Konekte, entreprise sociale fondée en 2005, place le développement intégral de l’humain au cœur de ses actions. Structure professionnelle de référence, elle offre des services et des programmes œuvrant à la meilleure santé mentale de l’humain, en milieu scolaire. En ce début de mois d’octobre, après un mois de septembre dédié à la prévention du suicide, les professionnelles du secteur reviennent sur le suicide en milieu scolaire et rappellent les grandes lignes du Manuel de Postvention de Konekte lancé en mars de cette année. Attristées par la situation, elles lancent un appel aux autorités concernées et réitèrent que chaque collège doit avoir une équipe de Postvention (EPV) composée de membres du personnel (enseignant, personnel de soutien et administratif), formés pour répondre à ce genre de situation.
Nous le mentionnions au début de cette série d’articles au mois de juillet, l’un des axes de Konekte concerne le service d’écoute en milieu scolaire depuis 2009 et en ligne depuis 2021.
Un service d’écoute en ligne confidentiel et gratuit
Les objectifs principaux de ce service sont multiples : de contribuer à alléger les difficultés émotionnelles et psychologiques énoncées par les membres de la communauté scolaire ; de permettre à une partie de la population d’accéder à des services d’écoute professionnelle réguliers, les tarifs de consultations des professionnel.le.s en psychologie en libéral étant onéreux et peu accessibles à la majorité de la population ; de renforcer les services d’écoute existants au niveau du ministère de l’Éducation. Et, enfin, de proposer un service d’écoute en ligne confidentiel et gratuit à la population mauricienne de plus de 12 ans, avec évidemment le consentement des parents et responsible parties des mineur.e.s.
Nous avons, le 7 septembre, partagé quelques-unes des recommandations de la thématique 2 du ministère, soit la « lutte contre l’indiscipline, le harcèlement, la violence et l’abus de substances ». Parmi celles-ci, l’une nous importait particulièrement au mois de septembre dernier, le 10 étant la journée mondiale de prévention du suicide. Encore plus quand autant de jeunes se sont donnés la mort par suicide, ces dernières semaines, selon ce qui est relaté dans les médias. Et qu’au sein de nos services, chaque semaine, plusieurs jeunes partagent les pensées suicidaires qui les habitent.
La grande vulnérabilité psychologique des jeunes
Fortes de notre expérience et de la réalité observée sur le terrain, de la grande vulnérabilité psychologique des jeunes, de l’accroissement des états dépressifs, des comportements suicidaires, il nous a semblé nécessaire d’outiller l’équipe thérapeutique de psychologues et professionnelles de l’écoute, ainsi que des membres du personnel volontaires, transmettant des informations sur le suicide ; des conseils pratiques pour agir dans les situations de pensées suicidaires, tentatives de suicide et suicides complétés, ainsi que les bases de communication et d’écoute pour mieux entendre ce que vivent les personnes en souffrance.
En 2018, nous avons donc commencé une formation initiale de 60 heures. Elle se poursuit pour renforcer les compétences des équipes. En 2019, une deuxième cohorte rejoint la première. Depuis mai 2024, et cela se poursuit en 2025, les 57 personnes formées sont officiellement présentées en équipes, selon les établissements, dans le collège/lycée dans lequel ils.elles travaillent, comme membres d’une Équipe de Postvention (EPV).
Les étapes à suivre, modèles de lettres aux parents ou responsible parties, signes éventuels d’un état dépressif, les grilles d’évaluation des risques suicidaires, les facteurs à risque, le contenu des groupes de parole à animer, les attitudes à adopter et éviter face aux comportements suicidaires, etc. Tout cela figure dans un Manuel de Postvention spécifique au contexte mauricien qui a été publié par Konekte et présenté en mars 2025. La postvention concerne des actions mises en place pour faire face aux conséquences du suicide, pour réduire le risque d’entraînement parmi les proches, les communautés touchées ainsi que des actions de prévention d’un passage à l’acte chez les personnes directement impactées par le suicide d’un.e proche, rejoignant donc la prévention.
La postvention en milieu scolaire
Elle a pour objectifs de :
- Diminuer la souffrance et les réactions de stress des élèves et membres du personnel.
- Renforcer les habiletés psychosociales des élèves et membres du personnel pour faire face à l’événement traumatique.
- Prévenir d’autres situations de mort par suicide ou d’autres tentatives de suicide, par l’effet d’entraînement.
- Augmenter le sentiment de sécurité dans l’établissement scolaire concerné.
- Favoriser un retour, le plus rapidement possible, au fonctionnement habituel dans l’établissement scolaire concerné.
- Repérer et mettre en place un soutien psychologique à long terme pour les élèves et membres du personnel proches, à risque et vulnérable.
- Sensibiliser sur la manière dont est présentée la mort par suicide par l’établissement scolaire, les médias et les réseaux sociaux, pour éviter le risque d’entraînement.
Ce manuel, de postvention est destiné à tous.tes les adultes travaillant au sein des établissements scolaires quand ils.elles font face à des comportements suicidaires. Il est donné aux personnes, à l’issue de la formation assurée par les professionnelles de Konekte. Le témoignage d’une rectrice d’un collège nous a touchées, et cela nous a semblé important de le partager (voir encadré).
En avril de cette année, un nouveau groupe a commencé un parcours de formation, afin de renforcer les EPV existantes ou d’en créer de nouvelles dans des établissements. Une annonce publique a été effectuée en ce sens en février et mars 2025, invitant les membres du personnel des établissements secondaires intéressé.e.s à être formé.e.s pour étayer leurs connaissances et mieux agir dans ces situations. 62 personnes terminent, donc, la formation en 2025 et pourront rejoindre les équipes EPV. Il importe que chaque collège puisse avoir une équipe de Postvention (EPV) composée de membres du personnel (enseignant.e, personnel de soutien et administratif), ayant été formé.e. Que tous.tes les educational psycholosists soient aussi formé.e.s pour soutenir ces EPV. Nous l’avons proposé au ministère de l’Éducation, nous le préconisons de nouveau ici.
«Changer le discours sur le suicide ».
Le thème de la journée du 10 septembre, cette année, était : «Changer le discours sur le suicide ». Parlons du suicide autrement. Osons en parler ensemble, et autrement… un humain qui se suicide veut arrêter de souffrir. Il.elle ne veut pas mourir. Le.la regarder, le.la prendre au sérieux, l’écouter, le.la soutenir pour trouver une aide professionnelle psychologique et médicale est essentielle ! Quand quelqu’un parle de suicide ou montre des signes de détresse, il.elle ne veut pas attirer l’attention ou faire son intéressant.e, il.elle est en grande souffrance. Osons poser des questions directes sur les pensées suicidaires et le suicide, sur le moyen, la date, le lieu éventuellement prévus. Parler du suicide ne donne pas l’idée de passer à l’acte.
Une tentative de suicide est un acte grave à prendre au sérieux. Toute tentative de suicide doit être considérée comme grave, même si elle peut sembler « minime » aux yeux de l’entourage. Une tentative, le risque de récidive est particulièrement élevé, surtout les 12 mois qui suivent, d’où l’importance d’un suivi médical/psychiatrique et psychologique. Ouvrons nos yeux, nos oreilles et nos cœurs aux personnes autour de nous, aux personnes en souffrance. Osons leur demander comment ils.elles se sentent, osons entendre la colère, la peur, la tristesse, autant que la joie. Osons recourir aux professionnel.le.s de santé et santé mentale qui peuvent entendre et aider.
Une qualité de présence, de soutien fait la différence et peut sauver des vies.
Témoignages
Une rectrice d’un collège formée à la postvention :
« Un drame inattendu, une aide précieuse. La mort d’un élève est un événement bouleversant pour tout l’entourage scolaire. Il y a quelques jours, j’ai malheureusement fait face à cette réalité lorsque l’un de nos élèves s’est donné la mort. J’étais désemparée et perdue… Toutes nos années de formation ne nous préparent pas à affronter un tel drame dans notre établissement. Dans cette épreuve, le Manuel de Postvention de Konekte est devenu pour nous, membres de la direction, notre guide. Étape par étape, il a été notre boussole. L’équipe de Konekte a également apporté un soutien inestimable, nous accompagnant à travers toutes les étapes essentielles :
- Prendre contact avec la famille.
- Informer le personnel de l’école.
- Assister aux funérailles et les hommages.
- Quoi dire à l’assemblée du matin
- Organiser l’annonce dans les classes
- Assurer la présence de psychologues pour les élèves et le personnel.
- Identifier les élèves les plus vulnérables.
- Informer les parents et les sensibiliser à l’écoute de leurs enfants.[…]
En tant que responsable d’établissement, on a tendance à penser que ce genre de drame n’arrive qu’aux autres. On croit qu’avec notre bagage, on saura gérer la situation. C’est faux. Il s’agit avant tout d’émotions intenses, de risque de contagion et d’attitudes à adopter face au deuil collectif. Le manuel de Konekte permet de naviguer dans ces eaux troubles en gardant le cap et en nous assurant de prendre les bonnes décisions dans l’intérêt de tous. »
Une enseignante, bénéficiaire du service d’écoute :
« J’ai été écoutée par une psychologue de Konekte suite à un suicide dans mon entourage professionnel. J’ai apprécié sa disponibilité à m’écouter sans jugement et avec patience. Ça m’a surtout aidée à me sentir mieux, à comprendre mes émotions pour mieux les accepter. Mais plus encore, j’ai appris quelques techniques que je pourrais utiliser dans ma vie personnelle et professionnelle pour prévenir le suicide. »