Assiettes jetables, barquettes et couvercles en plastique non recyclable, entre autres, ne sont pas près de disparaître des étagères des commerces. Le moratoire concernant l’interdiction de ces produits a de nouveau été prolongé au 14 janvier 2025. Ainsi en a décidé le gouvernement. Annoncée à grand cri en 2021, cette mesure devait entrer en vigueur le 15 janvier 2022, mais a été repoussée au 14 janvier 2023, avant le dernier prolongement jusqu’en 2025. À en croire Pascal Larourette, Project Coordinator de l’ONG Action for Environment Proctection, « donner plus de temps aux producteurs pour écouler leurs produits en plastique permet, hélas, indirectement d’accentuer la destruction de la nature. C’est un mauvais signal qu’on envoie aux futures générations. »
Le voyageur qui débarque benoîtement avec son sac Duty Free, ses bouteilles, barquettes ou assiettes en plastique à l’île Rodrigues, le dixième district de Maurice, soit dit en passant, n’a qu’à bien se tenir. Une policière lui ordonnera de s’en débarrasser sur-le-champ dans la poubelle de recyclage prévue à cet effet. Pas de sachets plastiques non plus dans les magasins ni dans les marchés. Dans les petites échoppes comme dans les centres commerciaux, on emporte ses achats dans des sacs en papier brun. Résultat : des rues, des bords de route, des villages étonnamment propres, même quand ils ne sont pas goudronnés. Depuis, les autorités rodriguaises et la population n’ont pas dévié de cette ligne, étant bien décidées à totalement bannir ces « monstruosités » qui polluent les paysages, l’air, les rivières et les océans. Chapeau !
Et quid Maurice ? Pour la politique de zéro tolérance envers le plastique, on est bien loin du compte si on se fie au délai supplémentaire d’un peu moins de deux ans accordé aux acteurs économiques pour s’adapter à la loi contre l’usage de divers produits en matière plastique, dont les gobelets et bols en plastique utilisés pour le conditionnement de produits alimentaires tels que les produits emballés remplis à chaud (gelée et flan), les produits laitiers (yaourt, crème glacée, desserts et beurre), la margarine et les barquettes plastiques utilisées pour le « Modified Atmosphere Packaging (MAP) » de produits alimentaires frais, cuits ou précuits tels que viandes, burgers, fruits de mer et fromages. La liste est longue.
Les lobbys pointés du doigt
Certes, certaines mesures relatives à l’Environement Protection (control of single use plastic products) promulguées semblent plus ou moins conduire à l’élimination progressive du plastique à usage unique non-essentiels, sauf que certains membres d’ONG environnementales ne passent pas par quatre chemins pour fustiger les lobbys et certains grands groupes industriels qui sapent, selon eux, les efforts de lutte contre la pollution engendrée par le plastique. « Qu’on ne s’y m’apprenne pas, les grands producteurs n’en ont rien à cirer de la protection de l’environnement. Seul le profit compte. Il est primordial que les voix et les actions citoyennes portent plus loin que celle des lobbys en changeant nos habitudes de vie. C’est la seule solution capable de les faire fléchir. D’avoir en tête que pratiquement tout ce que l’on fait, tout ce que l’on consomme pollue d’une façon ou d’une autre et de s’en débarrasser en privilégiant des gourdes ou les bouteilles gazeuses en verre comme jadis il y a 30 ou 40 ans », soutient Pascal Laroulette. L’accroissent des efforts de sensibilisation fait partie de l’équation, ajoute Pascal Laroulette : « Notre ONG forme les professeurs pour qu’ils inculquent aux enfants l’importance de produire moins de déchets. Ils se transformeront inéluctablement en des meneurs d’hommes au fil du temps face au monde industriel. » Ce dernier souligne, cependant, que la réponse à la crise du plastique et « la pression exercée par les lobbys » ne doivent pas uniquement reposer sur les choix individuels. « Une économie véritablement circulaire, qui fait la part belle aux solutions zéro-déchet, créatrices d’emploi respectueux, d’innovations et d’opportunités d’affaires au niveau local, s’avère un must, mais je ne vois rien venir. »
Et parce qu’il est de notoriété que les Mauriciens sont loin d’être de bons élèves en matière de civilité environnementale, l’urgence d’agir sans concession aucune devient de plus en plus impérative, en témoignent les déchets en tous genres s’amoncelant dans le réseau, causant des inondations hors du commun en cas de fortes pluies. Le ministre de l’Environnement, de la Gestion des déchets solides et du Changement climatique, Kavy Ramano, n’avait-il pas pourtant affirmé au Parlement, le 21 avril 2021, qu’ « aucun compromis n’est possible dans la protection de l’environnement si nous voulons protéger les générations futures et qu’il faut avoir la force de ses convictions pour se faire » ?