L’architecture mauricienne perd une de ses figures fondatrices.
Jacques Wiehé s’est éteint, laissant un héritage durable dans la construction du paysage bâti, mais aussi dans la reconnaissance institutionnelle et culturelle de la profession d’architecte à Maurice.
Un artisan de la reconnaissance officielle de la profession
Architecte engagé, Jacques Wiehé fut de ceux qui ont marqué l’histoire de la profession.
Président de la Mauritius Association of Architects (MAA) dans les années 1980, il mena, avec conviction et persévérance, le combat pour la reconnaissance légale du métier.
C’est grâce à son action, à son sens du dialogue et à sa vision à long terme que la loi de 1988 consacra enfin la reconnaissance officielle de la profession d’architecte à Maurice, une étape décisive dans la structuration du secteur et la protection du public.
Cette victoire, fruit de plusieurs années d’efforts, fut l’expression de son profond attachement à l’éthique, à la rigueur et à la dignité du métier.
Comme il le rappelait souvent : « L’architecture n’est pas qu’un acte de construction ; c’est une responsabilité envers la société. »
Un défenseur passionné du patrimoine mauricien
Jacques Wiehé fut également un acteur majeur de la préservation du patrimoine architectural mauricien.
Co-fondateur de la Fondation du Patrimoine Mauricien, il prônait une restauration respectueuse, fidèle à l’esprit des lieux :
« Le rôle de l’architecte n’est pas d’imiter le passé, mais de le révéler, de lui redonner vie avec discrétion et humilité. »
Cette philosophie se reflète dans ses projets emblématiques, et notamment dans la restauration du Château de Labourdonnais, œuvre majeure où il réussit à marier mémoire et modernité avec une élégance rare.
Grâce à lui, ce lieu de mémoire est devenu un patrimoine vivant, ancré dans le présent tout en célébrant l’histoire du pays.
Un mentor bienveillant, proche des jeunes
Au-delà de ses œuvres et de ses combats, Jacques Wiehé restera dans la mémoire de plusieurs générations d’architectes comme un aîné attentif et bienveillant.
Il accueillait les jeunes avec générosité, les encourageant à penser par eux-mêmes, à oser innover tout en respectant la tradition et le contexte local.
Beaucoup d’entre nous lui doivent leurs premiers pas, ses conseils avisés et son regard empreint de bienveillance.
Pour ceux qui ont eu la chance de le côtoyer, il fut à la fois un guide exigeant et un modèle d’humilité, fidèle à ses valeurs de partage, de rigueur et de respect mutuel.
Un héritage qui perdure
Jacques Wiehé laisse un vide immense, mais son œuvre et son influence continueront de façonner les consciences et les pratiques.
Son engagement pour la reconnaissance de la profession, son amour du patrimoine, et sa confiance dans la jeunesse ont fait de lui l’un des piliers de l’architecture mauricienne contemporaine.
À sa famille, à ses proches et à ses confrères, j’adresse mes plus sincères condoléances et l’expression de ma profonde gratitude pour la trace indélébile qu’il laisse dans notre histoire commune.
Gaëtan Siew Architecte – Ancien Président de l’Union Internationale des Architectes (UIA)