Les dizaines de milliers de fidèles de l’islam dans le pays observent, en ce neuvième mois du calendrier lunaire musulman (Ramadhân), le jeûne recommandé dans le Coran. On sait qu’au coeur même de l’islam est inscrite l’injonction : la soumission au Dieu unique. « C’est le sens que revêt ‘Islam’, mot arabe. Le Coran insiste, à maintes reprises, sur les pratiques qui favorisent cette soumission au Tout-Puissant. Le jeûne, qui est un des piliers de la foi islamique en est une. » (1) En effet, « indépendamment de sa condition sociale, le musulman est enjoint à observer le jeûne. Le mois du Ramadhân, le neuvième du calendrier lunaire, est la période consacrée au jeûne. » (Idem)
Ce qu’en dit le Coran au chapitre 2, à la célèbre Sourate de la Génisse, est on ne peut plus explicite : « Le mois de Ramadhân, pendant lequel a été révélé le Coran comme direction pour les hommes, et comme manifestation Claire de la direction et comme distinction, est le mois du jeûne. Quiconque parmi vous aura aperçu la lune dy Ramadhân, qu’il jeûne. » (2) Cependant, la recommandation coranique du jeûne est loin de se perdre dans un rigorisme arbitraire. Dans deux cas, la maladie ou le voyage, le fidèle en est exempté. Plus tard, lorsqu’il est guéri de sa maladie ou de retour de son voyage, il pourra jeûner un nombre de jours égal à celui des jours du Ramadhân. « Le jeûne durera un certain nombre de jours. Mais celui d’entre vous qui est malade ou en voyage jeûnera un autre nombre de jours… Allah désire pour vous ce qui est aisé. Il ne dé sire pas pour vous ce qui est difficile. »
Le rachat possible pour tout empêchement au jeûne
Mieux que cela, le rachat est possible pour celui qui éprouve de la difficulté à jeûner. « Pour ceux qui ne peuvent jeûner qu’à grand-peine, une expiation est prescrite, à savoir, donner à manger à un pauvre. » C’est le Fidia. Il s’agit de payer à manger ce qu’on consommé soi-même, à un pauvre, pendant un mois. Ces exceptions à la règle indiquent que le jeûne du Ramadhân ne doit pas être assimilé à un quelconque acte pénitentiel. Un éminent membre de la communauté musulmane Ahmadiyya, auteur d’une quinzaine d’ouvrages sur l’islam, écrivait à ce propos :
“The fast is, however in no sense a penance ; it is a physical, moral and spiritual discipline, and the object is the promotion of righteousness and security against evil. Through the experience of the fast the worshipper is impelled to exalt Allah for His having provided the guidance, is prompted to the beneficial use of His favours and bounties.” (3)
En fait, l’islam est très pointilleux sur les modalités du jeûne. Le jeûne ne saurait être rompu avant la tombée de la nuit. La période journalière du jeûne dure de l’aube au coucher du soleil. « Mangez et buvez jusqu’à ce que l’on puisse distinguer un fil blanc d’un fil noir, à l’aube du jour. Alors observez le jeûne jusqu’à la nuit. » (2) De plus, le Coran recommande l’abstinence sexuelle pendant le jeûne. Cependant, « pendant la nuit du jeûne est licite pour vous la cohabitation avec vos femmes. » En somme, la consommation des nourritures et des boissons et la relation sexuelle sont autorisées entre le crépuscule, moment où le fidèle rompt le jeûne, et l’aube où il se remet à l’observer.
Une discipline éminemment spirituelle pour le fidèle
Le jeûne est à la fois discipline du corps et maîtrise de l’esprit. À travers le jeûne, le musulman, connaissant les affres de la faim et de la soif, est sensibilisé au problème des indigents, de ceux qui n’ont pas le moyen de se nourrir et de nourrir les leurs. L’abstinence est bénéfique à la santé du corps, car elle favorise l’élimination de certains déchets et de la matière grasse et permet à l’estomac de récupérer ses énergies digestives. La recherché médicale est venue prouver que la faim et la soif temporaires enlèvent du corps humain des matières susceptibles de nuire à la santé. “Abstention from food and drink and conjugal relations for a certain number of hours each day through a month is a valuable exercise in endurance and steadfastness.” (3)
La discipline du jeûne mène à une plus grande compréhension de la volonté d’Allah. Comme écrit l’auteur cité plus haut, “The true purpose of Ramadhân, as all forms of Islamic worship, is to draw people closer to Allah.” Allah considère comme sans valeur le jeûne de celui qui, tout en l’observant, ment, convoite et calomnie. Cependant, dira le Prophète, « quiconque jeûne pendant le Ramadhân à cause de sa foi et dans l’espoir de récompense, aura tous ses péchés pardonnés ; et quiconque se met debout pour la prière pendant le Ramadhân à cause de sa foi et dans l’espoir de ré compense, aura tous ses péchés pardonnés. » (2)
Le mois du Ramadhân est période de spiritualité intense chez les musulmans qui, à ce moment, consacrent davantage de temps à la lecture et à la récitation du Coran et aux prières de la congrégation. Ces prières, au nombre de cinq, sont dites entre l’aube et la tombée de la nuit. Ce sont la Fajr de l’aube, la Zuhar après le soleil de midi, l’Assr du milieu de l’après-midi, la Maghrib après le coucher du soleil, et la Isha à la tombée de la nuit. Pendant le mois du jeûne, un service spécial, le Turavih se déroule après la cinquième prière. En général, l’Imam qui dirige ce service, complète la lecture du Coran dans l’intervalle du mois de Ramadhân. “The congregation is privileged to listen to the recitation of the Holy Book from the very beginning to the end in proper sequence, evening after evening till by the end of the month the whole has been recited.” (3) L’imam est un Hafiz du fait qu’il connaît le Coran par coeur.
Un processus de réajustement et de rééquilibrage durables
Venons-en à ces propos forts de l’Association Fraternité des musulmans de la Réunion (AFMR) : « L’Islam est la seule religion qui, non seulement propose, mais impose comme un des piliers fondamentaux de la foi un processus de réajustement et de rééquilibrage du corps et de ses composants. » (4) Elle évoque ensuite la fonction de réglage du jeûne. « Ce que Dieu, notre Créateur, a donné au croyant, c’est une opportunité de réglage annuel… À travers le mois du Ramadan… Dans ce processus long de 30 jours, la volonté et l’esprit se renforcent. Nous restons mobilisés en permanence. Nous arrivons à contrôler nos émotions et à les confiner à leur rôle. Nous reprenons les rênes de notre vie progressivement, les émotions ne sont plus les vecteurs directeurs de nos actions et de notre personnalité. »
L’AFMR en vient, pour conclure, à l’effet généralement stabilisateur et fortifiant du jeûne sur le pratiquant. « Et après 30 jours de cette autodiscipline systématique de renforcement de notre esprit sur le corps, le croyant est prêt pour une nouvelle année. Nous pu ainsi rééquilibrer les rôles de chaque partie de notre personnalité. Nous n’avons pas tué nos émotions, on les a simplement remises à leur place : de fugaces impressions qui peuvent nous aider, mais ne doivent pas nous diriger…. Le fait de résister à la nourriture au nom des valeurs spirituelles, nous aide tous à transcender, à la fois, le corps et les é motions pour se ressourcer et renforcer notre résistance à la tentation. »
La prière rapproche l’homme de Dieu et le purifie
Fondamentalement, les prières ont pour but de rapprocher l’homme de Dieu et de le purifier en vue de l’observance du jeûne. Car le jeûne n’implique pas seulement la privation physique, mais également, et surtout, le contrôle des passions et des appétits à travers la maîtrise des sens. À côté des prières collectives, les fidèles musulmans récitent, pendantle mois du Ramadhân, deux formules sacrées avant de garder et de rompre le jeûne. Ce sont les Niyyat du ‘Sehri’et de l’Iftar’.Par le Niyyat du Sehri, qu’il récite au moment où le muezzin appelle les fidèles à la prière de l’aube, le fidèle fait le voeu d’observer le jeûne du jour :
« Béswami Ghadine nawaïto min shahré ramadhâna. » Ce qui signifie : « J’ai pris la décision de jeûner demain pour le mois de Ramadhân.’En récitant le Niyyat de l’Iftar à l’appel crépusculaire du muezzin, le musulman s’apprête à rompre le jeûne. Le jeûne est rompu avec une gorgée d’eau, une tasse de thé, une ou deux dattes ou même une pincée de sel. Le Prophète avait l’habitude de réciter cette prière : « Allahouma lakasoumi wa bika âmanta wa’alayeka tawakkalto wa’alà rizkéka afwarto. » Ce qui signifie : « O, Allah ! J’ai observe le jeûne pour Toi et maintenant je romps le jeûne avec ce que Tu m’as donné. »
Les dix jours précédant la fin du jeûne du Ramadhân sont cruciaux. Certains fidèles, à l’instar du Prophète, se retirent dans la quiétude de la mosquée (l’Etikaaf) et se donnent tout entier à la prière et à la récitation du Coran et à la méditation. Les affaires et les soucis du monde temporal sont oubliés pour un temps. Entre-temps, et ce avant la Namaz de Eid qui a lieu tout juste après le Ramadhân, les fidèles s’acquittent du Sadqat-ul-Fitr. Ceux qui consomment le riz doivent payer pour la valeur de 4 livres et demi à 5 livres et demi de riz, et ceux qui consomment la farine doivent payer pour la valeur de 4 livres et demi à 5 livres et demi de farine. Ceux qui ne sont pas en mesure de payer la totalité de la somme due sont permis d’en payer la moitié.
La fin du jeûne et le début du mois de ‘Shaw-Wal’
Le mois suivant le Ramadhân est le Shaw-Wal. Au début de ce mois prend fin le long jeûne qu’a observé dans la crainte d’Allah le fidèle musulman. En ce même jour, le musulman, où qu’il se trouve, fête l’Eid-ul-Fitr. Jour où fusionnent la joie et le bonheur. Le fidèle est heureux parce qu’il a pu obéir à la volonté d’Allah et observer une discipline spéciale pour Le plaire, parce qu’il a pu abandonner un temps les sources mêmes de la vie — le pain et l’eau — pour une attitude de prière plus intense. Pour l’Eid, les fidèles s’habillent tout de neuf après le bain traditionnel, se parfument et s’échangent des cadeaux, préparent des plats succulents qu’ils partagent avec les proches et les voisins.
À la mosquée, l’Imam dirige une prière collective accompagnée du Takbirat que l’auditoire reprend dans le silence intérieur. Puis, il prononce un sermon où les fidèles sont invités à se souvenir de leurs devoirs vis-à-vis de Dieu, à respecter les droits de leur prochain et à pratiquer dans le quotidien les riches enseignements du Ramadhân. À l’issue du sermon, les fidèles s’assemblent dans le parvis et se congratulent.
1. Burrun
À propos du jeûne du Ramadan
Le jeûne (çaum) est un des cinq piliers de la foi islamique. Il est précisément le troisième. Le premier en est la croyance au Dieu unique et en son Prophète (chahada) ; le second est la prière (çalat) ; le quatrième est l’aumône légale (zakaat) ; le cinquième est le pèlerinage à La Mecque (hajj). L’extrait suivant disserte sur le jeûne.
« Il semble n’avoir été institué qu’à Médine, l’an II de l’Hégire, en remplacement du jeûne primitive d’achoura (dixième jour) imité des juifs. Le Prophète aurait ainsi rétabli dans pureté un usage dénature par juifs et chrétiens ; quant au mois de Ramadan, il fut sans doute choisi parce que c’est à cette époque de l’année que Mahomet eut ses premières révélations.
Le jeûne (çaum) est obligatoire pendant tout le mois de Ramadan (sauf pour les malades et voyageurs dispensés à certaines conditions) Il commence à l’apparition de la nouvelle lune, annoncée officiellement sur ordre du cadi et doit être observe rigoureusement du lever au coucher du soleil. Avant l’aube on formule l’intention, sans laquelle l’acte du jeûne ne serait pas valable ; pendant la journée, interdiction absolue d’absorber une substance matérielle. Quelle qu’elle soit, solide ou liquide, ainsi que la fumée, et de se livrer au commerce sexuel ; après le coucher du soleil, on prend un repas, et avant la reprise du jeûne, à l’aube, un second repas.
Le jeûne est obligatoire également par compensation (lorsqu’on n’a pas jeûné pendant tout le mois), par expiation majeure ou mineure (lorsque l’on a rompu le jeûne par commerce sexuel ou bénéficié d’une dispense légale) et en certaines circonstances exceptionnelles. À la fin du Ramadan prend place l’une des deux principales fêtes de l’année, la « fête de rupture » ou « petite fête » (al-‘îd aç-çaghîr), qui comporte une prière sur l’esplanade du moçalla et une distribution aux pauvres. » (5)
Déclaration du président de la Jummah Mosque
Le jeûne, l’un des piliers de l’islam, est un moment très important dans la vie du musulman. En ce mois béni où le Coran, le livre sacre fut révélé, se présente l’occasion que le Créateur nous donne pour observer l’abstinence de l’aube jusqu’au crépuscule. Le jeûneur, au-delà de la privation de nourriture, est appelé à la conduite exemplaire tant envers soi qu’envers les autres.
Ainsi, les musulmans du monde entier s’efforcent pour profiter des bienfaits du Ramadan où la miséricorde du Seigneur est omniprésente. Le jeûne commence avec le repas avant l’aube et se termine avec l’Iftaar au coucher du soleil. Les mosquées sont bondées de fidèles pour les prières quotidiennes en congrégation ainsi que pour la prière spéciale où l’on récite les versets du Coran en prière le soir. Il y a un élan renouvelé de solidarité et de partage entre proches, amis, voisins qui fait la fierté de notre nation arc-en-ciel.
Au niveau de l’organisation, la Jummah Musjid met tout en œuvre pour s’assurer que le Ramadan se passe dans les meilleures conditions. Nous offrons, entre autres, les facilités pour que les dames puissent accomplir leurs prières et que les fidèles puissent rompre leur jeûne à la mosquée.
Muhammad Rafiq Abdul Carrim Président de la Jummah Mosque
L’essence du jeûne en Islam.
Selon l’Islam, le jeûne n’est pas un simple exercice physique : il est éminemment spirituel et son but est la quête du plaisir de Dieu en conformant sa vie à Ses directives. Expliquant l’essence de cet acte en Islam, Mirza Ghulam Ahmad (as), le Messie Promis et Fondateur de la communauté musulmane Ahmadiyya, déclare : « Le jeûne ne signifie pas uniquement s’affamer et s’assoiffer : sa réalité et son impact peuvent être ressentis par l’expérience. Selon la nature humaine, moins on mange, plus l’esprit est purifié et l’aptitude à voir des visions s’affine davantage. Dieu désire diminuer un type de nourriture et en augmenter un autre. Celui qui jeûne doit comprendre que son objectif n’est pas de s’affamer et de s’assoiffer. Il doit se consacrer au souvenir de Dieu afin qu’il puisse couper ses liens avec ce bas monde et se tourner vers son Créateur. L’objectif est d’abandonner un type de subsistance qui suffit à nourrir le corps charnel et à acquérir un autre aliment, source de confort et de satisfaction pour l’âme. Ceux qui jeûnent uniquement pour l’amour divin et non pas par tradition doivent louer Dieu, Le glorifier et proclamer Son unicité. » (Mirza Ghulam Ahmad (as) -Malfuzat, vol. 5, Rabwah, Nazarat Isha’at Rabwah, Pakistan, p. 102)
Proférer des grossièretés et commettre des actions condamnables annulent l’objectif même du jeûne en Islam. Le Saint Prophète Mohammad (sa) enseigne : « Allah n’a que faire du jeûne de celui qui n’évite pas le mensonge et la duperie. »(Sahih Al-Bukhari, Kitab-us-Sawm.)
De plus, le jeûne vise à inculquer aux musulmans la maîtrise de soi et une vie productive. Selon le Saint Prophète Mohammad (sa), Dieu le Tout-Puissant déclare : « Tous les actes de l’homme sont accomplis pour sa propre personne, à l’exception du jeûne qui est pour Moi et J’en suis la récompense. Le jeûne est un bouclier ; aussi, lorsque vous jeûnez, évitez de proférer des paroles oiseuses ou de vociférer. Si quelqu’un vous insulte et vous cherche querelle, répondez-lui : « Je jeûne. » (2-Sahih Al-Bukhari, Kitab-us-Sawm).
Il est conseillé au musulman qui jeûne de passer la majorité de son temps à remplir ses devoirs envers Dieu et Sa création. Il devrait être plus attentif aux cinq prières obligatoires et s’efforcer d’accomplir des prières facultatives à l’instar du Tahajjoud. Le Saint Prophète Mohammad (sa) en souligne l’importance en ces termes : « Quiconque accomplit la prière Tahajjoud pendant le mois de Ramadan avec une foi ferme et l’intention d’atteindre le plaisir de Dieu verra tous ses péchés antérieurs pardonnés. » (Sahih Al-Bukhari, Kitab-us-Sawm.)
Source : La Revue des Religions – Mars 2023.
(Envoi de Shahed Hoolash)
Références
1. Burrun, B., « Du Ramadhân au Shaw-Wal : une tranche de la pérégrination spirituelle musulmane » in Week-End, dimanche 26 août 1979.
2. Le Coran, chapitre 2, ‘Sourate de la Génisse’
3. Khan, Sir Muhammad Zaffrulla (1893-1985), ex-ministre des Affaires étrangères du Pakistan et président de la Cour de Justice Internationale de la Haye, in ‘Islamic Worship’
4. L’Association Fraternité des musulmans de la Réunion, ‘Le Ramadan : un mois de privations et de prières pour les musulmans » in Le Quotidien, samedi 18 janvier 1997.
5. Sourdel, Dominique, L’Islam, Presses Universitaires de France, 1979.