Kailash Purryag (1947–2025) : Disparition d’un pilier de la République et passeur d’héritage politique

L’île Maurice est en deuil. Kailash Purryag, ancien Président de la République et figure historique du Parti travailliste (Ptr), s’est éteint hier matin à l’âge de 77 ans. Sa disparition marque la fin d’un parcours politique exemplaire, traversé par une fidélité constante aux valeurs républicaines, à la démocratie parlementaire et à la défense de l’intérêt national.

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Né le 12 décembre 1947 à Camp Fouquereaux, Rajkeswur « Kailash » Purryag était issu d’une famille d’origine indienne, descendant d’engagés venus du Bihar. Il embrasse très tôt la profession d’avocat, avant de rejoindre, en 1973, les rangs du Parti Travailliste. Son engagement, dès le départ, est marqué par un profond attachement au dialogue social, à la justice et à la construction d’un État moderne et inclusif.
Son ascension politique fut constante. Élu pour la première fois en 1976 dans la circonscription de La Caverne–Phœnix, il occupera tour à tour les fonctions de ministre de la Sécurité sociale, de la Santé, de la Planification économique, et des Affaires étrangères. Il accède ensuite au poste de vice-Premier ministre de 1997 à 2000 sous le gouvernement de Navin Ramgoolam, avant de devenir Speaker de l’Assemblée nationale en 2005, fonction qu’il exercera avec rigueur et dignité jusqu’en 2012.
Cette même année, Kailash Purryag est élu Président de la République, devenant ainsi le cinquième chef d’État de l’histoire mauricienne. Son mandat, exercé entre 2012 et 2015, se caractérise par une posture de neutralité institutionnelle, une gestion apaisée des transitions politiques, et une profonde fidélité à l’esprit de la Constitution. Il fut un Président respecté, discret, mais ferme sur les principes républicains, garant de la stabilité de l’État dans des périodes parfois tumultueuses.
Loin de rechercher les projecteurs, il n’en était pas moins une figure morale de référence, écoutée dans les cercles du pouvoir comme dans les communautés populaires. Il avait cette capacité rare de rassembler, de concilier, d’apaiser. Il est également resté actif dans les débats d’idées, fidèle au PTr, tout en s’effaçant progressivement de la scène politique directe après son départ de la Présidence.
Cette capacité
rare de rassembler
Sur le plan personnel, Kailash Purryag était marié à Aneetah Purryag depuis 1973. Il était père d’une fille et grand-père comblé. Il était aussi le beau-père de Ritesh Ramphul, député et secrétaire général du Parti Travailliste, considéré comme l’un des jeunes cadres les plus prometteurs du parti. Cette filiation symbolique entre générations est riche de sens : elle incarne une continuité de valeurs, un passage de témoin entre deux époques du travailisme mauricien.
Décoré des plus hautes distinctions de l’État, notamment du Grand Commander of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean (GCSK), Kailash Purryag avait également reçu des distinctions internationales, dont le Pravasi Bharatiya Samman en Inde, saluant sa contribution exceptionnelle en tant que membre de la diaspora d’origine indienne.
Avec la disparition de Kailash Purryag, Maurice perd un homme de devoir, un bâtisseur discret de la République, un serviteur de l’État au parcours exemplaire. Son héritage politique et moral continuera d’inspirer les générations futures.

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Réactions

Navin Ramgoolam : “Il a toujours été un homme loyal qui a servi le pays”
“Il était une personne extraordinaire. Lui et moi étions très proches. Il était aussi très proche de Sir Seewoosagur Ramgoolam. Il a toujours été un homme loyal qui a servi le pays. J’ai appris à mieux le connaître lorsque je suis entré en politique en 1990. À l’époque, il était déjà un membre actif du Parti Travailliste. Il a eu l’occasion de servir le pays de multiples façons : comme Deputy Prime Minister, puis comme Speaker de l’Assemblée nationale, et enfin comme Président de la République. Malheureusement, son heure est arrivée… et il nous a quittés. Je suis profondément attristé.”

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Rajesh Bhagwan :« La République perd un patriote, je perds un ami »
« Notre République perd un grand patriote. J’ai personnellement connu Kailash Purryag pendant de nombreuses années, aussi bien dans la profession légale qu’en tant que député, ministre, vice-Premier ministre, Speaker et président de la République. En tant que secrétaire général du Parti Travailliste, et moi secrétaire général du MMM, nous avons mené ensemble une bataille électorale inoubliable lors des élections générales de 1995. Kailash était un passionné de liberté, un fin intellectuel qui aimait particulièrement lire, notamment sur des sujets liés à l’économie. Comme Speaker, il était intransigeant au Parlement. Je me souviens d’un épisode marquant où il a contraint un ministre des Finances à revoir sa copie sur le Finance Bill. Il a fait honneur à toutes les fonctions qu’il a occupées, en particulier celles de nature constitutionnelle. C’était aussi un homme très religieux. Je perds un ami. J’adresse mes condoléances à son épouse, à sa fille, ainsi qu’à mon collègue Ritesh. Le nom de Kailash Purryag restera gravé dans le livre de l’Histoire. »

Irfan Rahman :« Kailash Purryag, un exemple de grande intégrité »
« Je me rappelle de ma première rencontre avec Kailash Purryag. C’était dans la soirée de la proclamation des résultats des élections générales du 21 décembre 1976. Avec ses deux colistiers, Razack Peeroo et Iswardeo Seetaram, son élection avait donné un avantage au Parti Travailliste dans une joute extrêmement serrée. Il était venu voir mon grand-père, sir Abdool Razack Mohamed, en signe de solidarité.
« Puis, avec le temps, nous avions pu approfondir et renforcer nos relations. Mais l’événement qui m’a le plus marqué est intervenu bien après. C’était pour les élections villageoises. Il était le président de la République. J’étais parti à la State House pour faire signer les 120 Writs of Elections selon les dispositions de la loi.
« À cette époque, sa fille faisait partie du judiciaire et elle avait été choisie pour assumer les responsabilités de Returning Officer. Quand je lui ai soumis le Writ avec le nom de sa fille, le président Purryag m’a tout simplement dit : Pas question que je signe ce Writ. J’avais tenté de le convaincre qu’en tant que président de la République, il n’en avait été pour rien dans ce choix, opéré au niveau des instances de la Commission et du Secretary to Cabinet.
« Le président Purryag était adamant. Il ne signerait pas ce Writ parmi 120 avec le nom de sa fille. Nous avions dû chercher un remplaçant en toute urgence. Un exemple d’un homme d’intégrité. De grande intégrité. Je salue très bas la mémoire de cet homme affable, qui a laissé ses empreintes à différents niveaux dans l’île Maurice post-indépendante. »

 

 

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