Majoration des prix des médicaments : Pilule amère pour les importateurs et distributeurs de produits pharmaceutiques

Les juges Véronique Kwok Yin Siong Yen et Denis Mootoo, dans un jugement rendu hier, ont rejeté la demande de Leave to apply for Judicial Review de trois sociétés engagées dans l’importation et la distribution de produits pharmaceutiques, soutenus dans leur démarche par la Pharmaceutical Association of Mauritius. Ces dernières contestaient le plafond des Mark-Ups imposé par le ministère du Commerce en 2023 aux pharmaciens sur les prix des médicaments.

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En 2023, le ministère du Commerce, se prévalant de ses prérogatives sous l’article 35 de la Consumer Protection Act 1998, avait émis des Regulations par rapport au Maximum Mark-Up que les importateurs de produits pharmaceutiques pouvaient imposer sur le prix d’un médicament. Il faut savoir que le Mark-Up (ou majoration) est le pourcentage du prix à l’importation qu’un importateur, grossiste ou détaillant impose sur un produit quelconque, ce qui lui permet de réaliser un profit. Cette décision avait été saluée par les associations de consommateurs, tandis que les pharmaciens avaient fait grise mine.
Ainsi, selon le barème imposé par le ministère, le Maximum Mark-Up qu’un importateur de produits pharmaceutiques pouvait imposer pour un médicament dont le prix est en dessous de Rs 500 à l’importation est de 35%, tandis que pour un médicament dont le prix est au-delà de Rs 15 000, l’importateur ne pouvait imposer de Mark-Up au-delà de 26%.
Trois importateurs et distributeurs de médicaments, soit Pharmacie Dook’s Ltd, Saint-Pierre Pharmacy Ltd et Pyramid Pharmaceutical Ltd, ainsi que la Pharmaceutical Association of Mauritius avait sollicité l’autorisation de la Cour suprême pour contester ces Regulations par voie de Judicial Review. Le ministère de Commerce s’était opposé à cette démarche.
Pour les demandeurs, ces Regulations sont illégales, Ultra Vires et irrationnelles. Car si l’article 35 de la Consumer Protection Act donne le pouvoir au ministre de fixer le prix de certains produits, c’était un autre article de cette même loi, notamment l’article 4, qui donnait le pouvoir au ministre de fixer le Mark-Up des produits. Pour les demandeurs, le ministère aurait dû promulguer ces Regulations sous l’article 4, et non l’article 35. Un argument qui n’a pas fait long feu, car selon les juges, la Consumer Protection Act conférait une large discrétion au ministre de fixer le prix d’un produit, quel que soit l’article. Et fixer le prix d’un produit implique aussi de calculer et de fixer son Mark-Up.
Les importateurs avaient aussi fait état que ces Regulations étaient déraisonnables, et même en violation de la Constitution. Selon eux, il y aurait perte financière sans compensation, ce qui serait à l’encontre de la Constitution, qui prohibe toute “deprivation of property without the due process of law”.
Les juges ont toutefois souligné qu’il s’agissait de législations subsidiaires (c’est-à-dire de règlements émis par un ministre ou une autorité étatique, selon les pouvoirs conférés sur eux par un Act of Parliament), et relève donc de Matters of Policy. Or, pour n’importe quel point soulevé par les demandeurs, la Cour suprême ne va pas annuler une législation subsidiaire, sauf s’il y a bad faith, improper motive or manifest absurdity. Et dans le cas présent, les demandeurs n’ont pas mis en avant qu’il y a eu “bad faith, improper motive ou manifest absurdity”.
Les demandeurs avaient aussi soulevé le fait qu’il avait Unfairness, vu qu’il n’y avait aucune consultation avec les pharmacies au préalable avant l’imposition de ces Regulations, mais les juges, citant une décision du Privy Council, ont expliqué qu’il n’y pas, de façon générale, une quelconque obligation pour un Public Body de consulter qui que ce soit avant d’aller de l’avant avec une décision, sauf si une loi prévoit le contraire ou sauf si la personne concernée a une Legitimate Expectation qu’elle sera consultée. Or, ce qui n’est pas le cas ici, car les demandeurs n’ont pu établir qu’ils avaient un droit d’être consultés par le ministère du Commerce.
Pour toutes ces raisons, la demande de contester les Regulations du ministère du Commerce par voie de Judicial Review a été rejetée. Les demandeurs auront à s’acquitter des frais légaux dans cette affaire.

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