Les nominés politiques plombent les compagnies d’état : L’épilogue d’un combat long de cinq ans du pilote Torabally

Air Mauritius condamné à lui payer Rs 150M d’indemnités

C’est l’épilogue d’un combat long de cinq ans qu’a mené, contre vent et marées, le pilote Sheik Oumed Ali Torabally, plus connu sous le nom de Salim, contre Air Mauritius, son ancien employeur, qu’il estimait l’avoir injustement licencié. Cinq ans à faire des allers-retours en Cour industrielle avec tous les inconvénients et aléas que cela comporte — le pilote ayant entre-temps pris de l’emploi à l’étranger. Jeudi, le verdict est tombé en Cour industrielle : Air Mauritius est condamné à lui verser des indemnités de l’ordre de Rs 149, 435, 658 pour licenciement injustifié.

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Les faits de cette affaire remontent au 26 juillet 2018. En cet après-midi-là, aux alentours de 17h, au Paille-en-Queue Building à Port-Louis, siège social d’Air Mauritius, Somas Appavou, alors Chief Executive Officer (CEO) de la compagnie nationale d’aviation, informe le commandant Torabally, qui s’est joint à MK en août 1981, que son contrat de travail avec la compagnie est terminé avec effet immédiat. Quarante minutes plus tard le même jour, soit à 17h40, Salim Torabally devait recevoir un courriel de la direction d’Air Mauritius l’informant que son contrat en tant qu’Executive Vice-President (EVP) Flight Operations a aussi été résilié avec effet à partir du 31 juillet 2018. Au moment de son licenciement, Salim Torabally touchait un salaire mensuel de 8 276 euros en tant que pilote, Rs 135 000 comme EVP Flight Operations, qui incluait une somme de Rs 55 000 pour training oversight as post holder et une allocation mensuelle de Rs 75 000 en tant que post holder parmi d’autres avantages, dont une retention allowance, une common contract allowance, une loss of licence insurance allowance et des impôts payés par la compagnie d’aviation nationale.

Se sentant lésé dans ses droits et convaincu qu’il a été licencié injustement, Salim Torabally, qui comptait 37 ans de service au moment de sa mise à la porte, devait loger une plainte au civil contre Air Mauritius en Cour industrielle le 4 septembre 2018 réclamant de son ancien employeur des indemnités de licenciement de l’ordre de Rs 192 226 872. Débute alors son long combat juridique.

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Dans sa défense, Air Mauritius avait soutenu qu’il n’avait pas terminé le contrat du plaignant, mais seulement celui en tant qu’EVP Flight Operations parce que ce dernier « was unable to meet the performance standards » qui étaient attendus de lui en tant que tel. Air Mauritius reprochait à Salim Torabally (i) de n’avoir pas pris en considération la sécurité, l’efficacité et la croissance économique de la compagnie quand il a pris la décision de maintenir tous les avions d’Air Mauritius au sol à l’approche du cyclone Carlos au début de 2017 ; et (ii) d’avoir manqué à ses devoirs en tant qu’EVP Flight Operations quand il a failli de faire le suivi des compétences du personnel navigant.
Dans sa plainte, Salim Toorabally a déclaré qu’il n’a jamais été informé d’un quelconque manquement de sa part par la compagnie d’aviation nationale. Il a même nié avoir manqué à ses fonctions.

Chimerical offer as colourable device
Dans son jugement, la magistrate Darshana Gayan a trouvé qu’il n’y a aucun document versé dans le dossier qui démontre que Salim Torabally a été effectivement informé des manquements allégués. Elle a aussi trouvé qu’Air Mauritius n’a à aucun moment précisé quand et de quelle manière le pilote n’a pas répondu aux normes de performances qui étaient attendus de lui en tant qu’EVP Flight Operations.

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À la page 13 de son jugement, Mme Gayan observe, par rapport aux décisions prises par Salim Torablly, que : « Had the Defendant Company been of the view that such failure was serious enough as to put in doubt the Plaintiff’s ability to perform his duties as EVP Flight Operations to the required standard, it was incumbent on the Defendant Company to raise same with the Plaintiff in a timely manner and at any rate, not about 18 months later. »
Après avoir pris en considération les autres faits de cette affaire et écouté les plaidoiries des avocats des deux parties, la magistrate Gayan est arrivée à la conclusion qu’il y a bien eu rupture du contrat de travail de Salim Torabally par Air Mauritius quand la compagnie a mis fin à sa nomination en tant qu’EVP Flight Operations. Elle observe que le pilote n’a eu aucune opportunité de réfuter les accusations portées contre lui comme l’exigeait l’article 38 (3) de l’ancienne Employment Rights Act, qui était alors applicable au moment des faits.

Finalement, la magistrate Gayan observe que si Salim Torabally avait effectivement manqué à ses obligations en tant que’EVP Flight Operations comme le prétend Air Mauritius, il n’y aurait eu aucune raison pour qu’il soit désigné à la direction d’autres projets au sein de la compagnie. Or, quinze jours après son licenciement, il a été approché par l’ancien CEO de la compagnie pour occuper le poste de Managing Director de la future Air Mauritius Institute que ce dernier voulait mettre sur pied, avec comme objectif principal de former des pilotes. Tout cela conduit la magistrate à penser qu’ « Air Mauritius maliciously used a chimerical offer of comparable employment as a colourable device to trap the Plaintiff with a view to defeating his claim of constructive dismissal. »
Elle a ainsi ordonné à la compagnie d’aviation nationale de payer des indemnités de licenciement de l’ordre de Rs 149 435 658 à Salim Torablly qui, depuis, a pris de l’emploi en Arabie Saoudite, avec un taux d’intérêt de 3% annuellement entre la date du jugement et le paiement de la totalité de la somme due. Salim Torabally avait retenu les services de Mes Rishi Pursem, SC, et Meghna Jeetah, de Clarel Benoît Chambers, et Me Feroza Maudarbocus-Moolna, SA.De retour sur le “bench” pour quelques jours

Alors qu’il ne savait plus à quel saint se vouer quand la magistrate Darshana Gayan a été transférée de la magistrature au bureau des Directeurs des Poursuites publiques (DPP), alors même qu’elle n’avait pas encore rendu son jugement, craignant que l’affaire soit reprise depuis le début devant un autre bench alors qu’elle avait été plaidée et les submissions on record — ce qui avait même fait l’objet d’un article de Week-End dans son édition du 23 juillet dernier —, Salim Torabally ne pouvait être plus soulagé quand il a appris, à travers ses hommes de loi, que justice sera finalement rendue dans son cas.

En effet, sur ordre du Master & Registrar, les anciens magistrats qui ont été récemment mutés de la magistrature au Parquet ou au bureau du DPP ont été exceptionnellement autorisés à retrouver le bench la semaine dernière le temps de clear toutes les affaires qui étaient en suspens, surtout celles qui ont déjà entendues et awaiting judgment. C’est le cas de la magistrate Darshana Gayan, qui avait écouté l’affaire Torabally en sa capacité d’Acting Magistrate de la Cour industrielle et qui, aujourd’hui, occupe les fonctions d’Acting Senior Assistant Director of Public Prosecutions au bureau du DPP.

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