« Plus de 37 kilomètres du littoral mauricien sont désormais affectés par l’érosion côtière, représentant une menace sérieuse à la fois pour l’environnement naturel et le secteur du tourisme ». Sunil Dowarkasing, consultant en environnement, alerte sur l’état actuel de l’érosion côtière à Maurice, soulignant qu’il s’agit là d’un des défis environnementaux les plus pressants qui nous guettent. En effet, au cours des cinq dernières années, certaines plages ont perdu jusqu’à 75 % de leur largeur d’origine. « Le dernier chiffre dont nous disposons remonte à 2015 (PNUD) et indique que 21 plages, représentant 23 % de toutes les plages de Maurice, ont été confirmées comme étant en érosion active », fait-il ressortir.
Pour Sunil Dowarkasing, qui analyse l’évolution de l’érosion des côtes, les engagements de même sont en déclin. Il indique que c’est un défi permanent depuis les années 1960. « L’érosion côtière n’est pas un phénomène nouveau. Depuis les années 1960, elle est une préoccupation croissante pour notre île. Cependant, le problème est devenu considérablement plus prononcé à partir des années 1990. Cette escalade est étroitement liée à la transformation économique du pays, marquée par un développement touristique rapide et une utilisation accrue des terres côtières. Aujourd’hui, l’érosion côtière reste l’un des défis environnementaux les plus pressants auxquels nous sommes confrontés », dit-il.
Se basant sur les diverses initiatives en cours pour aborder le problème, il relève entre autres les initiatives menées par l’Agence Française de Développement (AFD) et la récente publication de l’étude du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières). De plus, note-t-il encore, un projet collaboratif dirigé par le ministère de l’Agro-industrie, de la Sécurité alimentaire, de l’Économie bleue et de la Pêche, en partenariat avec la FAO et le Global Environment Facility (GEF), vise à intégrer des solutions basées sur la nature dans les systèmes d’utilisation des terres.
« Bien que ces initiatives reflètent une prise de conscience croissante de la nécessité de stratégies côtières durables et adaptatives, elles demeurent en grande partie rhétoriques, ajoutant à une liste déjà longue de rapports, d’initiatives et d’efforts fragmentés qui n’ont pas réussi à fournir des solutions durables », concède Sunil Dowarkasing. L’ancien Global Strategist auprès de Greenpeace souligne que l’essentiel, maintenant, dépasse la documentation : « nous avons besoin d’une approche holistique et stratégique, guidée par un cadre cohérent et des actions coordonnées, bien surveillées, plutôt que des initiatives dispersées. »
Le consultant lance ainsi un appel à l’action. Il explique que l’érosion côtière est un phénomène mondial, touchant près de 70 % des littoraux sablonneux du monde. « Elle est entraînée par une combinaison de processus naturels et d’activités humaines. Les forces naturelles telles que les vagues, les marées et les courants océaniques sont des contributeurs fondamentaux au changement des côtes. Cependant, les facteurs induits par l’homme – notamment les émissions de carbone conduisant au réchauffement climatique et à l’élévation du niveau de la mer – ont considérablement intensifié le problème.
Un autre contributeur majeur est le développement côtier non planifié ou mal géré, qui perturbe les dynamiques naturelles des environnements côtiers et accélère souvent l’érosion. Les infrastructures construites trop près du littoral, l’élimination de la végétation naturelle et la modification des systèmes de transport sédimentaire aggravent tous cette problématique. Notre littoral est déjà marqué par nombre de défis tels », met-il en relief. Et ce, avant d’ajouter que plus de 37 kilomètres du littoral mauricien sont désormais affectés par l’érosion côtière, ce qui représente une menace sérieuse à la fois pour l’environnement naturel et le secteur du tourisme de l’île, dit-il.
Recul de près de 1 mètre par an
Selon les enregistrements de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), fait ressortir encore Sunil Dowarkasing, « certains segments côtiers reculent de près d’un mètre par an, particulièrement dans les zones où des structures mal planifiées ou non autorisées ont perturbé les dynamiques côtières naturelles. Dans certains endroits, le problème a pris une ampleur dramatique. Au cours des cinq dernières années, certaines plages ont perdu jusqu’à 75 % de leur largeur d’origine. Cette érosion est aggravée par une élévation rapide du niveau de la mer, Maurice enregistrant une augmentation de 6,8 mm par an entre 2009 et 2018 – presque le double de la moyenne mondiale de 3,6 mm par an. »
Les dernières données remontent à 2015 (PNUD) et indiquent que 21 plages représentant 23 % de toutes les plages de Maurice ont été confirmées comme étant en érosion active. Il déplore que la plupart des efforts de réhabilitation ont accordé une attention insuffisante aux forces naturelles qui façonnent fondamentalement nos côtes, en particulier l’influence des vagues, des marées et des courants. « Trop souvent, les causes naturelles de l’érosion côtière ont été négligées ou sous-estimées dans la planification et la mise en œuvre des projets. Ce décalage entre les réalités environnementales et les stratégies d’intervention continue de compromettre le succès de nos efforts de protection des côtes », ajoute-t-il.
Aborder l’érosion côtière de manière efficace, d’après lui, nécessite une compréhension approfondie à la fois des systèmes naturels en jeu et des activités humaines qui les influencent. « Sans cela, nous risquons de répéter les erreurs du passé et d’investir dans des solutions qui ne parviennent pas à protéger nos côtes de manière durable. Les solutions restent souvent sur papier, tandis que le littoral continue de reculer. Ce schéma récurrent met en évidence un écart persistant et préoccupant entre la recherche et l’action tangible sur le terrain. Ce n’est pas un manque de connaissances qui nous freine, mais plutôt un échec à traduire les idées en actions », s’indigne-t-il.
Agir
Mais, Sunil Dowarkasing tire la sonnette d’alarme : « Le temps d’agir est maintenant avant qu’une plus grande partie de notre littoral ne soit perdue. Nous avons atteint un stade où les conférences, ateliers et études ne suffisent plus », s’appesantit-il, estimant qu’il s’agit d’une crise coûteuse et non résolue.
« Au cours des deux dernières décennies, Maurice a mobilisé des ressources financières substantielles pour lutter contre l’érosion côtière. De nombreuses études ont été réalisées, des rapports détaillés publiés, et divers mécanismes de financement activés. Cependant, les résultats ont été fragmentés. Malgré de bonnes intentions, de nombreuses interventions ont manqué de coordination efficace, de suivi robuste et d’une vision stratégique à long terme, qui sont toutes essentielles pour une protection côtière durable. Par conséquent, les progrès tangibles ont été minimaux, et les communautés côtières restent vulnérables. L’efficacité de ces initiatives est de plus remise en question par les observations du Bureau de l’audit, qui a mis en évidence des lacunes majeures dans la mise en œuvre des projets. Bien que des fonds substantiels aient été alloués, les efforts ont été sapés par une mauvaise planification, une coordination limitée et un manque de surveillance. Ces déficiences ont entraîné des défis importants, des retards, des inefficacités et des occasions manquées de renforcer la résilience côtière. Ces faiblesses systémiques ont entraîné des dépassements de coûts et des inefficacités dans la gestion de la crise de l’érosion. » En conclusion, il interroge ainsi pourquoi, en fin de compte, après tant d’années et tant d’investissements, le taux de succès a-t-il été si faible.