Humiliée dans hôpital – Ameegah Paul (atteinte de paralysie cérébrale) : « Honte de quoi ? Personne n’a choisi de naître ainsi… »

« Kifer tou ou lekor traver ? » lui aurait lancé le médecin

Une belle leçon de vie et d’humilité. Durant la semaine, une jeune femme au nom d’Ameegah Paul, a publié une vidéo sur les réseaux sociaux. Atteinte de paralysie cérébrale depuis sa tendre enfance, celle-ci a vécu une situation humiliante à l’hôpital face à un médecin insensible. « Kifer tou ou lekor traver ? » lui aurait lancé ce dernier… Cependant, quelques jours après, après avoir vu la vidéo et pris conscience de son comportement irrespectueux envers cette jeune femme, le médecin en question s’est excusé… Ameegah Paul, une jeune femme autrement capable, qui sait que, bien qu’insignifiants aux yeux des autres, chaque petit geste, chaque petite parole et chaque sourire comptent pour faire entendre la voix des sans-voix.

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La vidéo d’Ameegah Paul a récolté plus d’un millier de vues sur les réseaux sociaux et a touché de nombreuses personnes. Visiblement affectée, seule face à la caméra, la jeune femme raconte son expérience dans cet hôpital public du sud. « J’avais fait un léger accident pendant le week-end, mais je ne me suis pas rendue tout de suite à l’hôpital, et c’est ma maman qui s’est occupée de moi. On s’est rendues à l’hôpital lundi », nous confie-t-elle. À l’autre bout du fil, une voix douce, enjouée, mais déterminée. Déterminée, c’est en effet ainsi que l’on pourrait décrire la jeune femme de 23 ans, qui n’a pas eu la vie facile, mais qui, avec le soutien de sa mère Rajini, de son père Sylvio et de son frère aîné, est devenue aujourd’hui un exemple à suivre.

Elle continue son témoignage.
« Quand je suis arrivée à l’hôpital, il y avait une file d’attente de 20 personnes et on a attendu comme tout le monde », poursuit-elle. Paralysée du côté droit, elle arrive fatiguée devant un médecin qui n’ose même pas l’ausculter. « En à peine une minute, il m’a juste demandé d’aller me faire panser. Il n’a même pas regardé ma blessure. » Elle s’exécute, un peu décontenancée par le manque de considération du médecin. Après son pansement, elle revient voir le médecin qui, sans aucun tact, demande à la mère d’Ameegah Paul « kifer so lame traver ? » Poliment, sa mère lui répond qu’Ameegah Paul souffre de paralysie cérébrale et qu’elle est née ainsi. Quelques secondes après, le médecin demande à Ameegah Paul de se lever et de marcher. « À voix haute, alors qu’il y avait beaucoup de gens qui attendaient non loin, dont deux enfants en bas âge, le médecin a lancé : Kifer tou ou lekor traver ? Ou labous osi traver ! » raconte Ameegah Paul. La phrase de trop… Humiliée et gênée par le regard des autres qui se sont empressés de venir voir cette personne au corps « traver », Ameegah Paul décide de ne rien dire. « Ils me regardaient comme si je n’étais pas une personne… »

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« J’ai ma place dans ce monde »
« Je me suis sentie humiliée. Je ne m’attendais pas à de tels commentaires, surtout de la part d’un médecin. Il semblait ne pas savoir ce que c’était que la paralysie cérébrale, ce que cela impliquait », nous confie-t-elle la gorge nouée. Par ailleurs, elle nous dit qu’elle n’a eu que du paracétamol et une pommade antidouleur, alors qu’elle est une patiente diabétique sur insuline… À l’hôpital, elle n’a pas eu le courage de réagir, « mais en rentrant à la maison, j’ai décidé de faire cette vidéo pour dénoncer ce qui s’était passé, et surtout pour sensibiliser les gens sur ce qu’est la paralysie cérébrale. Trop, c’est trop ! Combien de personnes comme moi devront passer par cela alors que quand on va à l’hôpital c’est pour justement demander une aide et pour être traité sans jugement ? » En effet, c’est à travers la parole que la jeune femme a trouvé son salut. « Lorsque j’avais 14 ans, j’ai été victime d’attouchements et je me suis renfermée sur moi », nous confie-t-elle.

Bâtiments et transports non adaptés
Avec le soutien de sa famille, Ameegah Paul a alors décidé de s’ouvrir au monde de toutes ses forces, car elle en avait marre de se cacher, de se taire. « C’est un peu ce que l’on attend de nous, personnes autrement capables. On s’attend que l’on se fasse petits, que l’on se cache… » Aujourd’hui, la jeune femme, qui a fait des études poussées en sciences politiques, en IT et en droit, est sur tous les fronts. Trésorière de l’Association pour la protection des droits des handicapés, elle est une Motivational Speaker ayant participé à plusieurs débats, colloques nationaux et internationaux. Ameegah Paul a même participé aux élections villageoises de 2020 ! « J’ai ma place dans ce monde », nous dit-elle fermement. « Nous avons notre place dans ce monde. Il est temps de changer les mentalités à Maurice ! Nous sommes tellement en retard sur les autres pays qui avancent dans la direction de l’inclusivité », dit-elle.

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En effet, Ameegah Paul n’a plus peur de se montrer. Élue Miss Sourire 2022, la Motivational Speaker n’a plus honte de montrer sa différence. « Nous sommes tous différents, mais nous avons tous droit aux mêmes droits et aux mêmes opportunités. Lorsque j’étais candidate aux élections, j’ai eu des commentaires blessants de gens qui me disaient : Ou mem ou andikape, ki ou pou fer pou nou ? » se souvient-elle. « Alors que je sais que je suis capable de faire tellement de choses pour les autres. » Elle ajoute qu’« il y a aujourd’hui encore des parents qui ne veulent pas sortir leurs enfants autrement capables de la maison, car ils ont honte ! Honte de quoi ? Personne n’a choisi de naître ainsi ? Personne ne sait ce que l’avenir nous réserve. Ça suffit, assez avec ces préjugés et ces regards et mots qui blessent. Il faut plus d’humanité, de sensibilité. »

Sa vidéo, elle l’adresse aux médecins et aux personnes qui travaillent avec le public. « Il est normal de ne pas savoir certaines choses, mais au moins prenez le temps d’apprendre, d’écouter et de comprendre la personne qui est devant vous. Vous ne pouvez pas savoir dans quel état d’esprit cette personne se trouve. Nous ne sommes pas tous aussi forts que vous le pensez et des fois un simple mot peut vous anéantir », dit-elle. Ameegah Paul lance ainsi un appel aux autorités. « Il est temps de changer. J’ai des amis, comme moi, qui ne sortent pas, car les infrastructures et les transports ne sont pas adaptés aux fauteuils roulants. Avec une mobilité réduite, ces personnes-là ne peuvent pas sortir et avoir un semblant de vie normale », dit-elle. Elle souligne, par ailleurs, que dans le métro, elle a dû à trois reprises faire le trajet… debout. « La place pour les personnes handicapées était occupée et j’ai préféré ne rien dire. C’est la même chose dans les banques. Il peut arriver de tomber sur une personne gentille qui vous laissera sa place, alors que cela aurait dû être quelque chose de généralisé… »

Si à Maurice il y a encore beaucoup de progrès à faire pour les personnes autrement capables, que ce soit au niveau des mentalités, des infrastructures et autres, Ameegah Paul garde espoir et refuse systématiquement de se taire et de se cacher. Et aujourd’hui plus que jamais, car comme dit l’adage, « ce qui ne tue pas nous rend plus fort ». « Je suis allée à l’hôpital, jeudi, et j’ai revu le médecin, qui s’est excusé. Je suis contente et fière de moi, car je sais que la prochaine fois qu’il verra une personne autrement capable, il fera preuve de plus de compassion et de sensibilité. Il saura que les mots blessent et que lui, en tant que médecin et représentant de cette si noble profession, il n’a pas le droit de juger, d’humilier et d’ignorer qui que ce soit. » Une belle leçon d’humilité d’une jeune femme atteinte de paralysie cérébrale.

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