La location mensuelle d’un étal, rétréci par plus de 20%, passe de Rs 400 à Rs 750…
Les marchands récalcitrants face à une campagne d’intimidation orchestrée par des proches du pouvoir !
Les critiques pleuvent sur le District Council de Rivière-du-Rempart, qui fait l’objet de soupçons d’irrégularités et de copinage, après les allégations proférées par la Northern General Traders Association (NGTA) et la syndicaliste Iswarduth Gunness. Elles concernent l’allocation des étals au nouveau marché de Goodlands. Ces derniers soutiennent que le conseil aurait eu recours à des méthodes très peu conventionnelles dans l’exercice du tirage au sort « fait au mépris de la Stall Allocation Best Practice Guide de la défunte ICAC ». Les marchands récalcitrants se disent même victimes d’une campagne d’intimidation orchestrée par des proches du pouvoir !
La toiture en tôle en décrépitude du vieux bazar de Goodlands, couplée à la vétusté du site, n’était plus adaptée aux réalités proprement modernes. Après des années en quête d’un endroit décent pour opérer, les maraîchers disent avoir alors savouré l’annonce de la construction d’un nouveau marché, inauguré le 30 janvier dernier, avec bonheur. Sauf qu’ils sont nombreux à avoir déchanté après avoir pris note des zones d’ombre entourant l’allocation des étals. « Nous avons formulé plusieurs demandes auprès du District Council de Rivière-du-Rempart, y compris auprès du ministre Avinash Teeluck, élu de la circonscription, afin d’obtenir l’autorisation de visiter la nouvelle foire. L’objectif était de s’assurer que les procédures ainsi que la superficie des étals seraient respectées à la lettre. Il n’y a jamais eu de site visit », confie le syndicaliste Iswarduth Gunness, qui a eu le mérite d’aller chercher la poussière que certains affidés tentaient de cacher sous le tapis, notamment le traitement de faveur dont auraient bénéficié certains maraîchers dans l’allocation d’étals situés dans des zones privilégiées.
Documents à l’appui, le syndicaliste souligne que « la séance de tirage au sort pour l’attribution des stands aux détenteurs de stands existants au vieux bazar a eu lieu le jeudi 16 novembre 2023 au Conseil de District, en présence de deux représentants de chacun des deux groupes d’association de marchands opérant dans la région. Nous avons été mis devant le fait accompli, car c’est le mercredi 15 novembre, par le biais d’une correspondance, que nous avons été informés qu’il fallait envoyer deux personnes pour assister à la répartition des étals. Cette annonce nous a tous pris de court, nous privant de la possibilité de contester, via une injonction, les contours de cet exercice qui s’est fait au détriment des recommandations établies par l’ICAC. Nous avons quand même déposé deux contestations en Cour par le truchement de notre avocat », souligne le syndicaliste.
« On nous prend pour des imbéciles »
L’étau se resserre autour d’un conseiller de district, planteur de légumes qui, aussi étonnant que cela puisse paraître, s’est vu attribuer un étal jouxtant ceux de certains proches ! C’est du moins ce qu’affirme Iswarduth Gunness. « Ce tirage au sort nous a réservé de véritables surprises. On savait que ce conseiller faisait la pluie et le beau temps au sein du Conseil. Visiblement, sa capacité d’influence va au-delà des chaînes de nos espérances. Lui et une dizaine de ses proches se sont vu attribuer des étals qui se retrouvent collés l’un contre l’autre. Et pour couronner le tout, ce cher conseiller paie une location de Rs 500 au lieu de Rs 750. Qu’on ne vienne pas nous prendre pour des imbéciles », martèle le syndicaliste.
Best Practice Guide
Pour bien comprendre le fondement des graves allégations proférées par Iswarduth Gunness, il faut se référer aux « Best Practice Guide to promote sound and corrupt-free practices – Allocation of Stalls by Local Authorities » rédigés en 2016 par l’ICAC, qui fait ressortir qu’en vertu de la section 57 de la Local Government Act 2011, « allocation of stalls is done by expressions of interest (EOI). It stipulates that notwithstanding the Landlord and Tenant Act, a Municipal Council, or District Council may, after inviting expressions of interest and by contract, authorise any person to occupy any stall, shop or other place inside any market or fair which it controls or manages, on such terms and conditions as may be prescribed. After calling for tenders and by contract, authorise any person to occupy any other premises which it controls or manages, on such terms and conditions as it may determine. »
À en croire Iswarduth Gunness, « l’autre pomme de discorde demeure le fait que la largeur des étals a été réduite de plus de 20%. La pilule est d’autant plus indigeste pour les forains que le tarif pour louer mensuellement un étal est passé de Rs 400 à Rs 750. Il y a des personnes âgées et vulnérables, ayant travaillé dur durant des décennies, qui digèrent mal de devoir débourser une somme supplémentaire alors que les conditions ne sont pas réunies pour écouler leurs marchandises. »
Décembre 2023 : les membres de NGTA décident de prendre le taureau par les cordes. Dans une lettre adressée aux autorités, y compris le Premier ministre et le ministre des Collectivités locales, Anwar Husnoo, ils soulignent que le conseil de district n’a pas fourni les structures de base nécessaires, notamment des cintres, essentiels pour exposer les vêtements de manière appropriée. Ils remettent également en question la suggestion selon laquelle les structures devraient être quotidiennement montées et démontées, la considérant dénuée de sens et en violation flagrante des conditions existantes.
Aussi, les membres de l’association jurent un affidavit devant la Cour. Sauf que dans son verdict, le juge « refuse de s’immiscer dans les affaires et les prérogatives du District Council », au grand dam du syndicat, qui fait alors appel de ce jugement. L’affaire sera appelée le 10 juin. Refusant de jeter l’éponge, les hommes de loi des commerçants tentent une nouvelle stratégie, à travers un affidavit signé cette fois par une maraîchère. Sauf que pour des raisons qu’ils ignorent, cette dernière a finalement fait marche arrière. Les mauvaises langues prétendent que ce rétropédalage serait lié aux faveurs dont ladite maraîchère aurait bénéficié s’agissant de l’emplacement et de la largeur de l’étal qui lui a été octroyé.
« Mots vulgaires et orduriers »
Quatre mois après l’inauguration du nouveau bazar, une poignée de commerçants refusent de lâcher du lest. Pas question de s’y installer tant que le tribunal n’a pas tranché. L’affaire prend une autre tournure le 23 avril dernier. Une date à marquer d’une pierre noire pour les maraîchers qui ont vu débarquer, au vieux bazar, une bande de nervis qui graviteraient autour du pouvoir. « Ils ont usé des mots vulgaires et orduriers à l’endroit de ces pauvres marchands en leur intimant l’ordre de prendre leurs quartiers dans le nouveau bazar tout en leur interdisant de décharger leurs marchandises ce jour-là  », affirme Iswarduth Gunness. L’objectif visait à instiller la peur dans le cœur de quiconque voudrait s’opposer aux décisions prises par les autorités. Une déposition est faite au poste de police de Goodlands… sauf que les locataires n’étaient pas au bout de leurs peines !
Quelques jours plus tard, un important dispositif des forces de l’ordre est déployé autour du vieux bazar. Iswarduth Gunness interprète cette démarche comme une nouvelle tentative d’intimidation à l’égard des récalcitrants. « Ces policiers ont bloqué l’accès au vieux bazar en précisant que les directives venaient du conseil de district. Cependant, nous avons présenté nos documents pour leur montrer que nous sommes en litige devant les tribunaux », confie le syndicaliste. Face à ce qu’il qualifie de « blocage illégal », ce dernier brandit la menace d’une manifestation devant le Parlement. « Nous avons finalement consenti à ne pas manifester après l’intervention du commissaire de police. Les marchands ont continué à travailler dans le vieux bazar », souligne le syndicaliste.
Ils ont désormais les pieds et poings liés et se disent stressés, au point de ne pas trouver le sommeil la nuit. « On avait cru récolter le fruit de notre dur labeur, mais on s’est mis le doigt dans l’œil. Nous lançons un appel au Premier ministre. Rétablissez le culte du mérite et de l’effort en faisant la lumière sur cette sombre affaire », confie un maraîcher.