Hippisme : Le MTC mis en échec et mat par le GM

La MTCSL peut encore aspirer à l’organisation des courses cette année avec des risques potentiels pour la concession existante et les batailles légales initiées par le MTC
Un Joint-Venture MTCSL-People’s Turf Club PLC pour mieux achever la cannibalisation du club plus que bicentenaire

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Du côté du Mauritius Turf Club et de la MTC Sports and Leisure Co. Ltd. (MTCSL), on s’attendait naïvement depuis les évictions exigées par le Prime Minister’s Office de Jean-Michel Giraud et d’Anil Ramnarain de la présidence du Club, avec, précisons-le, la complicité de certains de leurs collègues, de l’Association des entraîneurs et des propriétaires, que les choses allaient se développer en leur faveur. Surtout que Premier ministre, Pravind Jugnauth, et les autorités hippiques gouvernementales allaient les remercier pour leur B-A (Bonne Action). Ils s’attendaient  que leur demande formulée au ministère des Terres pour le droit d’exploitation du Champ-de-Mars allait enfin connaître une issue favorable. Et cela, même si un concurrent, récemment sorti de nulle part, la People’s Turf Club PLC, qui a priori ne fait pas le poids, se soit aussi porté candidat pour exploiter la piste du Champ-de-Mars. Comme souvent dans ce qui ressemble fort à une partie d’échecs, les autorités gouvernementales ont tiré de leur manche un pion inattendu, le nouveau «fou» du gouvernement, la Côte d’Or International Racecourse and Entertainment Complex Limited (COIREC), qui met le roi, le MTC et sa filiale la MTCSL, en situation d’échec et mat.

Dans cette partie d’échecs engagée depuis plusieurs années pour rayer le MTC, club bicentenaire mondialement respecté, de la carte des courses hippiques, où les Kasparov et Fischer du gouvernement affrontent les joueurs de dames sous les multipliants du Mauritius Turf Club, l’issue était courue d’avance. Et offrant à la COIREL la gestion et la maintenance du Champ-de-Mars, un bébé que le ministère des Terres a pu vite s’en débarrasser, pour rendre les actions légales du MTC pratiquement caduques si sa filiale, comme l’ont pratiquement décidé, hier matin, ses dirigeants, soumet une application pour l’organisation des courses dans la nouvelle configuration dont la date limite est pour mardi 16 h.

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Beekhary contraint de quitter la COIREL
Pour ne pas changer, les autorités ont pour la énième fois modifié les règles du jeu en pleine partie. C’est une autre claque gigantesque qu’elles ont administrée aux MTC-MTCSL par le truchement du ministère des Terres. Le président Paul France Tennant et consorts s’attendaient que leur bail du Champ de Mars leur soit restitué. Mais à leur grande surprise, ils se sont vu coiffer au poteau par la COIREL, une entité étatique incorporée et dont maintenant chacun pourra mesurer quelle arme redoutable le gouvernement a mis sur pied pour arriver à ses fins et mettre hors course ad vitam aeternam le MTC. Afin de ne pas mettre en péril cette mission de Lakwizinn avec un conflit d’intérêts caractérisé révélé par Week-End dans son édition du 1er mai, la COIREL a dû concéder la démission d’un de ses directeurs les plus connus, Dev Beekharry. Ce retrait est daté de jeudi mais a été circulé vendredi soir.

Toutefois, il demeure le boss de la Gambling Regulatory Authority (GRA) et maintient sa mission étatique mais aussi personnelle de destroy the MTC, comme il l’avait fait comprendre à l’ex-Integrity Officer de la GRA Paul Beeby. Tout le système MTC-MTCSL était suspendu aux décisions qui, selon une rumeur qui a fait le tour de la capitale, allaient être annoncées à la conclusion du conseil des ministres, vendredi après-midi.
Ainsi, les MTC-MTCSL ont émis deux communiqués, le premier à l’intention du grand public pour expliquer leur situation tout en faisant appel au bon sens des autorités concernées et le second à celle de son personnel, vivant dans l’angoisse et l’inquiétude depuis déjà plus d’un mois. Visiblement, les MTC-MTCSL voulaient jouer la carte de l’apaisement, ne voulant prendre aucun risque pour justement ne pas titiller les susceptibilités de nos décideurs, surtout ceux siégeant au sein de la Gambling Regulatory Authority.

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« The writing was on the wall »
Toutefois, si décision il y a eu, elle a eu l’effet d’une bombe au sein de la communauté des turfistes loin de se douter de ce que pouvaient aspirer les autorités dans ce conflit, qui n’a que trop duré. Cette partie de ping-pong était devenue interminable et aujourd’hui encore on se renvoie la balle. « The writing was on the wall » et le plan était établi depuis très longtemps. Les premières manœuvres entamées sous la présidence de Kamal Taposeea et de l’ex-Chief Executive Officer Mike Rishworth, qui s’est invité aux débats ces jours-ci, depuis qu’il négocie avec les locataires de Petit-Gamin, se sont déroulées sans encombre et du reste, ce dernier l’a confié ouvertement dans une interview hier matin.

Tout avait été discuté, calculé, orchestré et réglé comme sur du papier à musique, sauf que personne ne s’attendait au retour de Jean-Michel Giraud, qui est venu mettre au grand jour le hold-up, une nouvelle version de Daylight Robbery au MTC. Mais tout avait été gardé au secret et ceux qui avaient pris part aux discussions, signant en toute connaissance de cause un non-disclosure agreement pour ne pas porter préjudice au plan machiavélique des autorités,  consistant à prendre le contrôle et l’organisation des courses, et mettre hors circuit le MTC. Ou mieux encore, cannibaliser le MTC en faisant entrer dans la forteresse, par la petite porte,  Jean-Michel Lee Shim, pour que celui-ci prenne en main l’organisation des courses, alors qu’il contrôle déjà une grosse part du marché des paris, qu’il possède un nombre indéfini de chevaux qui sont dispersés dans diverses entraînements, avec parfois comme propriétaires des partenaires et amis, ce qui a fragilisé l’indépendance de nombreux entraîneurs et propriétaires qui lui sont désormais redevables.

La pandémie aidant, les autorités hippiques ont également pratiqué un étranglement économique progressif du MTC avec l’élimination de bookmakers off-course et la non-activité des bookmakers on-course, de même que l’absence du public et le retrait massif des sponsors à cause du huis clos. Sans compter les misères personnelles au président Giraud privé de sa PML, donc interdit du Champ-de-Mars, le jour des courses, mais aussi mis sous pression par la police et la MRA qui a étendu son intérêt soudain à toute la famille Giraud. Évidemment, tout cela n’était qu’une malencontreuse coïncidence !

Nationalisation des courses
Et puis, les choses se sont succédé à une vitesse vertigineuse pour la nationalisation des courses et la destruction à terme du MTC, avec des changements majeurs à la GRA Act— qui a connu depuis 2015 des changements chaque année en faveur du magnat des paris à Maurice et le rétrécissement progressif du pouvoir du MTC sur l’organisation des courses. L’an dernier, le PM avait même prononcé au Parlement un discours à la limite du haineux à l’encontre du MTC, avant de faire voter des lois mettant le Club pratiquement hors course. Sous le couvert de l’immunité parlementaire, il avait aussi attaqué frontalement le président du MTC en le nommant, ce qui n’est pas autorisé dans les Standing Orders que la Chair avait oublié de brandir.

Chacun connaît les péripéties récentes qui n’ont pas permis à la saison 2022 de débuter sous la houlette de la Horse Racing Division (HRD), qui agit sous l’autorité de la GRA, quoi qu’en disent la loi et les promesses de Pravind Jugnauth. Des actions en cour pour des réclamations de Rs 7,3 milliards ont été servies à l’État par le MTC, alors que la GRA ripostait en n’octroyant pas de licence à la MTCSL ou avec des conditions inacceptables, avant que ne survienne le coup d’État du retrait du bail du MTC par la municipalité de Port-Louis et la reprise du terrain par le ministère des Terres malgré une concession du MTC sur le Champ-de-Mars n’arrivant à terme qu’en 2028.

Une injonction du MTC pour la sauvegarde de son bail n’a pas encore été entretenue à ce stade. Il faudra attendre le main case pour connaître la finalité de la bataille de la gestion du Champ-de-Mars. Dans la conjoncture, les autorités hippiques gouvernementales ont préféré changer la donne pour tenter de piéger la MTCSL en rendant caduques les actions légales engagées par le MTC, mais aussi annihiler la concession du MTC sur le terrain du Champ-de-Mars qui, selon le jugement de la juge Aruna Devi Narain, doit être déterminé dans le main case.

Mais le gouvernement et la GRA tentent de faire basculer la donne en leur faveur. Ainsi, dans un communiqué émis en fin de semaine, le ministère des Terres annonce : « The public is hereby informed that the Ministry of Housing and Land Use Planning has granted to Côte d’Or International Racecourse and Entertainment Complex Limited the control and maintenance of the State Land known as The Champ de Mars » sans aucune autre precision.
Ce communiqué ne fait que confirmer les intentions préjudiciables du gouvernement de mainmise définitive sur les courses hippiques et le Champ-de-Mars à travers une compagnie publique récemment mise sur pied sous l’égide du ministre des Finances, Renganaden Padayachy, qui se retrouve avec une autre patate chaude en sus du budget qui s’annonce. Nul ne sait si les prières seront suffisantes pour baisser ces tensions. Pourtant, le Premier ministre avait confié à l’entraîneur Ramapatee Gujadhur que les «choses vont s’arranger». En tout cas, pas pour le MTC. La preuve, le gouvernement n’est jamais revenu à de meilleurs sentiments, restant intransigeant à l’égard des MTC-MTCSL et fidèle à son plan initial.

La MTCSL sans doute sélectionnée mais pas toute seule
Aussitôt la décision annoncée par le ministère des Terres, la Côte d’Or International Racecourse and Entertainment Complex Ltd s’est attelée à lancer un appel à candidatures. « The public is, hereby, informed that the ministry of Housing and Land Use Planning has granted the control and maintenance of the State Land known as the Champ-de-Mars to the Côte d’Or International Racecourse and Entertainment Complex Ltd.The Côte d’Or International Racecourse and Entertainment Complex Ltd is, hereby, inviting application from prospective local Horse-racing Organisers for the use of the Champ-de-Mars, particularly the racetrack, for organising horse-racing activities. Applications by way of letter should be submitted in sealed envelopes, addressed to « The Secretary, Côte d’Or International Racecourse and Entertainment Complex Ltd » and deposited in the tender box of Prime Partners Ltd, 3rd Floor – Suite 113/114, Medine Mews Building, Port Louis by Tuesday 24 May 2022 by 16 00 hours at latest. »

Avec cette nouvelle étape, nul besoin de dire que la ligne d’arrivée a été repoussée et que le coup d’envoi de la saison 2022 ne sera pas pour demain. Du coup, les employés des MTC-MTCSL n’auront pas leurs salaires pour le mois de mai.

C’est incontestablement un très gros problème que doit gérer le président de la MTCSL, Paul France Tennant, qui a eu une réunion de travail hier matin avec ses hommes de loi. Lui qui pensait pouvoir compter sur Maxime Sauzier pour désamorcer la situation se trouve aujourd’hui avec une bombe à retardement entre les mains. Tout laisse croire que la MTCSL n’aura pas de choix et qu’elle devra mettre à exécution tout ce qu’il a dit dans son communiqué à l’intention de ses employés, à moins que, comme le demande leur syndicat, le gouvernement ne trouve les fonds nécessaires.

Dans ce contexte, la  question que se posent les spécialistes est la suivante : est-ce que la MTCSL doit faire une nouvelle application auprès de cette nouvelle instance étatique ? Les plus avertis pensent que si la MTCSL le fait, elle va compromettre la plainte logée récemment contre la municipalité de Port-Louis et consorts. Ainsi, ils pensent que la MTCSL ne doit en aucun cas solliciter la COIREL pour ne pas se mettre en position de faiblesse, mais surtout pour ne pas crédibiliser la COIREL et les stratégies gouvernementales. Mais tout cela va prendre du temps, mais au moins la MTCSL ne se rendra pas complice de cette manœuvre, qui n’a pour finalité que sa mise totale sous tutelle et éventuellement sa mise à mort.

La MTCSL a-t-elle une chance de retrouver le Champ-de-Mars et l’organisation des courses cette saison? Oui, car le gouvernement et la GRA doivent trouver un moyen pour compenser l’énorme désaveu public causé par les soubresauts de ces dernières semaines. La valeur patrimoniale du MTC et du Champ-de-Mars, et l’histoire imprimée dans la mémoire collective de grands moments hippiques ont joué contre son action. Le GM tente de dire que sa décision est salvatrice pour l’industrie, alors qu’au bout du compte, tout cela vise à donner les moyens au principal financier du parti au pouvoir de se doter davantage de fonds pour les prochaines échéances électorales.

Dans les coulisses, où les spéculations vont bon train depuis la nouvelle donne de vendredi  soir et l’entrée en lice de la COIREL, il se confirme que la MTCSL devrait être sélectionnée pour l’obtention du terrain pour l’organisation des courses cette année seulement, car son savoir-faire est indéniable. Tombera-t-elle dans le piège tendu par Dev Beekhary et consorts ? D’autant qu’il se chuchote lourdement que l’un des scénarios élaborés par les pouvoirs publics  serait que la jouissance du Champ-de-Mars soit aussi accordée à la People’s Turf PLC, qui n’a, rappelons-le, aucune expérience dans l’organisation des courses hippiques. La COIREL tentera  d’imposer à la MTCSL des conditions inacceptables, dont un joint-venture avec son concurrent sans expérience.

Le scénario échafaudé est que la COIREL et la GRA s’appuieraient sur les faiblesses financières de la MTCSL, au bord de la faillite, et les finances de la People’s Turf Club Plc pour favoriser ce qui serait à terme une cannibalisation de ce qui reste du MTC et de la MTCSL afin de faire croire au public que le MTC est toujours au cœur de l’hippisme mauricien. Il n’est pas exclu que dans sa série de conditions, la COIREL et la GRA imposent à la MTCSL de lui offrir l’utilisation des tribunes officielles, du paddock et de toutes les écuries et infrastructures qui appartiennent au MTC.

Tout cela relèverait normalement de la pure fiction, comme la cession du Champ-de-Mars à la Côte d’Or International Racecourse and Entertainment Complex Limited, jusqu’ hier. Mais cela fait quelques années déjà que la GRA a réussi à nous faire prendre des vessies pour des lanternes.Attendons voir en espérant que ce qui reste des dirigeants du MTC ne vont pas faire retourner dans leurs tombes leurs illustres aînés et que le Tombeau Malartic ne deviendra pas aussi celui du MTC (1812-2022) !Appel à candidatures : la COIREL
est-elle dans son bon droit ?

La Côte d’Or International Racecourse and Entertainment Complex Limited a-t-elle respecté les règles quand elle a lancé l’appel à candidatures, vendredi soir ? C’est la question qui taraude tous les turfistes. D’abord, le délai accordé, soit la date et l’heure limite des réceptions des soumissions, pose problème. Des experts soutiennent que le délai est trop court. Seuls ceux qui sont déjà dans les stalles de départ peuvent participer à cette course, alors que d’autres qui pourraient avoir un intérêt n’ont aucune chance d’y prendre part.
C’est un avantage conséquent accordé à ceux qui sont connus. D’aucuns se demandent si la Competition Commission n’envisagerait pas une intervention urgente pour permettre à cet exercice d’être just & fair.

Ensuite, un manque flagrant d’informations est patent. Par exemple, pourquoi les critères et les conditions n’ont pas été attachés à cet appel à candidatures ? Est-ce que la COIREL n’a pas eu le temps d’établir ces critères et conditions ? Est-ce un oubli ou est-elle pressée de faire démarrer les courses ? En tout cas, l’Independent Review Panel (IRP) pourrait aussi être saisi de cette anomalie.

En tout cas, il existe une forte inquiétude que la COIREL puisse emboîter le pas au ministère de la Santé, qui avait octroyé des appels d’offres à des novices dans le domaine de la Santé lors du premier confinement, comme ces bijoutiers et ces quincailliers qui avaient été choisis au détriment des entités qualifiées et connues, pratique unanimement dénoncée.

Déjà, les circonstances dans lesquelles cette compagnie publique, qui se trouve sous l’égide du ministère des Finances, a pris naissance, montrent qu’elle ne sera pas indépendante et ils sont nombreux à se demander si cette «course» n’est pas encore une fois courue d’avance.

Les turfistes auraient également aimé savoir qui fera le choix final et qui sont ceux qui feront partie de ce comité . Et si un système d’appel de la décision existe et quelles en sont les procédures. Toutes ces questions restent sans réponse pour l’instant, mais il serait dans l’intérêt de la COIREL de jouer la carte de la transparence.

La première étape serait d’étendre immédiatement le délai imparti pour le dépôt des candidatures, car le délai de 48 heures ouvrables est inadmissible pour un projet de cette importance, même si par ailleurs la pression est réelle pour une reprise rapide des activités hippiques…

Mais la faute en incombe uniquement aux autorités qui ont tergiversé et acheté du temps pour mettre en place leur nouveau dispositif.

Deux communiqués de la MTCSL

Le vendredi 20 mai était devenu comme une date butoir pour le démarrage de la saison 2022. À cet effet, la MTCSL s’attendait que ses droits allaient lui être restitués afin de mettre toute sa machinerie en branle. En conséquence, elle a émis deux communiqués. Dans le premier destiné au grand public, la MTCSL a précisé qu’elle a soumis tous les documents nécessaires aux autorités et s’est dit prête à effectuer le paiement nécessaire pour obtenir sa licence, tout en exprimant sa foi dans un dénouement positif.
Dans ce communiqué, la MTCSL n’a pas manqué de mettre en exergue les moments difficiles que ses employés ont vécus le mois dernier et a souhaité qu’ils ne se retrouvent pas dans une situation identique. Tout en affichant son optimisme en un dénouement positif pour le plus grand bien de tous les stakeholders et des turfistes en général, la MTCSL n’a pas manqué d’évoquer que si tel n’est pas le cas, elle n’aura d’autre choix que de prendre des décisions drastiques.

Le second communiqué est adressé particulièrement aux employés de la MTCSL qui ont été informés des étapes franchies pour essayer d’avoir la licence d’organisatrice des courses et de récupérer ses droits sur le Champ-de-Mars. La compagnie a exprimé sa solidarité envers tous ses employés et partage leur anxiété légitime concernant leur avenir.

 

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