Agalega : double inauguration avec la piste d’atterrissage et la Saint James Jetty, pièces maîtresses dans la surveillance de la ZEE de Maurice couvrant 2,3 millions de kilomètres carrés
Pravind Jugnauth : « La souveraineté de Maurice sur ce territoire demeure intact et il n’a jamais été question d’en faire une base militaire »
Chagos : le Pr Philippe Sands, KC : « As the British Indian Ocean Territory is illegal under international law, Britain is currently in illegal occupation of a part of the territory of Mauritius »
Rodrigues se prépare à accueillir le MV Peros Banhos pour son Maiden Voyage dans la desserte interîles
La semaine écoulée a été placée sous le charme des îles du sud-ouest de l’océan Indien, plus particulièrement celles faisant partie de l’intégrité territoriale de la République de Maurice. Et cela invariablement avec l’île Rodrigues accueillant ce matin le MV Peros Banhos pour son maiden voyage. En fin de semaine, l’archipel d’Agalega a vécu un moment historique avec la double inauguration de la nouvelle piste d’atterrissage et de la Saint James Jetty, chantier réalisé avec une enveloppe financière de l’ordre de Rs 8 milliards allouée par l’Inde. Puis en ouverture de semaine, le dossier des Chagos était à l’ordre du jour avec un atelier de travail axé sur le projet de Marine Protected Area (MPA) dans l’archipel à l’initiative de Maurice, lorgnant un double objectif de préserver l’environnement dans cette partie de l’océan Indien, mais surtout réaffirmer la souveraineté de Maurice sur cette partie de son territoire. Puis, à Londres, en marge des délibérations du Foreign Affairs Sub-Committee on the Overseas Territories de la Chambre des Communes, le Pr Philippe Sands, KC, Lead Counsel de Maurice sur les Chagos, intervenant en son nom personnel, a réitéré que le British Indian Ocean Territory (BIOT) est une entité qui n’a aucune reconnaissance sur le plan du Droit international, soit une fiction historique, comme ne l’avait cessé de répéter feu l’ancien Premier ministre et ex-président sir Anerood Jugnauth.
Force est de constater que la série d’événements sur le plan régional et international a fait planer sur cette partie de l’océan Indien des visées militaristes en tous genres. Au chapitre des Chagos, Londres s’accroche à la base militaire et nucléaire de Diego Garcia pour justifier l’occupation illégale de cette partie du territoire de la République de Maurice et bloquant la voie au processus de la décolonisation complète de Maurice. Puis, avec les nouvelles installations entrant en opération à Agalega, des ombres militaires se pointent à l’horizon en dépit des garanties et des mises au point des autorités mauriciennes.
Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a saisi la plateforme internationale de l’inauguration de la piste et de la jetée pour faire le point sur l’importance d’Agalega dans cette partie de l’océan Indien. Intervenant le jeudi 29 février dans l’archipel, il a réitéré le fait que Maurice n’a nullement abdiqué sa souveraineté sur Agalega au profit de l’Inde et que l’Hôtel du Gouvernement garde tout contrôle sur la gestion et l’usage de cette partie de son territoire. « Il n’a jamais été question de transformation d’Agalega en une base militaire (en faveur de l’Inde) », déclarait Pravind Jugnauth à son arrivée dans l’archipel pour les inaugurations, jeudi matin, ou encore lors du wrapping up du séjour, vendredi après-midi, face aux journalistes choisis pour faire partie de la délégation officielle. Toutefois, il a relancé la polémique autour de la nature des installations à Agalega en évoquant un protocole d’accord entre Port-Louis et New Delhi.
La signature de ce protocole bilatéral remonte à mars 2015 lors d’une visite d’État du Premier ministre indien, Narendra Modi. Depuis, toutes les tentatives visant à obtenir le moindre détail des dispostions de cet accord sur Agalega se sont heurtées à une fin de non-recevoir politique et diplomatique. L’envergure des travaux exécutés par les contracteurs indiens Afcons Infrastructure Ltd, depuis octobre 2018, constatée de visu par ceux qui ont bénéficié de ce voyage à Agalega, suscite des interrogations des plus légitimes au sujet des dessous de cet accord, avec notamment l’opposition parlementaire et extraparlementaire revenant à la charge sur la nécessité de rendre publics les détails de ce protocole d’accord.
« Ce protocole d’accord reflète l’engagement de l’Inde à aider continuellement Maurice à atteindre ses objectifs de développement. Il adhère aux principes de bénéfice mutuel et de strict respect des principes sacro-saints de souveraineté et d’intégrité territoriale », a voulu rassurer le Premer ministre lors de la cérémonie de jeudi, son homologue indien intervenant en direct de New Delhi par visioconférence.
Poursuivant, Pravind Jugnauth laisse entrouverte la porte de l’usage militaire par l’Inde des nouvelles installations logistiques dans l’archipel. « Je tiens à préciser que l’accord entre Maurice et l’Inde concernant la nouvelle piste d’atterrissage et la jetée d’Agalega vise essentiellement à nous aider à moderniser et à renforcer notre sécurité maritime », dira-t-il en faisant état de l’urgence de la surveillance de la Zone économique exclusive de Maurice couvrant une superficie de 2,3 millions kilomètres carrés.
Usage militaire
Ainsi, face aux journalistes faisant partie de sa délégation, le chef du gouvernement fera ressortir, à juste raison, que les Mauriciens ne peuvent pas réaliser l’étendue de l’océan Indien sous le contrôle de Maurice et les moyens logistiques à être déployés. D’où le partenariat avec l’Inde. « Nous serons désormais mieux placés pour lancer des actions de lutte contre la piraterie, contre le terrorisme, contre le trafic de stupéfiants, lutter contre la traite des êtres humains et lutter contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée », soulignera-t-il avec force dans son intervention officielle.
Cette dimension de la coopération entre Port-Louis et New Delhi avec pour point de transit soit la nouvelle piste d’atterrissage d’Agalega, soit la Saint James Jetty fait que Port-Louis ne nie pas l’importance stratégique de cette île au coeur de l’océan indien pour cette couverture militaire en matière de sécurité maritime.
Cette imposte au sujet de la piste d’atterrissage, longue de trois kilomètres, soit plus importante que celle de l’aéroport régional de Plaine-Corail à Rodrigues, et cette jetée de 260 mètres de long au point connu comme Saint James au Nord, à proximité du village de La Fourche, est diversement présentée dans la presse indienne en vue d’accréditer la thèse de la base militaire à Agalega.
Faisant état de l’événement du 29 février, la presse indienne dans son ensemble note que « the new joint base at Agalega will allow the Indian military to conduct surveillance and project power more efficiently in the southwestern part of the Indian Ocean. » Ainsi, elle fait état du déploiement des avions P-81 pouvant atterrir et décoller à Agalega sans difficulté « on a rotational basis to conduct patrols between the Mozambique Channel and along the East African coast by being based on the island. «
Plus loin, la presse indienne avance que ces patrouilles en mer, assurées par des avions P-8, peuvent confirmer la présence de sous-marins de la People’s Liberation Army Navy de la République populaire de Chine dans cette partie de l’océan Indien. « India could potentially deploy fighter jets, MiG-29, SU-30MKI, and Rafales, to the island on a rotational basis as well since they have inflight refueling capabilities. These aircraft would allow India to project offensive and defensive combat power in the area surrounding the island », indique-t-on également.
« Bann gran avanse »
La réalité de la piste d’atterrissage et de la jetée devra dorénavant confirmer ou infirmer ces ambitions militaristes alors que la pression devra s’accentuer sur le gouvernement pour une plus grande transparence au sujet de la teneur du protocole d’accord indo-mauricien de mars 2015.
Das un autre ordre d’idées, le Premier ministre a réaffirmé que les travaux de rénovation des infrastructures étaient long overdue tout en saluant la contribution de l’Inde. « La construction de la piste d’atterrissage et de la jetée à Agalega est la réalisation d’un autre rêve mauricien que de nombreuses générations ont vécu dans leur cœur. Cette démarche n’aurait pas été possible sans l’aide de l’Inde, qui a entièrement financé ces projets. Nous vous remercions pour votre considération particulière accordée à notre pays depuis que vous assumez la responsabilité du Premier ministre indien », indiquera-t-il.
Toutefois, en guise de flèche du Parthe sur le plan politique, Pravind Jugnauth ne manquera pas de cibler ses adversaires avec le compte à rebours pour les élections générales déjà enclenché. « Dimann Agalega ki progre li finn kone ek travayis konpare ar 2014 a azordi », lâchera-t-il vendredi après-midi sur le terrain de football sur l’île du Nord.
« Se bann gran avanse mo bizin dir. Sirtou tenan kont, mo mem mo kapav temwagne, mo’nn dan bann presedan gouvernman, depi ki letan ti pe dir bizin amelior sa lapist-la, bizin fer renov sa ke la, okenn gouvernman pan resi fer li », fera-t-il ressortir en annonçant que des études sont en cours en vue de déterminer l’exploitation économique et commerciale de ces installations au profit des Agaléens, ayant vécu une fin de semaine exceptionnelle avec pas moins de deux cérémonies d’inauguration en 24 heures. La délégation, menée par le Premier ministre, est rentrée à Maurice en fin de journée d’hier.
Port-Mathurin — L’accueil du MV Peros Banhospour la fin du mandat de Johnson Roussety
Rodrigues n’est pas restée à l’écart des développements intervenus ces derniers jours au niveau des Outer Islands. Avec le lancement, mardi, par le Premier ministre et son épouse, Kobita Jugnauth, du bateau MV Peros Banhos, Rodrigues s’apprête ce matin à accueillir cette unité de la Mauritius Shipping Corporation (MSC) suite à son maiden voyage de Port-Louis à Port-Mathurin. Un autre développement majeur concernant Rodrigues est le feu vert du gouvernement pour la signature d’un prêt de Rs 8,5 milliards ($ 184 millions) avec la Banque mondiale pour des travaux d’extension de l’aéroport de Plaine-Corail avec également un grant de Rs 740 millions (16 millions de dollars).
La cérémonie d’accueil du MV Peros Banhos en grande pompe dans la pure tradition maritime à Port-Mathurin pourrait s’avérer une des dernières fonctions officielles de l’actuel chef commissaire Johnson Roussety. En effet, mercredi sera organisée à La Ferme la passation des pouvoirs entre Johnson Roussety et Franceau Grandcourt à la tête de l’Executive Council de l’Assemblée régionale de Rodrigues au terme de l’accord électoral de Le Récif. À cet effet, Johnson Roussety a présidé vendredi sa dernière réunion de l’Executive Council.
Techniquement, à partir de mercredi, un remaniement devra intervenir au sein de l’Executive Council avec Franceau Grancourt succédant à Johnson Roussety et une redistribution des responsabilités. Au cours de ce prochain mandat, le nouveau chef commissaire aura à piloter la réalisation d’un des plus importants chantiers dans l’île, soit la modernisation de l’infrastructure aéroportuaire au coût de plus de Rs 9 milliards.
À ce stade, très peu d’indications ont transpiré quant au calendrier, notamment la date de la signature de l’accord de prêt avec la Banque mondiale, la cérémonie de la pose de la première pierre, ou encore la durée des travaux et les échéances pour les différentes étapes de l’appel d’offres.