Un système méritocratique balayé, disent-ils
L’atmosphère est de plus en plus tendue à l’aéroport international SSR. Depuis l’annonce du nouveau bonus de performance par le CEO d’Airports of Mauritius Ltd (AML), Lormus Bundhoo, les employés expriment une colère sourde. Ils dénoncent une décision « injuste et arbitraire », qui bafoue, selon eux, le Performance Management System (PMS) Manual, en vigueur depuis plus d’une décennie.
Le PMS Manual, instauré en 2011, établit un barème clair et équitable fondé sur la performance individuelle, notée sur 5 points. Ce système permettait de récompenser les employés selon leur rendement réel :
Note de performance Bonus prévu
Moins de 3.0 0 mois
3.0 à 3.3 1 mois
3.4 à 3.6 1.5 mois
3.7 et plus 1.8 mois
3.7 deux années de suite 2 mois
L’année dernière, sous l’ancienne direction, certains collaborateurs avaient touché jusqu’à 1,2 mois de bonus. Cette année, la direction a décidé unilatéralement d’attribuer un mois de salaire à tous les employés, sans distinction de performance.
Pour de nombreux agents, cette décision revient à gommer toute reconnaissance du mérite individuel. « C’est une trahison pure et simple. Pourquoi nous évaluer si tout le monde reçoit la même chose ? », déplore un employé visiblement amer.
Les conséquences ne se sont pas faites attendre. Hier encore, la moitié des équipes seulement s’est présentée sur deux shifts, provoquant de longues files d’attente et un ralentissement général des opérations à l’aérogare. Certains employés évoquent un « sabotage passif » pour manifester leur mécontentement.
« Ce n’est que le début », préviennent plusieurs d’entre eux, qui menacent de recourir à des actions syndicales si la direction refuse d’appliquer les règles du PMS Manual. D’autres envisagent même une plainte formelle pour non-respect des procédures internes.
Nommé à la tête d’AML, Lormus Bundhoo assume son mandat dans la tourmente. Prise sans concertation préalable avec les syndicats ni explication publique, sa décision est perçue comme un acte autoritaire et déconnecté de la réalité du terrain.
« Ce bonus n’est pas un cadeau, mais un droit défini par des règles précises », rappelle un cadre supérieur. « En les piétinant, le CEO envoie un signal catastrophique à ses équipes. »
Pour l’heure, la direction garde le silence. Mais le climat social s’alourdit à vue d’œil : méfiance, démotivation et perte de confiance dominent désormais dans les couloirs de l’aéroport.
Au-delà du simple différend sur les bonus, les employés dénoncent une rupture du contrat moral entre la direction et son personnel. Ce qui devait être un outil de motivation devient le symbole d’une gestion perçue comme opaque et arbitraire.
« On nous demande d’être performants, mais on refuse de reconnaître nos efforts », résume un technicien. Dans un environnement aussi sensible que celui de la plateforme aéroportuaire, où chaque maillon compte pour la sécurité et la fluidité du trafic, cette démobilisation inquiète déjà les observateurs.
La direction d’AML devra rapidement rétablir le dialogue et clarifier ses intentions, faute de quoi la grogne pourrait se transformer en crise, avec un risque direct sur la qualité du service et l’image du principal aéroport du pays.