Durant la semaine écoulée, un feu s’est déclaré sur le flanc de la Petite Montagne autour de la Citadelle. Plus de peur que de mal, il a été maîtrisé en quelques heures grâce aux sapeurs-pompiers. Des incendies de ce genre, en cette période de l’année connue pour être une période sèche propice aux incendies, ce n’est pas la première et malheureusement pas la dernière fois.
L’Organisation non gouvernementale (ONG) Friends of the Environment, qui s’occupe depuis 2015 de 2,3 hectares de terrains sur le flanc nord de Petite Montagne, tire la sonnette d’alarme et lance un appel aux habitants de la région.
Si les villes se modernisent à vitesse grand V, nos montagnes, elles, loin des tractopelles et de l’ambition humaine, se dégradent lentement mais sûrement. Petite Montagne où se trouve La Citadelle (Fort Adélaïde), décrétée National Heritage Site, a repris des couleurs.
Plus verdoyante que jamais, elle est prise en charge par des associations qui ont à cœur la restauration du patrimoine et la préservation de l’écosystème de l’île, notamment Friends of the Environment et la Fondation Ressources et Nature (FORENA).
Ainsi, depuis des années, celles-ci, avec l’aide de volontaires et le financement d’organisations locales et internationales, s’attellent à reboiser cette région, tentant par tous les moyens de la protéger des flammes. Sauf que quand l’homme passe par là…
« Ce type d’incendie à Maurice n’est pas un phénomène naturel. Nous ne sommes pas comme en Afrique du Sud, par exemple, avec les feux de brousse naturels, car nous n’avons pas du tout la même végétation », explique Jah Namah, Project Coordinator pour le Native re-vegetation project de l’ONG.
Une cigarette mal éteinte peut causer un incendie
Depuis le lancement de ce programme de revégétation, plus de 8 000 plantes ont été mises en terre, dont une vingtaine d’espèces de plantes indigènes comme le Bois de Reinette (Dodonaea viscosa), le Bois Chandelle (Dracaena concinna and Dracaena reflexa), le Bois Bœuf (Polyscias maraisiana), le Palmiste Bouteille (Hyophorbe lagenicaulis), le Bois d’Olive (Cassine orientalis), le Bois Judas (Cossinia pinnata) et le Vetiver indigène (Chrysopogon argutus). La mauvaise herbe – dont l’Herbe Polisson (Heteropogon contortus) et l’Herbe Blanche /Herbe Esquine (Bothriochloa pertusa) – est, elle, enlevée. « Le but est de recréer la forêt indigène qui était présente avant la construction du Fort Adélaïde », dit Jah Namah. Un moyen pour restituer et préserver le patrimoine naturel de l’île, mais aussi pour empêcher qu’un incendie ne se répande. Jah Namah indique que les plantes indigènes contiennent plus d’eau et que si un incendie devait se déclarer, elles peuvent le contenir, voire le stopper, contrairement aux herbes sèches qui poussent massivement sur la Petite Montagne et qui alimentent les flammes. Elle ajoute qu’avec la construction du fort Adélaïde, la forêt a été rasée, ce qui a entraîné une érosion du sol « et affecte les habitants aux alentours dans les régions de Port-Louis, Plaine Verte et Vallée Pitot. » De plus, pendant la période sèche, soit de juillet à novembre, les herbes envahissantes se répandent à la vitesse grand V et deviennent des sources dangereuses d’incendie. « Une simple cigarette mal éteinte peut causer un incendie en une trentaine de minutes à peine, tellement l’herbe est sèche à cette époque », dit-elle. De plus, avec la chaleur de Port-Louis, les morceaux de verre que les gens jettent sur la montagne peuvent aussi devenir vecteurs de feu.
Jah Namah se souvient de l’incendie de mai 2022 provoqué par un pot de peinture qui a explosé et qui a lourdement affecté le flanc nord de la montagne. L’ONG Friends of the Environment y a perdu une centaine de plantes indigènes… «Le pot de peinture ne se trouvait pas sur notre terrain, mais quand il a explosé, les débris qui ont atterri sur nos lopins de terre, ont suffi pour répandre le feu sur une partie du flanc nord », dit-elle. Cependant, elle note que malgré le feu, certaines plantes ont survécu, « ce qui montre que les plantes indigènes sont résilientes.»
L’ONG insiste ainsi sur l’éducation et la sensibilisation des citoyens et des habitants de la région. « Il faut faire attention à ne pas jeter des mégots de cigarettes ou des morceaux de verre sur la montagne, surtout pendant la période de feu », dit-elle.
De plus, elle lance un autre appel aux habitants : « N’hésitez pas à alerter les autorités lorsque vous voyez de la fumée sur la montagne. C’est une question de sécurité. » Jah Namah explique que de nombreuses personnes hésitent encore à appeler la police ou les pompiers lorsqu’elles voient un début d’incendie, à cause du qu’en-dira-t-on des voisins. « Il y a tout le côté social à prendre en considération. Beaucoup nous disent qu’ils n’appellent pas la police, car la police débarquera chez eux et les voisins commenceront à jaser. » Jah Namah insiste sur la partie éducationnelle de ce projet de revégétation. En espérant qu’aucun autre incendie ne se déclare, l’ONG attend la saison pluviale en novembre pour commencer la saison de plantation.