MAHA SHIVARATREE: Entre ferveur et piété

La grosse foule est attendue au Ganga Talao ce week-end dans le cadre du pèlerinage annuel de la Maha Shivaratree. La fête sera célébrée au niveau national cet après-midi à 18 heures avec comme invité d’honneur le Premier ministre Navin Ramgoolam. Les pèlerins du nord du pays, notamment de Plaine-des-Roches, Camp-Ytier, Barlow, de Lallmatie et de Rivière-du-Rempart, qui ont convergé vers le Ganga Talao mercredi et qui sont arrivés à Grand-Bassin hier après-midi, sont déjà de retour.
La circulation était fluide hier de La Marie à Pétrin car ce sont seulement les pèlerins du Nord portant des kanwars qui ont été aperçus sur cette route. Des policiers chargés de régler la circulation et assurer la sécurité des pèlerins assuraient la coordination entre les nombreux points de ravitaillement et Grand-Bassin où se trouve le quartier général pour la Maha Shivaratree.
Tout au long de leur longue marche vers Grand-Bassin, les dévots ont entonné des chants pieux tels que Bam Bam Mahadev et le maha mantra, Om Namah Shivaya pour solliciter la bénédiction de Shiva.
Selon Somduth Dulthumun, président de la Mauritius Sanatan Dharma Temples Federation, 50 000 personnes se sont rendues à Grand-Bassin jusqu’à hier après-midi et environ 500 000 personnes sont attendues cette années au Ganga Talao pour y recueillir de l’eau sacrée. Les Mauriciens de toutes les couches sociales se donnent la main pour constituer une chaîne de solidarité visant à accueillir les pèlerins dans les différents points de l’île en offrant du thé, du jus et des douceurs.
Le pèlerinage vers Grand-Bassin pour accomplir les rites de l’eau remonte à 1897, quand Jhummun Gossagne, prêtre officiant au temple de Bois Pignolet et les membres de la famille Adnath de Triolet sont allés chanter les louanges du dieu Shiva au Pari Talao, qui deviendra plus tard le Ganga Talao après le mélange de son eau avec celle du Gange.
Les kanwars étaient nombreux hier en direction du Ganga Talao. Ils sont de plus en plus grands et multicolores, arborant les couleurs de Shiva. Malgré l’appel lancé par les autorités, plusieurs kanwars étaient montés sur roues. Leur grande taille occasionne des embouteillages monstres sur les routes mais rien ne peut entamer la foi ardente des dévots. L’eau ramenée de Grand-Bassin sera déversée lundi sur le shivling (symbole de Shiva).
Il n’y avait pas de grosse affluence à Grand-Bassin hier après-midi. Les salles vertes visant à accueillir les pèlerins étaient en voie d’aménagement. Seuls Voice of Hindu et une organisation de l’Espérance-Trébuchet offraient de la nourriture aux pèlerins. Les travaux pour l’aménagement des nouvelles toilettes n’ont pas été complétés près du Medical Post et il n’y avait qu’une poignée de sauveteurs de la National Coast Guard pour surveiller le lac sacré. L’eau ayant considérablement baissé dans le lac, pour empêcher que des gens s’y aventurent, des pompes ont été installées pour canaliser l’eau du lac vers les robinets placés aux abords des structures de prière. Des barrières de sécurité et des bouées ont également été aménagées autour du lac pour sécuriser les dévots qui font des prières à la déesse Ganga.
Serge, un touriste français qui visite les lieux pour la première fois, a été frappé par le calme et la sérénité de ce haut lieu de culte. « On se sent bien ici », nous a-t-il déclaré.
Rajendra Arun, président du Ramayana Centre, a déclaré au Mauricien que la fête Maha Shivaratree correspond au soir du mariage de Shiva et de Parvati. Shiva représente le symbole de la fidélité et des valeurs morales aux côtés de son épouse Parvati et de ses deux fils. « He has given half of his body to his wife et cette relation est basée sur le respect et la confiance mutuelle. » Rajendra Arun confie également que les gens ont peur de la mort mais selon la philosophie hindoue, « death is not a fear, it is a renewal of life when body becomes old ».
L’acharya Pandey, prêtre officiant de Hindi Maha Sabha, affirme que Shiva est le protecteur et exauce les voeux de ses dévots. « Ceux qui font les sacrifices récoltent les fruits de leur persévérance. »
Les prières ont débuté dimanche, quand la MSDTF a organisé un Rudra Maha Pooja en dépit du mauvais temps. En raison de la sécheresse, un vristy yaj a été organisé – les dévots ont versé du lait sur un shivling en mercure. Alors que les autres shivlings sont fixés, celui en mercure a fait l’objet d’adoration mercredi pour le Mangal Mahadev Pooja auprès de la statue de Shiva haute de 108 pieds. Au cours de cette cérémonie, des pétales de fleurs ont été lancés depuis un hélicoptère. Une statue haute de 108 pieds de la déesse Durga viendra bientôt s’ajouter aux édifices religieux à Grand-Bassin.
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Mgr Piat : « Nous sommes tous les enfants d’un même Père »
Dans son message qu’il adresse aux compatriotes de foi hindoue en marge de la fête Maha Shivaratree, l’évêque de Port-Louis Mgr Maurice Piat leur rappelle que les Catholiques entreront également en carême dans quelques jours tout comme ils l’ont été pour se préparer à cette fête. La quête spirituelle, commune à toutes les religions pour accueillir Dieu, fait dire à l’évêque que « nous sommes tous les enfants d’un même Père ».
« C’est par le jeûne, la prière et les sacrifices que vous vous êtes préparés à vivre cette fête », écrit l’évêque de Port-Louis. Ce qui rappelle, poursuit-il, que « c’est dans une quête spirituelle et dans la recherche de la vérité que nous pouvons nous préparer à accueillir Dieu, Lui qui seul peut combler notre soif de bonheur ». Mgr Maurice Piat souligne dans son message aux pèlerins de Maha Shivaratree que « nous avons tous été créés par Dieu à son image. Nous sommes tous les enfants d’un même Père et nous sommes tous attendus par Lui dans sa maison, là où nous sommes destinés à vivre ensemble pour l’éternité ». Forts de cette foi, il les exhorte : « Accueillons-nous les uns les autres comme des frères et des soeurs et travaillons ensemble pour un monde solidaire, juste et fraternel. » Et de conclure, tout en leur souhaitant une bonne fête : « Puissions-nous ensemble nous engager à travailler à construire une île Maurice fraternelle. »
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Dulthumun : « On ne peut  dissocier politique et religion »
Dans une déclaration au Mauricien hier après-midi à Grand-Bassin où il supervisait les derniers préparatifs en vue des célébrations officielles de ce soir, dont l’invité d’honneur sera le Premier ministre Navin Ramgoolam, Somduth Dulthumun, président de la MSDTF, a affirmé qu’on ne peut dissocier la politique de la religion car les deux sont complémentaires.
Dans l’hindouisme, il est permis de pratiquer la religion et la politique. Les politiciens doivent prendre la parole lors des cérémonies religieuses, soutient notre interlocuteur.
La politique et la religion, dit-il, ont les mêmes objectifs : le bien-être de la nation. Il a cité l’exemple du dieu Ram qui était le roi d’Ayodhya et de facto « li ti pé faire politique ». Le dieu Krishna, pour sa part, avait conseillé Arjuna sur la stratégie de la guerre.
Toutes les religions vont dans les mêmes directions, soutient notre interlocuteur. « Ce sont les politiciens qui prennent les décisions pour octroyer des congés publics pour l’organisation des fêtes religieuses », souligne-t-il.
Concernant les subsides accordés aux organisations socioculturelles, Somduth Dulthumun estime que l’aide partielle de Rs 100 millions du gouvernement sert à la promotion des valeurs morales pour assurer l’harmonie sociale. Ce sont des peanuts comparé aux dépenses des autres pays pour l’achat des armes, affirme-t-il.
Somduth Dulthumun insiste sur la nécessité de fabriquer de petits kanwars pour ne pas provoquer des obstructions dans la circulation routière, surtout pour les malades et les services d’urgences. Il demande aussi aux dévots de ne pas laisser les offrandes sur place et de les partager entres voisins et amis.
Cet appel ne semble cependant pas avoir été entendu car on a constaté hier que des conteneurs en plastique, qui seront achéminés vers Mare-Chicose, étaient remplis de noix de coco laissées sur place par les dévots.

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