Négligence médicale alléguée : Nandha Adélaïde, 58 ans, rend l’âme après une chirurgie des artères coronaires  

« Elle était en pleine forme quelques minutes avant son passage à la table d’opération », confie l’une de ses filles La famille dresse le portrait d’un chirurgien emprunté et s’emmêlant les pinceaux dans ses diagnostics  De quel droit le chirurgien s’est-il permis de choisir la technique funéraire à la place de la famille ?

Le vendredi 10 juillet 2023 est à marquer d’une pierre noire pour la famille de Nandha Adélaïde, 58 ans, qui a rendu l’âme ce jour-là dans des circonstances troubles, après avoir été opérée le 6 juillet des artères coronaires à l’hôpital Sir Seewoosagur Ramgoolam (SSR). La rage au ventre, les proches de la défunte pointent du doigt la responsabilité du chirurgien sur fond d’accusations de négligences médicales. Rien ne laissait présager un tel drame, disent-ils, dans la mesure où Nandha Adélaïde paraissait être en pleine forme quelques minutes avant son passage à la table d’opération. Après huit jours de deuil, c’est désormais le branle-bas de combat. « Le médecin en question et l’hôpital devront répondre de leurs actes et on compte s’en remettre à la justice si les autorités ne jouent pas carte sur table », confie une des filles de cette habitante de Cité La Ferme à Bambous, qui laisse derrière elle son époux, ses 9 enfants et 11 petits-enfants.    

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Le nom de Nandha Adélaïde est sur toutes les lèvres à Cité La Ferme. Dans l’une des nombreuses rues étroites du quartier, un vieil homme nous indique la direction à prendre pour rencontrer la famille endeuillée, tout en nous lançant ces mots : « Nou tou byen sagrin. Madam-la ti enn bon dimun emab. » Installés dans l’une des pièces de leur modeste demeure, Rachel Bell, la cadette de la fratrie Adelaïde, son époux Benoit Bell et Christabelle Adelaïde, la belle-fille de la défunte, s’agitent à la première question quand bien même ils peinent, au départ, à mettre des mots sur ce que qu’ils ressentent. La première nommée, dont le visage fermé laisse percevoir toute la tristesse et la tension qui animent la famille depuis ce triste épisode, confie que « certes, ma mère était diabétique, en sus d’un taux élevé de cholestérol, mais de là à périr à la suite d’une opération anodine et qui n’avait rien d’urgent, nous sommes persuadés que le médecin qui s’est occupé d’elle a failli à sa tâche en faisant preuve de négligence. »

Pour bien comprendre la genèse des évènements ayant conduit au décès de Nandha Adélaïde, il faut remonter au 1er juillet lorsque cette dernière apprend, lors de son rendez-vous chez le cardiologue de l’hôpital Jeetoo, qu’elle devra se faire soigner pour une artère coronaire bouchée. Elle doit, pour ce faire, se rendre à l’hôpital SSR. Suivant à la lettre les recommandations de l’unité de cardiologie, Nandha Adélaïde se rend au dit établissement où on l’informe que son artère bouchée devra être traitée par chirurgie dans l’optique d’une meilleure irrigation du muscle cardiaque. « Ma belle-mère était une personne très consciencieuse qui ne ratait aucun de ses rendez-vous médicaux. Après avoir appris qu’elle devra passer sur une table d’opération, un docteur de l’hôpital SSR m’a appelé, le même jour, pour que je conseille à ma belle-mère d’arrêter de prendre un certain type de comprimé visant à faciliter la fluidité du sang, sans toutefois m’informer de l’état réel de sa santé », confie Christabelle Adelaïde.

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En quittant son domicile le 3 juillet en vue de son admission à l’hôpital, avant son passage à la table d’opération, le 6 juillet, Nandha Adélaïde ne se doutait pas, à cet instant-là, qu’elle s’apprêtait à vivre les derniers jours de sa vie, prostrée sur un lit et incapable de communiquer avec ses proches, qui ne s’attendaient pas, non plus, à vivre un tel calvaire. « Ma mère est sortie de la maison comme elle le fait à chaque fois, déterminée, malgré sa santé fragile, à rester en pleine forme. Elle croquait la vie à pleines dents, mais c’était sans compter les zones d’ombre entourant son opération qui a débuté à midi, le 6 juillet. Avan so operasyon, li ti mari korek. Noun byen koze dan lopital et elle était impatiente de rentrer à la maison. J’ai dû néanmoins attendre pendant cinq heures après son opération avant que je puisse la voir à travers une vitre. J’ai vu une femme au visage émacié qui semblait être plongée dans un profond coma. J’ai eu un très mauvais pressentiment », raconte Rachel Bell.

« Elle semblait pâle et marbrée »

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Rebelote le lendemain. L’un des six frères de Rachel Bell, ayant poireauté plusieurs heures à l’hôpital dans l’espoir d’échanger quelques mots avec sa mère,  découvre avec stupéfaction que cette dernière, hormis quelques timides mouvements des mains, demeure inerte sur son lit.  La panique s’installe alors chez la famille Adelaïde. Rachel Bell et son époux, Benoit, se rendent à l’hôpital, le 8 juillet, avec la ferme intention de tirer le vers du nez du chirurgien sur l’état de léthargie dans lequel se trouve Nandha Adélaïde. « La couleur de peau de ma mère m’avait interpellée. Elle semblait pâle et  marbrée. Le médecin nous a malgré tout rassurés en prétendant que l’opération s’était bien déroulée mais que, compte tenu de son sommeil agité, elle se réveillerait le 9 juillet ou au plus tard durant la semaine. J’ai pris ses paroles pour argent comptant, qui n’étaient, au final, que de la poudre aux yeux. Le médecin nous a même prescrit des médicaments qu’on a achetés », souligne Rachel Bell.

Enhardis par le diagnostic du médecin, presque tous les membres de la famille Adelaïde se rendent à l’hôpital, le dimanche 9 juillet, en se disant qu’ils vont enfin pouvoir communiquer avec celle qui s’est fait opérer 72 heures plus tôt. Il n’en a rien été. Rachel Bell et son époux dressent le portrait d’un chirurgien emprunté, nonchalant et s’emmêlant les pinceaux dans ses explications. Non seulement les choses semblent mal engagées mais la colère de la famille atteint désormais le point d’ébullition, d’autant qu’on leur a refusé l’accès à la chambre de la patiente.  «  Dimans gramatin dokter inn dir nou mo belmer korek, mais aussi étonnant et révoltant que cela puisse paraître, il nous a téléphonés le même soir pour nous annoncer que ma belle-mère avait une forte fièvre, en sus d’être en proie à une infection san ki li dir nou ki lorizin sa infeksyon-la.  Apre linn dir ki ena problem sirkilasyon disan ! Which is which?  Il y avait comme un mélange de colère et de tristesse et croyez bien qu’on a dû prendre sur nous pour ne pas prendre à partie le chirurgien qui nous a demandé de tous revenir à l’hôpital lundi », affirme Benoit Bell.

« N’était-elle pas déjà décédée la veille ? »

Le timing adopté par le médecin n’augure rien de bon et renforce la conviction du couple Bell que c’est « cette foutue opération » qui est à l’origine de la détérioration suspecte de l’état de santé de Nandha Adélaïde dont l’annonce de la mort, à 21h45, le lundi 10 juillet, à en croire le certificat de décès, sonne comme un véritable coup de massue pour toute la famille, quand bien même  soupçons planent sur la date réelle du décès. « Ma mère n’était-elle pas déjà décédée lorsqu’on lui a rendu visite le 9 juillet ? J’en suis intimement convaincue car lorsqu’on a récupéré le corps de ma mère, mardi matin, celui-ci n’était pas froid mais plutôt décontracté. » Sur ledit certificat, le médecin fait ressortir que Nandha Adelaide a rendu l’âme à cause d’un « Acute Respiratory Failure with other significant conditions contributing to the death, but not related to the disease, like Acute Kidney Injury, Diabete Mellitus and cerebrovascular attack. »

Sauf que la famille, bouleversée par cette tragédie, ne l’entend pas de cette oreille et reste persuadée que Nandha Adélaïde est morte à cause d’une négligence médicale. L’affaire prend une autre tournure lorsque Rachel Bell et son conjoint découvrent avec stupéfaction que le médecin a, sur l’attestation de décès, signé pour que le corps de la défunte soit incinéré dans un crématorium, « à notre insu et contrairement au souhait de notre mère qui voulait être enterrée », souligne la famille. De quel droit le chirurgien s’est-il arrogé la responsabilité de choisir cette technique funéraire à la place de la famille ? Cette démarche cache-t-elle une tentative d’éviter le dévoilement ou l’ébruitement d’informations susceptibles de l’incriminer ? C’est une  question légitime qui hante les proches Nandha Adélaïde qui ont pu, à force de persévérance, lui offrir les funérailles escomptées.

What next ? « Il est absolument hors de question qu’on reste les bras croisés. Pena aukain lenket ou zizma lakour ki pou ramenn mo mama me nou pou antam bann pourswit kont lopital ek dokter la pou ki laverite eklate dan sa zafer la », martèle Rachel Bell. Compte tenu des zones d’ombre entourant cette affaire et face à la soudaineté avec laquelle l’irrémédiable s’est produit, les plus sincères condoléances ne suffiront pas à apaiser la douleur de la famille. La balle est, donc, désormais dans le camp des autorités, dont le Medical Negligence Standing Commitee du ministère de la Santé,  pour démêler le vrai du faux dans cette affaire.

   

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