MEO 2011: La pression sur nos zones côtières

Mauritius Environment Outlook 2011 (MEO) est un document publié par le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable. Ce rapport fait ressortir les diverses composantes de notre environnement : l’air, l’eau, les terres, la gestion des déchets solides, les ressources cotières et marines, la biodiversité terrestre, l’énergie, le changement climatique, les îlots, le tourisme et l’environnement, les déchets chimiques et les déchets dangereux. Mais aussi les spécificités de Rodrigues, d’Agalega et de St-Brandon. Mais on retiendra pour ce qui est des ressources côtières et marines l’énorme pression exercée par les projets de développement. Voici un texte de Vassen Kauppaymuthoo, ingénieur en Environnement, océanographe et plongeur professionnel, qui fait le point sur le domaine qui le concerne.
Le chapitre du MEO concernant les ressources côtières et marines est particulièrement intéressant, car il s’applique à donner une définition légale de notre zone côtière qui ne s’arrête pas à nos belles plages mais s’étend jusqu’au minimum à 1 kilomètre de la ligne des hautes marées et inclut nos magnifiques lagons, mais aussi les estuaires et les embouchures de rivières.
Selon ce rapport, la zone côtière et les ressources marines subissent actuellement une pression intense de la mer et de la côte, sous forme de pression démographique et d’activités économiques, provoquant graduellement la disparition de nos zones humides et la destruction de la biodiversité marine alors que les infrastructures n’étaient pas encore prêtes à recevoir de tels développements, notamment avec l’absence de réseau de tout à l’égout pour canaliser et traiter les effluents.
Le Tourisme
Toujours selon ce rapport, le tourisme constitue aujourd’hui le troisième pilier de notre économie grâce à cette biodiversité marine qui se « vend » à plus de 74 milliards de roupies. On a en effet tendance à oublier que ce secteur exploite des ressources naturelles en parfait état et que les revenus dérivés sont liés à la qualité et à la protection que nous conférons à notre environnement marin. 76 Milliards de roupies, soit 26% de notre Produit National Brut !
Les menaces : un développement incontrôlé, avec un objectif de plus de deux millions de touristes en 2015, objectif qui, à mon humble avis, ne sera jamais atteint. Il faut aussi parler des effets néfastes sur l’environnement à travers la construction de nouveaux hôtels et des pressions supplémentaires sur les lagons. Il semble aujourd’hui que l’on cherche des morceaux de zone côtière libre et que le peu de patrimoine qui nous reste sur nos 496 kilomètres de côte fait l’objet d’intenses tractations. Il faudrait peut-être penser à freiner ces activités avant qu’il ne soit trop tard. Il faut noter que les hôtels occupent 48.6 km de nos côtes, et que les plages publiques n’en finissent plus d’être déproclamées et qui se réduisent considérablement n’occupant que 28.9 kilomètres selon la dernière estimation du Ministère du Logement et des Terres.
Le développement du tourisme doit se faire de façon durable. Il faut considérer que nous avons atteint les limites de ce que notre écosystème marin peut soutenir.
L’érosion côtière
MEO confirme aussi que l’érosion côtière affecte la majorité de nos plages, causant des pertes importantes d’espace côtier et de biodiversité. Selon un rapport, datant de 2003, 7% de nos côtes étaient sérieusement menacés par l’érosion mais le chiffre est devenu plus élevé huit années après. Cette érosion est causée par des facteurs naturels, mais également par la pression intense exercée par certains promoteurs peu scrupuleux qui s’approprient le domaine public en construisant des jetées, des marinas et des structures côtières supposées les protéger de l’érosion. Les gabions installés par les autorités en 1996 n’ont finalement servi à rien, et le phénomène s’est accentué.
Même si les phénomènes naturels comme le relèvement du niveau de la mer lié au changement climatique sont présents, il demeure que les autorités ont été dans le passé, semble-t-il, trop laxistes en accordant des permis pour installer des murs et des structures côtières, jetées, et plages artificielles sans considérer les effets à long terme que ces mêmes structures pourraient avoir.
La qualité de l’eau de mer
Selon le rapport, la décharge d’effluents demeure la cause principale de pollution de notre écosystème marin et de la dégradation de l’eau : 53,000 mètres cubes (53,000,000 de litres) d’effluents sont déchargés chaque jour par des stations d’épuration du gouvernement dans la mer. Ces stations gouvernementales semblent souvent inefficientes parce qu’elles déchargent des eaux colorées, malodorantes et chargées en coliformes dans nos mers.
A cela, il faut ajouter l’utilisation intensive de fertilisants, de pesticides et d’herbicides qui finissent à la mer.
Les stocks de poisson
Le secteur de la pêche ne représente plus que 1,2% de notre Produit National Brut, une anomalie, quand on considère que nous contrôlons des étendues d’océans équivalentes à quatre fois la grandeur de la France soit environ 1,9 millions de kilomètres carres, 1000 fois la superficie de Maurice !
Les prises de poissons ont fortement chuté de plus de 60% depuis 1es 16 dernières années avec seulement 6,978 tonnes en 2009 contre plus de 19,690 tonnes en 1993. Selon MEO, il est urgent d’entamer des mesures de conservation sous peine de voir les 30% restants disparaître !
Le secteur de la pêche artisanale qui concerne plus de 4000 familles à Maurice et sinon plus à Rodrigues dépend de la qualité de nos lagons et de l’état de la biodiversité marine. Cette chute des prises et la confirmation d’une gestion inefficace et d’une protection insuffisante de nos ressources marines par les autorités.
En guise de conclusion MEO donne une image claire de la situation environnementale : nous avons pensé à l’argent et au développement économique sans une vision à long terme et notre environnement marin est aujourd’hui en piteux état. Les mécanismes qui doivent conférer une certaine protection ne semblent pas avoir été efficaces : les EIA Licences ont été donnés pour des travaux dans le domaine public, dans nos lagons et dans les zones humides, avec la permission de combler ces dernières accordée par le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable. Le Ministère de la Pêche et de Rodrigues accorde des  « Interference Permits » moyennant paiement pour effectuer des travaux de dragage et couper des mangliers dans des aires marines protégées ! Nous avons failli, et nous payons aujourd’hui les conséquences environnementales catastrophiques, hypothéquant du même coup l’avenir de nos enfants. Il nous faut réagir vite, nous remettre en question et remettre tout à plat. La nature et les richesses de nos lagons et de nos océans ne nous appartiennent pas. C’est ce que nous lèguerons à la génération future, s’il en reste quelque chose…  Cela demande une plus grande implication non seulement des autorités et des Ministères concernés, mais également de la population et de nos enfants !

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