Le jury du prix Femina, remis à la veille des prix Goncourt et Renaudot et deux jours avant le Médicis, trois autres récompenses littéraires françaises majeures, est entièrement féminin.
Nathacha Appanah, également en lice pour le Goncourt, a été choisie au second tour du vote devant les quatre autres romans figurant dans la dernière sélection: « La Maison vide » (Minuit) de Laurent Mauvignier, « Au grand jamais » (Gallimard) de Jakuta Alikavazovic, « Un mal irréparable » (Mialet-Barrault) de Lionel Duroy et « Le monde est fatigué » (Finitude) de Joseph Incardona.
« Je suis tellement heureuse d’avoir un prix d’automne. C’est mon 12e livre et mon premier grand prix », a-t-elle réagi, interrogée par l’AFP.
« C’est un livre qui m’a pris longtemps. C’est un livre de compréhension de la noirceur et de la dynamique de la violence », a ajouté la romancière.
L’autrice entremêle le destin tragique de trois femmes pour décrire les rouages de l’emprise de la part d’hommes jaloux, brutaux et manipulateurs.
– « Ces femmes qui courent » –
« De ces nuits et de ces vies, de ces femmes qui courent, de ces cœurs qui luttent, de ces instants qui sont si accablants qu’ils ne rentrent pas dans la mesure du temps, il a fallu faire quelque chose. Les écrire, les regarder en face », explique-t-elle dans le livre.
L’une de ces femmes est Chahinez Daoud, une mère de trois jeunes enfants brûlée vive par son mari qu’elle avait quitté, à Mérignac, près de Bordeaux (sud-ouest), en 2021.
Cette affaire avait fait grand bruit en France, où une femme meurt tous les trois jours de la violence d’un conjoint ou ex, et relancé le débat sur la prise en charge par la police et la justice des femmes victimes de violence conjugale.
La deuxième est Emma, une cousine de l’autrice, également mère de trois enfants, écrasée par son mari en 2000 à l’Ile Maurice.
La troisième est l’autrice elle-même, qui a fui, pieds nus, le compagnon violent et paranoïaque avec lequel elle vivait, jusqu’à 25 ans, à l’île Maurice.
La « mécanique de l’emprise physique et morale » mise en place par cet homme, qui « l’insulte, l’agresse, l’isole de ses amis, la surveille, contrôle ses sorties et la manière dont elle s’habille, parle à sa place, sait l’amadouer, lui fait du chantage, lui fait croire qu’elle n’a pas d’autre choix que de rester avec lui… », décrit-elle.
Nathacha Appanah raconte parallèlement le livre en train de se faire, son enquête, ses rencontres avec les proches des victimes et ses états d’âme.
« Parfois je perds la foi en ce travail », dit-elle, en évoquant « une sorte d’obscurité, de silence et d’impuissance de la littérature ».
En 2024, le prix Femina avait été remis à l’écrivain franco-vénézuélien Miguel Bonnefoy, pour « Le Rêve du jaguar ».
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