NADC | Atelier sur les drogues synthétiques : Aadeel Toofany (FSL) : « Le cannabis manipulé pour rendre les simiks plus addictifs ! »

-Dr Fayzal Sulliman (CEO) : « Il faut absolument instituer l’Early Warning System afin d’avoir un Fast Tracking avec le soutien du SLO, du DPP et de l’AG »

- Publicité -

La National Agency for Drug Control (NADC) a organisé un atelier de travail d’une journée à l’intention des travailleurs sociaux œuvrant dans la lutte contre les drogues. La thématique était Synthetic drugs: a situational analysis & the way forward. C’était jeudi à l’hôtel Le Gold Crest, à Quatre-Bornes. De nombreux intervenants de différents horizons, soit  police, douanes, bureau du DPP, ministère de la Santé, acteurs sociaux, UNODC), y avaient été conviés.

La présentation d’Aadeel Toofany, Senior Forensic Scientist, au FSL, a été très écoutée et appréciée. Technicien qui maîtrise son sujet à la perfection, il a pris plus d’un par surprise quand il a expliqué comment les trafiquants sont passés à la vitesse supérieure. « Ils ont déjà manipulé la plante du cannabis. Ils en ont extrait ce qu’ils souhaitaient et y ajoutent désormais principalement des substances comme la méthamphétamine et le nitazène, qui sont highly addictive auprès de ceux qui en consomment », dit-il.

- Publicité -

« Ces derniers 12 à 24 mois, ces produits ont envahi le marché mauricien, transformant notre pays en laboratoire à ciel ouvert. Zot pe sey zot bann prodwi lor bann izazer morisyen ! Les consommateurs mauriciens sont des cobayes sur lesquels ces trafiquants font leurs expériences. Ce sont ces mélanges d’extraits de cannabis avec la méthamphétamine et le nitazène, principalement, qui transforment les usagers locaux en zombies ! », ajoute-t-il.

Zombies humains

- Advertisement -

L’usage des papiers imbibés, qui sont souvent sujets à des saisies, était au cœur de son intervention. « Ces feuilles de papier sont imbibées de substances contenant à la fois des extraits de cannabis et de méthamphétamine, de kétamine ou de nitazène. C’est ce qui produit l’effet zombie par la suite. Nous n’avons pas des standards ou des archétypes quand nous recevons des saisies pour faire des analyses. Au final, même le consommateur ne sait pas trop ce qu’il met dans son corps ! » révèle-t-il en soulignant que « les trafiquants sont toujours en train de travailler sur de nouveaux produits; le challenge étant de rendre plus “sexy” ce qu’ils mettent sous le nez du consommateur pour le faire tomber dans leurs pièges. »

Le Dr Fayzal Sulliman, Chief Executive Offucer de la NADC, rebondit sur le sujet, faisant remarquer que « les trafiquants sont très rusés » ! Il poursuit : « Aadeel Toofany et ceux qui sont au FSL en savent beaucoup sur les analyses sur les saisies réalisées. C’est la raison pour laquelle nous, à la NADC, nous réclamons qu’un Early Warning System soit rapidement mis en opération. »

La raison principale c’est pour pouvoir être « at par » avec ces trafiquants en ce qu’il s’agit des précurseurs chimiques. « Je m’explique : dans la plupart des cas, ceux qui sont engagés dans le trafic n’importent pas ouvertement des éléments qui, ils le savent bien, sont interdits. Donc, ce qu’ils font, c’est de faire venir des composantes et des ingrédients différents, et pas ensemble bien sûr. Ce sont pour la plupart des produits utilisés dans d’autres secteurs, et qui, par incidence, ne sont pas prohibés. Ce qui n’éveille alors pas la méfiance des autorités », fait-il ressortir.

Or, avec un Early Warning System, des agences des Nations unies, et d’autres, suivront de près les entrées de produits sur Maurice, dit-il. « Elles sont plus à même de remarquer pourquoi il y a autant d’importations de telle ou telle composante qui, à leur niveau, est fichée dans la série qui concerne la fabrication des drogues synthétiquesDe fait, quand ces autorités nous aurons alerté, à notre niveau, avec le concours de la police, la MRA, les douanes pourront entamer leurs enquêtes, avec le soutien du FSL. »

En parallèle, la NADC pourra, avec l’aide du State Law Office (SLO), du bureau du Directeur des Poursuires Publiques (DPP) et de l’Attorney General, suivant un Fast Tracking, faire que ces produits soient inclus dans la Dangerous Drugs Act (DDA Act) au plus vite. « Disons dans un grand maximum de 15 jours… plutôt que d’attendre une année, pour les déclarer substances dangereuses ! » Ce qui permettra aux autorités d’avoir un œil direct sur ceux qui opèrent ces trafics.

Aadeel Toofany a abondé dans le même sens à la fin de sa présentation sur les drogues synthétiques identifiées dans l’île. « The way forward, cela passe par la législation, la technologie et l’information (intelligence) recueillie auprès des agences comme l’ADSU, la MRA… Il devient de plus en plus impératif d’avoir des sessions de travail et de dissémination avec tous les partenaires engagés, au fur et à mesure des avancées », préconise-t-il.

Dress lekor

Pour le Senior Forensic Scientist, autant que pour les responsables de la NADC, soit le chairman Sam Lauthan et le Dr Fayzal Sulliman, CEO, le nombre grandissant d’accros aux simik met le pays en état d’alerte. Aadeel Toofany confirme : « depuis plusieurs années déjà, la qualité de l’héroïne disponible dans le pays se dégrade énormément. Zordi, sa eroin ki gagne dan Moris-la li vreman pa bon ditou. »

Il poursuit : « parallèlement, les trafiquants sont parvenus à mettre au point de nouvelles susbtances. Quand ils ont commencé à trafiquer le cannabis pour en extraire ce qu’ils souhaitent, ils se sont rendus compte qu’ils avaient entre les mains un produit d’une puissance extraordinaire ! Donc, impossible de le vendre à l’état brut. La stratégie est de diluer ce produit et de l’ajouter à d’autres composantes pour le rendre à la fois puissant et addictif. D’où les nouvelles drogues de synthèse à base de méthamphétamine et de nitazène, qui est un parent des opiacés. »

Sam Lauthan renchérit : « Les trafiquants savent très bien comment procéder : ils ne vont pas donner les mêmes produits à chaque fois aux usagers qui se présentent à eux. Une fois, ils leur refilent des produits qui les rendent comme des zombies, et l’autre fois, un autre pour les booster, dress lekor kouma zot dir. Ils s’assurent de cette manière que la clientèle se fidélise. » D’où l’importance, soutient le Dr Sulliman, « d’avoir des informations précises et rapides pour pouvoir réagir au plus vite auprès des consommateurs ».

Autre volet abordé, la prévention primaire au niveau de la communauté, surtout dans les établissements scolaires, et l’intervention en milieu médical. « Nous devons absolument avoir des préventions dans les écoles, les collèges, toutes les institutions concernées, surtout, parce que ce sont ces jeunes qui sont les plus vulnérables. Avec les informations que le FSL nous procure, il est essentiel de les évoquer avec les plus jeunes afin de leur alerter et les prévenir de ce qui les attend. »

Il poursuit : « Ultimately, ces jeunes ne se méfient pas d’une feuille de papier. Pour eux, ce n’est pas quelque chose de dangereux. Ce n’est qu’après qu’ils se font avoir qu’ils comprennent… Et souvent, il est trop tard. »

Dans le circuit médical, le Dr Sulliman indique : « les Health Officers et tout le personnel médical doivent avoir une formation concrète et complète. Qu’une personne qui débarque aux urgences est dans le coma et nécessite des premiers soins; que ce soit des parents ou des proches qui accompagnent un consommateur; ou qu’un sujet se présente avec des troubles psychiatriques, car les simik touchent directement les cellules nerveuses auprès des ceux qui en ont pris pendant une assez longue durée, le personnel dans les hôpitaux, les cliniques, des centres de santé, en général, doit pouvoir identifier les signaux émis par ceux qu’ils ont sous les yeux. »

Sam Lauthan complète : « en fournissant les bonnes informations, nous pouvons éveiller ces potentielles victimes et les protéger. »

Information, Education et Communication (IEC), reprend le CEO Sulliman : « ce sont les principaux axes de fonctionnement et de bonnes pratiques. Il faut que le grand public sache quels sont les dangers qui les guettent, eux et tous ceux autour d’eux. » Next Step pour la NADC, « ce sera d’aller dans la communauté », concluent les responsables de l’agence nationale.

- Publicité -
EN CONTINU
éditions numériques