La station météorologique de Vacoas a 100 ans Un siècle à scruter le ciel mauricien

Depuis cent ans, les instruments dressés à Vacoas observent, mesurent et interprètent le ciel mauricien. Un siècle d’enregistrements, de veilles cycloniques, de relevés quotidiens parfois invisibles du grand public, mais essentiels à la compréhension du climat et à la sécurité du pays. En 1925, lorsque l’Observatoire météorologique est transféré de Pamplemousses vers les hauteurs plus fraîches de Vacoas, c’est bien plus qu’un simple déménagement : c’est le début d’une nouvelle ère scientifique.

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L’histoire météorologique de Maurice plonge pourtant ses racines bien plus loin. Dès 1733, des documents d’archives font état d’observations climatiques et de cyclones affectant Maurice et La Réunion. Entre 1733 et 1754, ces données, parfois fragmentaires, revêtent déjà une importance stratégique. Maurice est alors un pivot maritime majeur sur les routes reliant l’Europe, l’Afrique, l’Asie et les Amériques. Anticiper les tempêtes, comprendre les vents et les saisons devient une nécessité vitale pour la navigation, le commerce et la survie même des navires.
Il faut toutefois attendre le début du XXᵉ siècle pour que la météorologie mauricienne se structure véritablement comme une discipline scientifique moderne. Au début des années 1920, le choix de Vacoas s’impose naturellement : altitude modérée, éloignement du littoral, conditions plus représentatives de l’intérieur de l’île. C’est là qu’Albert Walter (1877-1972), figure fondatrice de la météorologie mauricienne, initie des observations atmosphériques systématiques d’une ampleur inédite.
À l’aide de cerfs-volants, il mesure les vents en altitude jusqu’à 4 000 pieds, une prouesse technique pour l’époque. Ces expériences ouvrent la voie à une meilleure compréhension de la structure verticale de l’atmosphère. Rapidement, Walter introduit l’utilisation de ballons météorologiques, permettant dès novembre 1925 d’atteindre des altitudes de 6 000 mètres. Maurice s’inscrit alors dans un réseau international naissant d’observations en haute atmosphère.
Le site de Vacoas se dote progressivement d’une panoplie d’instruments essentiels : anémomètres pour la vitesse du vent, thermomètres pour la température, baromètres pour la pression atmosphérique, pluviomètres pour les précipitations, ainsi que des enregistreurs d’ensoleillement. Vers 1923, les observations nuageuses à l’aide de néphoscopes viennent compléter ces dispositifs, améliorant sensiblement la qualité des prévisions, notamment à l’heure où l’aviation commence à se développer dans la région.
À partir des années 1950, l’Observatoire de Vacoas se consacre exclusivement à la météorologie. Cette spécialisation marque un tournant institutionnel. En 1959, il devient officiellement le Meteorological Department. En 1968, une nouvelle étape est franchie avec la création des Mauritius Meteorological Services (MMS) et l’installation du premier système de réception d’images satellites à Maurice. Pour la première fois, l’île peut observer les systèmes dépressionnaires à grande échelle, bien au-delà de son horizon immédiat.
L’évolution technologique se poursuit en 1979 avec la mise en service d’un radar météorologique, grâce à l’appui du Programme des Nations unies pour le développement. Cet outil transforme la surveillance des précipitations et des orages, renforçant considérablement les capacités d’alerte. Plus récemment, en 2019, l’entrée en opération d’un radar Doppler à Trou-aux-Cerfs marque une nouvelle avancée majeure dans le suivi en temps réel des phénomènes météorologiques intenses.
Aujourd’hui, les Mauritius Meteorological Services assurent des services météorologiques, climatologiques et d’alerte précoce 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Leurs données alimentent les décisions publiques, soutiennent les secteurs clés de l’économie et contribuent à la protection des vies humaines. Cette mission s’inscrit pleinement dans le cadre de la MMS Act 2019, avec une vision assumée : faire de Maurice un pays résilient face aux aléas climatiques et climate-smart.
À l’heure où le changement climatique accentue la fréquence et l’intensité des phénomènes extrêmes, le centenaire de Vacoas rappelle que la météorologie mauricienne repose sur une continuité rare : celle d’un siècle d’observations, d’archives et de savoir accumulé, au service du pays.

Records et tendances climatiques observés à Vacoas
n Pluviométrie : Lors d’épisodes cycloniques et de fortes perturbations tropicales, la station de Vacoas a enregistré des cumuls de pluie dépassant 300 à 400 mm en 24 heures, notamment lors de cyclones majeurs tels que Gervaise(1975), Dina(2002) ou Berguitta(2018). Certains mois exceptionnellement arrosés ont franchi le seuil des 1 000 mm, confirmant la vulnérabilité du plateau central aux pluies intenses.
n Sécheresse : Les séries de données mettent aussi en évidence des déficits pluviométriques de 20 à 30% sur plusieurs mois lors de certaines années récentes. Les périodes sèches, particulièrement en hiver austral, tendent à s’allonger, avec un impact direct sur les ressources en eau et l’agriculture.
n Vents cycloniques : Bien qu’éloignée du littoral, Vacoas a enregistré des rafales dépassant 200 km/h lors de cyclones intenses comme Carol(1960), Gervaise(1975) ou Hollanda(1994). Ces événements s’accompagnent de chutes brutales de pression atmosphérique, parfois inférieures à 950 hPa.
n Températures extrêmes:Les températures maximales dépassent désormais régulièrement les 30°C à Vacoas, tandis que les nuits froides avec des minimales sous les 10°C deviennent plus rares. Cette évolution reflète une tendance nette au réchauffement du plateau central.
n Évolution du climat : Les séries longues montrent une hausse progressive des températures moyennes de près de 1°C sur plusieurs décennies, une pluviométrie plus irrégulière et des phénomènes extrêmes plus marqués, confirmant le rôle central de Vacoas dans la compréhension du changement climatique à Maurice.

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