· Chronique d’une panique politique face aux Missie Moustass Leaks
Le 31 octobre 2024 et le 1er novembre 2025 resteront comme desces jours où l’Histoire s’écrit dans la confusion d’un pouvoir aux abois. En l’espace de quelques heures, l’île Maurice s’est retrouvée déconnectée de son principal espace de parole: Facebook, la plateforme la plus utilisée du pays, a cessé de fonctionner sans préavis. Le gouvernement MSM d’alors, acculé par ses propres démons, a choisi la coupure plutôt que la vérité. En quelques heures, Facebook et plusieurs plateformes sociales ont été bloqués à Maurice, plongeant le pays dans un silence numérique inédit. L’objectif non-avoué: stopper la diffusion du prochain épisode des « Missie Moustass Leaks », une série d’enregistrements explosifs révélant manœuvres politiques, trafics d’influence et compromissions d’État.
La journée où tout bascule
Ce jeudi 31 octobre débute dans un climat d’extrême fébrilité pour les acteurs du gouvernement et le couple préministériel. En effet, depuis plusieurs semaines, les Missie Moustass Leaks — du nom de leur mystérieux auteur, “Mr Moustache” — s’enchaînent à un rythme effréné. Ces enregistrements mettent en cause des personnalités proches du Premier ministre et son épouse, des ministres, des chefs d’institutions et des hauts gradés de la police. Chaque épisode semble plus compromettant que le précédent, et un ultime leak, annoncé incessamment, promettait de nommer les donneurs d’ordre et désigner l’exécutant du meurtre de Soopramanien Kistnen, ce militant politique agent MSM du PM Pravind Jugnauth, retrouvé mort en 2020.
Tout commence ce jour-là, dans la salle de crise du bâtiment de la Gouvernement House. Les fuites s’accélèrent, les extraits audio s’enchaînent sur les réseaux et un dernier enregistrement, annoncé comme « la révélation ultime », est promis pour la soirée, en tout cas incessament . Dans l’atmosphère électrique de la campagne, ce dernier épisode menace de faire imploser la communication officielle et d’achever un pouvoir exécutif déjà discrédité.
Autour de la table : un ou des ministres, plusieurs hauts cadres du PMO, le chef de la police et le président de l’Information and Communication Technologies Authority (ICTA). Après deux heures de discussion, l’ordre tombe tard dans la soirée du 31 Octobre 2024 : “Neutraliser la diffusion à la source et bloquer la propagation éventuelle avant que la vidéo ne sorte.” À dix-neuf heures, un courrier électronique confidentiel quitte les bureaux de l’ICTA, adressé aux principaux fournisseurs d’accès internet (MyT, Emtel, MTML) : « Restriction immédiate d’accès aux plateformes Facebook et Instagram, en raison d’un risque de déstabilisation nationale. »
La coupure fatidique
Dans la soirée les premiers signaux apparaissent : lenteurs, erreurs de connexion, puis silence complet. Facebook, Instagram, Messenger, WhatsApp — tout s’éteint progressivement. Les utilisateurs croient d’abord à une panne, avant que la rumeur ne se répande le lendemain matin : le gouvernement a coupé le réseau social.
En moins d’une heure, la toile s’enflamme. Les radios privées improvisent des débats, les journalistes tentent de comprendre. Des captures d’écran des Leaks circulent néanmoins par Telegram et Signal. A Port-Louis, plus tard, plusieurs groupes manifestent devant la Place d’Armes avec des pancartes “#WeWantTruth”, “Diktatir nu pa le” et les mots “#FreeFacebook” et “#MissieMoustass” deviennent viraux… sur les plateformes encore accessibles via VPN.
Ce que le pouvoir voulait éviter s’amplifie. Les Leaks circulent désormais sur des canaux alternatifs, hébergés à l’étranger. Des versions audio tronquées apparaissent sur Telegram et YouTube. L’effet d’interdiction devient viral : plus le gouvernement tente de censurer, plus les internautes cherchent à savoir.
La décision choque jusque dans les milieux économiques : publicitaires, PME et commerces en ligne perdent leurs vitrines numériques. Les rédactions, elles, ne peuvent plus relayer leurs contenus ou vérifier les rumeurs. C’est le blackout informationnel.
La panique politique
La cellule de crise, se réunit à nouveau à mi-journée. Elle a compris et constate que la situation luiéchappe. La coupure, censée calmer la tempête, l’a transformée en cyclone politique. Les chaînes étrangères s’en emparent ; les titres internationaux parlent d’“autoritarisme numérique”.
Des ambassadeurs appellent le ministère des Affaires étrangères pour exprimer leurs préoccupations. Le secteur privé, déjà fragilisé, chiffre les pertes potentielles de cette décision de blocage de facebook à plusieurs dizaines de millions de roupies.
Ce que le pouvoir voulait éviter s’amplifie. Les Leaks circulent désormais sur des canaux alternatifs, hébergés à l’étranger. L’effet d’interdiction devient viral : plus le gouvernement tente de censurer, plus les internautes cherchent à savoir.
Les plus lucides au sein du gouvernement comprennent que la décision est intenable. Mais comment reculer sans reconnaître la faute de la décision du gouvernement? Un compromis se prépare: blâmer une “confusion technique” entre le régulateur et les opérateurs, tout en préparant un retour en ligne “sous supervision”. Alors que le GM tente de vendre cette version à mi-journée aux directeurs de presse, l’ICTA émet un communiqué confirmant avoir reçu des instructions de sources très proche du sommet du pouvoir pour agir. Et que l’autorité des télécommunications n’a fait qu’obéir aux ordres. Entretemps les réseaux sociaux ont commencé à être réactivés avec des délais de mise en marche disparate selon les prestataires de service.
Le retour précipité
Le lendemain vendredi 1er novembre le Premier ministre convoque la presse. D’un ton solennel, il déclare que le blocage n’était « ni une censure ni une sanction », mais une “mesure temporaire pour préserver l’ordre public face à des manipulations massives sur les réseaux sociaux.” Puisque même le téléphone professionnel du bureau du PM lui-même a été écouté et piraté depuis plusieurs jours. Ce qui est une atteinte à la sécurité de l’État. Même les services de sécurité nationale avec des étrangers à la tête n’ont pu se prémunir contre des écoutes sur le téléphone du PM !
À treize heures, les fournisseurs d’accès reçoivent un nouvel ordre : lever les restrictions. En moins d’une demi-heure, Facebook revient à la vie. Les utilisateurs y retrouvent un océan de publications indignées : “On a voulu nous faire taire.”
Mais l’opération a échoué sur tous les plans : politique, juridique et symbolique. En voulant contrôler le récit, le gouvernement a confirmé ce que les Leaks dénonçaient depuis des semaines — un pouvoir obsédé par le contrôle et prêt à franchir les limites de la démocratie…
L’après-coup
Le soir même, les Missie Moustass Leaks reprennent leur diffusion via des plateformes secondaires et des sites hébergés à l’étranger. Mais le dernier épisode, celui qui devait “tout révéler”, n’a jamais été diffusé jusqu’ici. Les pions du roi et ceux de la reines sont restés debout.
Quelques secondes d’un teaser audio, publiées le 27 octobre, annonçaient pourtant : « Ceux qui ont donné l’ordre, et celui qui a exécuté. » Puis, plus rien. Cette épisode a permis pour l’heure d’avoir gardé au secret ce que des proches du GM/MSM ne souhaitent pas que la population sache: Qui a tué l’agent politique du MSM Kistnen et sur les instructions de qui?
D’autant que, dans les heures et jours qui suivent, la riposte policière s’abat : Sherry Singh, ancien CEO de Mauritius Telecom et ex-proche du Premier ministre— dont l’épisode des écoutes à Rivière des Galets par les autorités indiennes a sonnée le glas— est arrêté avec d’autres suspects, tous accusés d’être derrière la machinerie des Missie Moustass Leaks.
Leur interpellation, menée avec fracas, divise le pays. Pour certains, elle symbolise la lutte contre la manipulation ; pour d’autres, c’est la preuve d’un règlement de comptes politique, un moyen d’éteindre les voix dérangeantes avant les élections. Le compte d’origine du lanceur d’alerte disparaît, ses miroirs se taisent. Certains parlent de pression directe exercée sur les diffuseurs, d’autres d’un accord secret avec les fuiteurs pour éviter une déflagration institutionnelle avant même le scrutin.Le mystère reste entier, mais l’effet demeure : dans l’imaginaire collectif, le blocage de Facebook est devenu le symbole ultime d’un régime à bout de souffle, paniqué à l’idée que la vérité puisse sortir.
Un précédent lourd de sens
L’épisode a marqué un tournant dans la relation entre pouvoir et liberté numérique. Juridiquement, il a révélé les failles d’un encadrement légal flou : la Constitution protège la liberté d’expression, mais aucune procédure claire ne prévoit la suspension de réseaux sociaux. Politiquement, il a exposé un gouvernement coupé du pays réel, croyant encore pouvoir endiguer l’opinion à coups de câbles et de pare-feu.
Historiquement, il restera comme l’un des derniers gestes d’autorité d’un pouvoir en chute libre — un geste désespéré, celui d’individus en perte de contrôle qui tentent d’arrêter le vent avec les mains.
Chronologie des Missie Moustass Leaks
8 septembre 2025 : Premier leak audio. Un haut gradé évoque avec un conseiller politique la manipulation d’une enquête sensible
10–20 septembre : Série de fichiers dévoilant des interférences dans la GRA, la FCC et la FIU
25 septembre : Publication de documents financiers révélant des transferts offshore liés à des appels d’offres publics
Début octobre : Mise au jour d’un système parallèle d’écoutes illégales visant journalistes et opposants
20 octobre : Fuites internes sur la stratégie médiatique du gouvernement pour “contrôler la narration”
27 octobre : Publication d’un teaser de 18 secondes annonçant une vidéo censée nommer “ceux qui ont ordonné et exécuté le meurtre de Kistnen”
31 octobre : Blocage de Facebook décidé par l’ICTA sur instruction gouvernementale pour “préserver l’ordre public”
1ᵉʳ novembre : Rétablissement du réseau après tollé national et international
10 novembre : L’Alliance Lepep, au pouvoir depuis dix ans, subit une défaite historique : zéro élu sur soixante circonscriptions.
Le 31 octobre 2024 dans la nuit : Le jour où Facebook s’est éteint à Maurice…
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