INFRASTRUCTURES : Le Quatre-Bornes Urban Terminal se redessine…

Avec une zone d’ombre à éclaircir : l’absence sur la maquette de promotion d’un pont piétonnier reliant la station de métro au futur terminal
Le projet du Quatre-Bornes Urban Terminal qui, après avoir pris du plomb dans l’aile, se redessine au cœur de la ville des fleurs. C’est la firme RBRB Construction, en partenariat avec deux compagnies étrangères, qui développera le terminal sur la base d’un public-private partnership, sous la tutelle du ministère des Collectivités locales. La maquette de promotion dévoile la situation du bâtiment, son volume, les espaces verts qui l’entourent, mais aussi comment s’intègre le projet dans son environnement existant composé, entre autres, de la plateforme ferroviaire et d’un marché moderne. Quid de l’aménagement d’une passerelle, surplombant la route Saint-Jean, reliant la station de métro au futur terminal ? L’esquisse présentée par l’Urban Planner Nathan Iyer cette semaine n’indique en rien la présence d’un quelconque pont piétonnier au-dessus d’une des zones les plus embouteillées de la ville… Une zone d’ombre à éclaircir.
Dans son édition du 7 juillet 2024, Week-End avait mis en avant le fait qu’après trois tentatives infructueuses, le dernier exercice d’appel d’offres pour désigner le promoteur du Quatre-Bornes Urban Terminal avait enfin accouché d’un soumissionnaire : la firme RBRB Construction Ltd. Des réunions regroupant des représentants de la compagnie et le Senior Chief Executive dudit ministère s’étaient multipliées jusqu’à la campagne électorale, pour éclaircir certains points de désaccord concernant l’aménagement du Fish Market dans le futur terminal et l’épineuse question du site plan de la gare d’autobus. Les choses se sont décantées si on se fie à la réunion qui s’est déroulée au cours de la semaine, à la municipalité, en présence du député de la circonscription, Arvin Boolell, du ministre des Collectivités locales, et de Bhooshan Ramloll, directeur de RBRB Construction Ltd qui a, donc, bien été désignée, en compagnie de deux autres firmes internationales, dont la compagnie indienne, R.Agrawal Infracon Pvt Ltd, pour orchestrer ce projet pharaonique.
Si on se réfère à la maquette, la mairie ville des fleurs mettra à la disposition du promoteur cinq portions de terrain d’une superficie d’environ 19 000 m² et des bâtiments qui appartiennent à l’État et à la ville, dont le site du bazar et la Newton House (voir plus loin). L’actuelle place du marché connaîtra une métamorphose en faisant la part belle à des emplacements commerciaux au rez-de-chaussée et dans l’un des nombreux étages du bâtiment qui devrait répondre aux attentes de la société en matière d’écologie de la construction qui se traduira par l’implémentation d’espaces verts tout autour du site. Un food court sera aménagé au premier étage, alors que les maraîchers seront logés au rez-de-chaussée, avec le même nombre d’étals (560) que le marché actuel, comme ils l’avaient appelé de leurs vœux. La maquette désigne également la présence de 300 places de parking et 1 600 appartements.
L’obligation d’un Traffic Impact Assessment
Si ce projet modernisera à coup sûr l’infrastructure urbaine, il pourrait aussi engendrer son lot de conséquences. Le réseau routier — déjà sous pression avec l’avènement du métro et la conversion de la route St-Jean de quatre à deux voies —, pourra-t-il s’adapter à cette nouvelle configuration ? C’est le capharnaüm bien souvent entre la gare de Quatre-Bornes et le marché, absorbant le flot de véhicules roulant au pas dans cette zone truffée de feux de signalisation, pris d’assaut par une myriade de piétons. Avec l’aménagement d’un gigantesque espace commercial au cœur du centre-ville, les choses risquent de se corser et — à l’image de la passerelle piétonnière construite à Port-Louis pour relier la station de métro au Victoria Urban Terminal (VUT) —, la question de l’aménagement d’un pont au-dessus de la route St-Jean a constitué le point d’orgue des échanges entre l’ancienne administration de la ville des fleurs et les différents stakeholders.
Une source proche du dossier confie que « cette option n’a nullement été écartée compte tenu des caractéristiques propres à cette zone. Tout projet de cette envergure comporte des étapes comme l’obligation d’un Traffic Impact Assessment et d’un Building & Land Use Permit (BLUP). On a pris connaissance de la maquette, mais nous en sommes toujours au stade préliminaire du projet. Cette première rencontre entre les protagonistes a été constructive et a permis à tout un chacun de poser des questions au promoteur. Un Steering Committee a été constitué pour évaluer divers items, dont la passerelle ». L’épineuse question du relogement temporaire des maraîchers a, par contre, été réglée. Au fur et à mesure des travaux, ils seront relogés dans les parcelles qui ont été confiées au promoteur.

La Newton House intégrée dans le décor
Quatre-Bornes, la ville des fleurs (UBRS Florida), est aussi le titre du livre paru en 1992 de feue l’auteure Lilian Berthelot, qui nous raconte ces grands événements qui ont jalonné l’histoire de cette région qui a acquis son statut de ville en 1896, gérée par un Board de Commissaires, sous la houlette de son premier président, l’avocat et homme politique sir William Newton. En 1960, pour lui rendre hommage, Jean-Roland Delaître, alors président du conseil de la ville, donna le nom de Newton House à un immeuble de rapport moderne construit en face du bazar. Avec l’avènement du terminal urbain, il était question, à un moment donné, que la Newton House s’effacerait pour faire place au projet. Que nenni. Compte tenu de sa valeur patrimoniale, les autorités ont décidé de l’intégrer dans le décor du terminal.
La genèse du processus de profonde transformation de la ville débute à la fin des années 1950, soutenue par de lourds investissements financiers reposants sur la refonte massive de la trame urbaine et de l’offre de logements. Le début de l’année 1959 est marqué par l’incendie qui détruisit des dizaines de logements à Belle-Rose. Face à la catastrophe, Jean-Roland Delaître ne reste pas insensible au malheur de ces familles sinistrées et fait construire quelques mois plus tard un immeuble à leur intention à l’angle de la rue sir William Newton et de la route Saint-Jean, où étaient nichés quelques commerces en tôle désuets depuis les années 1940. L’immeuble, en béton, est baptisé Newton House et comprend un rez-de-chaussée pour les commerçants et une dizaine d’appartements aux deux étages, qui fait le bonheur des locataires.
En novembre 2022, une rumeur se répand comme une trainée de poudre. Dans un nuage de poussière, la Newton House devrait disparaître, avec sa part de souvenirs liés aux familles et aux commerçants ayant vécu et travaillé à cet endroit, pour faire place au terminal urbain. La mairie n’avait pas démenti cette éventualité à l’époque, mais à la lumière du plan urbain présenté à la mairie cette semaine, il semble que la Newton House sera finalement conservée, modernisée et intégrée dans le décor. L’édifice trône au-dessus du centre-ville depuis 65 ans. Avec l’ajout d’autres étages, abritant une salle de cinéma, des restaurants, des bureaux et des salles de conférences, ce pan de l’histoire de la ville des fleurs a encore de belles années devant lui…

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