Un chapitre se ferme à la Librairie Le Cygne, à Rose-Hill. Sa directrice, cheville ouvrière de ce haut lieu de culture, Mimi Chen, s’est éteinte jeudi 23 octobre, à l’âge de 82 ans.
Figure familière et chaleureuse, Mimi, frêle silhouette toujours en mouvement, restait d’une énergie inépuisable et d’une gentillesse constante. Déterminée à être au service de tous, elle accueillait les visiteurs avec son sourire lumineux, toujours prête à échanger quelques mots sur un livre, un auteur ou une actualité.
Derrière ce prénom affectueux se cachait Marie-Claire Chen, fille de François Chen, photographe réputé et fondateur du Cygne — librairie emblématique devenue, au fil des décennies, un véritable sanctuaire de la mémoire intellectuelle mauricienne.
La librairie et le café du Magic Lantern furent, durant des décennies, un point de ralliement pour les esprits curieux, les écrivains, les journalistes et les politiciens, notamment ceux de la mouvance de gauche du pays. On y découvrait les grandes plumes françaises, on y feuilletait la presse d’Europe, et l’on y croisait souvent de jeunes militants devenus ministres ou des habitués venus débattre de l’actualité autour d’un café que Mimi servait avec attention — attentive, rieuse, et parfois mordante même un peu râleuse, mais toujours juste, honnête et sincère.
En 1960, elle part pour la Chine, patrie de ses parents, où elle se marie. De retour à Maurice en 1965 avec son fils Ming, elle affronte une longue séparation : Ah Sin, privé de passeport durant la Révolution culturelle, ne peut la rejoindre qu’en 1969. Ensemble, ils reconstruisent patiemment une vie faite de travail, de culture de bonheur et de courage.
L’année 2000 marquera un tournant tragique : un incendie ravage tout le complexe de Rose-Hill et la librairie et le Magic Lantern partent en fumée. Un pan de l’histoire culturelle et festive de Rose-Hill qui se meurt. Mais loin de se laisser abattre, la famille Chen rebâtit, sauvant ainsi un pan entier du patrimoine culturel mauricien.
Mimi Chen laisse le souvenir d’une femme discrète, cultivée et bienveillante, témoin privilégiée d’un demi-siècle de vie intellectuelle à Maurice. Amie de Le Mauricien et d’un Jacques Rivet taquin et exigeant à la fois, elle sélectionnait pour lui le meilleur de la presse étrangère, avec cette passion du mot juste et du savoir partagé.
Sa gentillesse et sa générosité envers ceux qu’elle aimait étaient sans bornes.
Qu’elle repose désormais en paix. Dans la sagesse chinoise, la mort n’est pas une fin, mais une transformation. L’âme, dit-on, poursuit son chemin comme l’eau qui change de forme sans jamais disparaître. Mimi a simplement tourné la page de son journal dont chaque article demeure, inscrit dans la mémoire de ceux qu’elle a touchés.
Nos sincères condoléances à ses enfants Philippe et Ming Chen, ainsi qu’à toute la famille dont Caroline …

