HUMAN STORY —Atteint du syndrome de Guillain-Barré : Le parcours de Girish Ramjuttun, chef d’entreprise devenu tétraplégique

– « Je me réveille, et j’essaie de bouger les mains, les pieds. Rien »

Un récit de résilience qui mérite d’être raconté. Girish Ramjuttun, fondateur de l’entreprise Lakaz Mama — fière importatrice de produits mauriciens en Australie —, se remet lentement mais sûrement d’une maladie rare qui, sans crier gare, le frappe de plein fouet l’an dernier. Atteint du syndrome de Guillain-Barré (voir encadré), il devient tétraplégique en l’espace de quelques heures seulement. S’ensuivront plusieurs mois de lourds traitements, de rééducation physique et surtout de réflexion pour le quadragénaire qui, malgré la maladie, a décidé de participer aux Municipales 2025. Une prouesse personnelle pour lui qui pensait avoir tout perdu, mais surtout un signal fort pour tous ceux qui vivent en situation de handicap à Maurice. Rencontre.

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C’était il y a deux ans. Nous rencontrons alors Girish Ramjuttun, Mauricien installé en Australie avec sa famille depuis une vingtaine d’années, où il a fondé son entreprise Lakaz Mama. Entrepreneur dynamique et surtout grand amoureux du pays, il caressait déjà l’idée d’agrandir son entreprise et de rentrer à Maurice avec sa famille, mais dans d’autres circonstances, sans doute plus joyeuses. L’année dernière, il décide de rentrer au pays pour des vacances, mais aussi pour vivre l’ambiance des élections. Grand patriote et porte-parole de la diaspora mauricienne en Australie, il a toujours exprimé son souhait « de rendre au pays ce que le pays lui a donné ». La vie en aura décidé autrement.
« Je suis rentré seul le 28 février. Simla, mon épouse et les enfants sont restés en Australie. Une semaine après mon arrivée, soit le 12 mars, je tombe gravement malade », nous confie-t-il. Girish Ramjuttun nous raconte comment sa vie a basculé du jour au lendemain. « Ce jour-là, je me suis réveillé avec une légère fatigue, mais je n’ai pas vraiment fait attention. Plus tard, dans l’après-midi, j’ai commencé à sentir une sorte de lourdeur dans la jambe, mais encore une fois, je me suis dit que c’était sûrement la fatigue après le voyage », raconte-t-il.

En début de soirée, les choses s’aggravent. « Je sentais que j’avais doublé de poids et c’est à cet instant-là que je me suis dit qu’il y avait quelque chose d’anormal. J’appelle un cousin médecin qui me dit sans aucune hésitation que je présente des signes du syndrome de Guillain-Barré et que je dois immédiatement aller à l’hôpital. » Dans l’incapacité de bouger les doigts, il n’arrive pas à chercher ce qu’est cette maladie sur son téléphone et est transporté d’urgence en clinique. Aujourd’hui encore, Girish Ramjuttun se dit chanceux d’avoir eu ce jour-là le bon diagnostic et au bon moment. « Je suis chanceux d’avoir eu mon cousin et un oncle qui ont confirmé ce que j’avais et qui ont facilité la pose de diagnostic plus tard. Souvent, l’on peut penser qu’il s’agit d’une attaque vasculaire cérébrale. »

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« Out of body experience »
Admis en clinique en observation, c’est aux petites heures du matin, en se réveillant d’un long sommeil qu’il perd contrôle entier de son corps. « Je n’oublierai jamais ce que j’ai vécu. Je me réveille, et j’essaie de bouger les mains, les pieds. Rien. J’essaie de me lever, et je m’effondre, je glisse comme un “jelly” », se souvient-il. Girish Ramjuttun nous décrit ce moment comme un « out of body experience », un moment entre la vie et la mort où il voit son vieux père qui l’accompagnait, courir appeler les infirmiers… « À cet instant précis, je me dis que c’est fini. Je pense à ma famille, à mon épouse, à mes trois enfants en Australie… » L’entrepreneur accompli voit alors sa vie s’effondrer sous ses pieds.

Grâce aux médecins, il survivra, mais non sans séquelles. Pendant trois longs mois, Girish Ramjuttun qui a frôlé la mort sera alité. Devenu tétraplégique, il est incapable de bouger ses membres. « Ma famille est venue me rejoindre deux mois après le début de ma maladie et je suis content que ce fut ainsi. Je ne voulais pas qu’ils vivent ce traumatisme », dit-il. Ses enfants âgés de 7 ans, 13 ans et 15 ans, son épouse et leurs chiens sont aujourd’hui installés à Maurice. « Ils ont tout laissé là-bas pour m’accompagner. » Son entreprise continue de rouler, grâce à son épouse Simla, sa force tranquille.

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Après trois mois à rester allongé sur un lit, Girish Ramjuttun retrouve lentement mais sûrement l’usage de ses membres et commence à utiliser le fauteuil roulant. « C’est une maladie qui demande beaucoup de physiothérapie, car elle touche essentiellement vos nerfs périphériques qui heureusement se régénèrent avec le temps. » En début d’année, alors qu’il est toujours en fauteuil, ses proches qui savent qu’il aime la politique lui demandent de se présenter aux Municipales. « À l’époque, c’était hors de question pour moi. Je n’avais pas la force physique pour envisager de mener une campagne et pourtant, les mois qui ont suivi m’ont prouvé le contraire. »

Aux Municipales, il obtient 632 votes
En effet, un an après le début de sa maladie, presque jour pour jour, il décide de se lancer. « Et c’est incroyable, mais après avoir pris la décision de poser ma candidature en tant que candidat indépendant, j’ai commencé à me déplacer en déambulateur. Je dis souvent que c’est un peu ce qui a contribué à ma guérison. Les choses étaient parfaitement alignées avec ce que je voulais faire réellement, avec ce que j’ai toujours aimé », nous raconte-t-il. En déambulateur, Girish Ramjuttun fait campagne pendant un mois où il rencontre plusieurs personnes qui se disent inspirées par son parcours. « Ce que j’ai vécu m’a permis de comprendre beaucoup de choses, et de prendre conscience de ce que beaucoup de gens vivent au quotidien. » Aux Municipales, il récolte 632 votes dans le Ward 2, à Vacoas. Une victoire pour cet entrepreneur qui veut lancer un signal fort aux Mauriciens.

Car si aujourd’hui Girish Ramjuttun arrive à marcher sans l’aide de son déambulateur, c’est parce qu’il s’est forcé à le faire. « J’ai vécu un cauchemar et je sais que beaucoup vivent cela au quotidien. Il est de la responsabilité de tous, comprenant l’État, mais aussi de la société, de prendre soin des personnes vivant en situation de handicap. Il est de notre devoir d’apaiser un tant soit peu leur quotidien. Ce que ces personnes-là vivent est un cauchemar. Nous ne nous en rendons pas compte, nous qui avons tout. » Girish Ramjuttun a par ailleurs au cours de sa maladie eu l’occasion de travailler avec plusieurs associations, dont la Global Rainbow Foundation, qui œuvrent pour les personnes en situation de handicap.

S’occuper des personnes en situation de handicap : un devoir
« Ce n’est pas normal que les places de parking réservées aux personnes handicapées soient prises par d’autres. Combien de fois, nous avons dû nous garer ailleurs ? Combien de fois, mon épouse Simla a dû devoir gérer seule, pour enlever le fauteuil roulant de la voiture, parfois sous une pluie battante ? Ce n’est pas normal », dit-il. « En Australie, les enfants sont pris en charge par l’État. Ils vont à la piscine et sont véhiculés dans des transports adaptés. Ils arrivent ainsi à avoir une vie normale. Il y a encore beaucoup de choses à faire ici », avance-t-il.

L’entrepreneur lance aussi un appel aux personnes vivant en situation de handicap : « N’ayez pas peur de sortir, de vous exprimer. C’est votre droit d’avoir accès au transport public ou encore de pouvoir aller tout simplement à la plage. Ce n’est pas une faveur que l’on vous fait ! Dans mon cas, l’eau de la mer était essentielle, l’hydrothérapie fait partie de mon traitement et pourtant combien de fois, j’ai galéré pour y avoir accès ? Et que dire de l’état de nos trottoirs ? »

Girish Ramjuttun est aujourd’hui fier de pouvoir partager son histoire pour permettre aux autres d’avancer. « L’on parle du regard des autres, oui, mais il faut aussi s’en défaire. C’est lorsque vous arrêterez de voir que vous avec un handicap, que les autres arrêteront de le voir aussi », dit-il. Conservant une détermination d’acier, il traverse actuellement une phase de transition. « Nous avons vécu des moments difficiles ces derniers mois et je pense que c’est aussi le moment de repenser à la vie, de revoir nos projets et surtout de savourer chaque instant », conclut-il. Hier, nous partagions la success-story de son entreprise. Aujourd’hui, nous partageons fièrement la sienne, profondément humaine.

Le système immunitaire du patient attaque les nerfs périphériques
Selon l’Organisation mondiale de la Santé, le syndrome de Guillain-Barré est une affection rare dans laquelle le système immunitaire du patient attaque les nerfs périphériques. Bien qu’elle puisse toucher les personnes de tout âge, cette maladie est plus fréquente à l’âge adulte et chez les sujets de sexe masculin. La plupart des personnes atteintes du syndrome de Guillain Barré se rétablissent pleinement, même dans les cas les plus graves. Les cas graves de syndrome de Guillain-Barré sont rares, mais peuvent entraîner une paralysie quasi complète et des problèmes respiratoires. Le syndrome de Guillain-Barré peut mettre la vie du patient en danger. Les personnes atteintes doivent faire l’objet d’un traitement et d’un suivi le plus rapidement possible, certaines pouvant nécessiter des soins intensifs. Le traitement repose sur des soins de soutien et l’immunothérapie.

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