministre et de son gouvernement face à ses revendications ne laisse nullement poindre la perspective d’un changement de cap en faveur d’une approche plus pragmatique. La pilule est d’autant plus dure à avaler pour Nishal Joyram après les « les arguments fallacieux », selon lui, mis en avant par le directeur de la State Trading Corporation (STC), Rajiv Servansing, vendredi, pour expliquer le maintien des prix. Quand bien même il subit de plein fouet les affres de la privation de nourriture, il confiait samedi, ne pas vouloir jeter l’éponge : « Jusqu’au bout. Jusqu’à ce que les prix de l’essence et du diesel baissent. » Depuis vendredi soir, le gréviste a été rejoint dans son combat par l’avocat Sanjeev Teeluckdharry.
Nishal Joyram était jusqu’alors inconnu du grand public. Son nom est désormais sur de nombreuses lèvres depuis qu’il a entamé son jeûne de protestation. L’air alerte et sûr de lui, Nishal Joyram ne passe pas inaperçu sur le parvis de l’église. Qui est donc cet habitant de Souillac ?
Après des études secondaires au collège Saint-Esprit, il tente de se frayer un chemin vers les métiers de l’enseignement en prenant des cours au Mauritius Institute of Education (MIE), avant de s’envoler au Québec pour des études supérieures à l’Université de Rimouski. De retour à Maurice quelques années plus tard, Nishal Joyram décroche un poste en tant qu’enseignant dans une institution secondaire. Après mûre réflexion, il décide de se lancer dans la politique en tentant de se faire élire dans la circonscription N°14 aux législatives de 2019 sous la bannière du Reform Party (RP). Il se classe à la 12e place, avec 640 voix, sur 40 candidats.
Nishal Joyram affirme avoir mis sa carrière de politicien entre parenthèses et met en garde contre une récupération politique et médiatique de son combat qu’il a décidé d’entamer de son propre chef. « Mon combat est celui d’un citoyen et personne, même pas mon épouse qui se trouve actuellement à l’étranger et qui se fait un sang d’encre pour moi, ne m’a guidé ou encouragé à franchir le pas. Ce n’est pas normal que le prix du carburant soit aussi élevé à Maurice. Les Mauriciens avaient accepté la hausse quand elle était mondiale, mais pourquoi le maintenir, quand partout à travers le monde le prix a baissé ? J’ai rencontré le directeur de la State Trading Corporation pour revoir le prix. Au lieu de le réviser, il voulait me pousser à décaler ma grève de la faim pour janvier. Hors de question ! »
L’éducateur déplore que « le gouvernement perçoit Rs 36 à Rs 37 de taxes sur le litre d’essence. Une baisse de Rs 20 sur le litre d’essence et Rs 15 sur le litre de diesel est largement possible. »
Avant d’entamer cette action, Nishal Joyram avait envoyé une lettre au bureau du Premier ministre le 28 octobre pour réclamer une baisse du prix et le PMO lui avait répondu que la demande a été référée au ministère du Commerce…. Depuis silence radio.
« Contrats douteux alloués pendant le Covid-19 »
Intervenant sur une radio privée, vendredi, le directeur de la STC Rajiv Servansing s’est rangé derrière l’excuse du Price Stabilisation Account (PSA), dans lequel le STC puise des fonds lorsque qu’il faut stabiliser les prix, pour étayer la décision de maintien les prix jusqu’à janvier. « Le PSA est déficitaire d’environ Rs 4,4 milliards actuellement. En décembre 2020, ce fonds contenait un surplus de Rs 510 millions. Il est passé à Rs 50 millions en septembre 2021 avant d’être déficitaire, en décembre 2021, de Rs 1,4 milliard. Aujourd’hui, le déficit se creuse, hélas ! »
L’autre raison qui expliquerait la décision de la STC de maintenir les prix serait la hausse des prix du diésel. « La STC a essuyé des pertes de Rs 518 millions sur le diésel à l’arrivée des produits pétroliers entre juin et septembre. » Sauf que le gréviste Nishal Joyram ne l’entend pas de cette oreille et balaie les arguments de Rajiv Servansing. « Ce sont donc les consommateurs qui doivent encore et encore payer les pots cassés. À chaque fois qu’on dit qu’il faut baisser les prix, on nous parle de nouvelles taxes et de déficit, alors que les prix baissent dans le monde entier. C’est un leurre. Le compte de la STC est à sec à cause des contrats douteux alloués pendant la période du Covid-19. »
Le soutien de certains activistes, à l’image d’Alain Malherbe, Ivann Bibi, Raouf Khodaboccus et Lindsay Marion, et des Mauriciens lambda venant le saluer, apporte du baume au cœur du gréviste, qui ne compte nullement changer son fusil d’épaule face au silence du gouvernement. « Mon combat est juste. Il y a une force et une voix intérieures qui me guident et me donnent la force d’aller jusqu’au bout. C’est une voix de patriote. »
L’ex-Premier ministre Navin Ramgoolam est allé à la rencontre du gréviste samedi. Tout en saluant le courage et l’abnégation de ce dernier, Navin Ramgoolam avance que « ce que le directeur de la STC est venu dire pour justifier le maintien des prix est scandaleux. Li dir pa kapav bes pri akoz bizin pey pansion. So latet pa bon. C’est un vol en plein jour. La première chose à faire est de baisser le prix de l’essence et du diesel qui aura un effet de cascade et redynamisera l’économie. Enter Sanjeev Teeluckdharry
On ne l’avait pas vu venir. Mᵉ Sanjeev Teeluckdharry a rejoint Nishal Joyram dans son jeûne de protestation depuis vendredi. Pour justifier sa présence aux côtés du gréviste, l’avocat soutient qu’il trouvait la cause pour laquelle milite le gréviste juste et noble. « La raison de me joindre à Nishal est simple comme bonjour. Plus que les autres causes, son combat est intimement lié à toute la population, quelle que soit sa religion ou son statut social, qui souffre de l’effet domino du prix exagéré et “dominer” du carburant », dit Sanjeev Teeluckdharry, qui précise que cela ne l’empêcherait pas d’exercer son métier d’avocat et de traiter ses dossiers, dont les brûlantes affaires des Laurette, père et fils, qui font le va-et-vient entre la cour et la prison depuis deux semaines.Mot d’ordre de l’ACIM : “Alim zot far”
Le mot d’ordre est lancé. À partir de cette semaine, les consommateurs affectés par le coût des carburants sont priés d’allumer les phares de leur véhicule, de jour comme de nuit, en guise de protestation. Une requête faite par l’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM). Le secrétaire général Jayen Chellum souligne que le coût du carburant affecte de nombreux aspects de la vie quotidienne et qu’il est important que les consommateurs soutiennent cette action.