Au tribunal, Me Raouf Gulbul demande aux autorités d’assurer la sécurité du suspect, jusqu’à novembre dernier la terreur de la SST, face à la colère de la rue et réclame une cellule en solo pour la détention provisoire
Confirmation des trois charges provisoires contre le SP Jagai pour un montant de Reward de Rs 83,2 millions, détournés en trois temps entre août 2022 et septembre 2024
Trois cautions de Rs 750 000 chacune et Bond de Rs 2,5 millions imposé à l’ACP Dunraz Gangadin, avec pour condition expresse du tribunal que « illicit money, i.e. Reward Money, should not be used for bail »
L’ambiance de haute tension, régnant depuis très tôt, hier matin, à la Salle des Pas Perdus et dans l’enceinte de la New Court, en prévision de la comparution du surintendant de police Ashik Jagai, l’un des principaux protagonistes dans l’opération DeepCode avec le scandale de Reward Money de Rs 250 millions, traduit la profonde colère des victimes des abus de la Police Headquarters Special Striking Team et du public en général. En effet, ils étaient nombreux, dont en tête Bruneau Laurette, le chanteur Raquel Jolicoeur ou encore Ivann Bibi, à assurer leur présence physique et à l’aide de pancartes, avec pour principal message que le dénommé Ashik Jagai ne doit pas bénéficier de caution pour au moins les six prochains mois. Ils ont réservé un accueil des plus hostiles à celui-ci de même qu’à l’assistant commissaire de police Dunraz Gangadin, qui a comparu en Cour en fin de matinée pour sa remise en liberté. Les renforts de la police, avec en soutien des éléments du Groupement d’Intervention de la Police Mauricienne (GIPM) et des membres de la Special Supporting Unit, ont eu fort à faire pour garder à distance ceux qui voulaient s’approcher des deux suspects principaux pour leur réclamer des comptes.
Dans la conjoncture, la préoccupation majeure de Me Raouf Gulbul, un régulier de la profession légale depuis le début de cette année pour assurer les intérêts des suspects au QG de la Financial Crimes Commission, concerne la sécurité de son client. Intervenant lors de la comparution d’Ashik Jagai, il a demandé à la Cour d’intervenir auprès des autorités compétentes pour que la sécurité du surintendant de police, qui a passé une première nuit au Kaso du poste de police de Coromandel, soit assurée et qu’il soit placé en détention en solo dans une cellule. L’ancien patron de la PHQ Special Striking Team a été Remanded to Police Cell avec la reprise de son interrogatoire par des limiers de la Financial Crimes Commission, dont la Woman Chief Inspector Raymond.
Avec ces deux anciens responsables de la Police Headquarters Special Striking Team (PHQSST), l’assistant commissaire de police (ACP) Dunraz Gangadin et le surintendant Ashik Jagai annoncés au tribunal de Port-Louis, hier, une foule hostile s’était massée devant la New Court House lançant des injures, des propos insultants et dégradants, et autres menaces contre le duo. Ces derniers n’auraient jamais imaginé une telle colère à leur égard alors qu’ils étaient considérés jusqu’à la fin de l’année, voire même récemment, comme des intouchables en haut lieu sous le précédent régime.
Tout d’abord, l’ACP Dunraz Gangadin a été le premier à faire son entrée à la New Court House. Il était encadré d’officiers de la Special Support Unit (SSU) et de la Financial Crimes Commission pour assurer sa protection. Une fois à la rue Pope-Hennessy, des membres du public se sont mis à lui lancer des injures et l’accusent d’avoir fait du tort à des individus lorsqu’il était à la tête de la SST. « Rann kas la ta voler », « To’nn fer dimounn soufer », « Lerwa planter twa! Azordi to pe peye », « Karma inn ratrap twa move ***». Tels sont des quolibets auxquels le haut gradé a dû faire face dès son entrée. Il a été conduit directement à la Court Room No.4 alors que le magistrat Prashant Bissoon présidait déjà d’autres cas.
L’ACP Dunraz Gangadin a été placé sur un banc où des policiers assuraient sa sécurité de tous les côtés. Il y avait même des membres de la SSU avec des matraques et des armes à feu devant la porte de la salle d’audience. Ces derniers veillaient à ce qu’aucun individu ne tente de s’approcher de l’ancien responsable de la Special Striking Team.
La Senior Investigator Nuckchedy de la Financial Crimes Commission a informé la Cour du Status of Enquiry. Elle a confirmé que les enquêteurs ont enregistré plusieurs Statements auprès de l’ACP Gangadin depuis son arrestation il y a trois semaines. Cela avant de lancer que « there is no objection for a release on bail ».
Me Yash Bhadain a ainsi informé le tribunal qu’il n’y a pas lieu pour lui d’aller de l’avant avec sa Bail Motion prévue hier. Le magistrat Prashant Bissoon a imposé trois cautions de Rs 750 000 chacune et une reconnaissance de dette de Rs 2,5 millions. En plus, le haut gradé devra respecter d’autres conditions comme ne pas interférer avec des témoins, résider à une adresse fixe, avoir un numéro de téléphone où il sera disponible pour les besoins d’enquête ; et il devra se présenter au poste de police de sa localité quotidiennement entre 6h et 11h. Le tribunal a pris le soin d’enjoindre le suspect que les conditions pécuniaires doivent être réglées par Bank Cheques et qu’en aucun cas « illicit money, i.e ; Reward Money should be used for bail. »
Lorsque l’ACP Gangadin a pu quitter la salle d’audience pour aller régler sa caution à la caisse, la police a dû l’escorter une nouvelle fois. L’activiste Bruneau Laurette, le chanteur Raquel Jolicoeur et d’autres personnes qui étaient contre la méthode de la Special Striking Team n’ont pas manqué de faire des commentaires à l’encontre de haut gradé de la police, aujourd’hui interdit de fonctions. Ce dernier est demeuré silencieux. Il est ensuite revenu dans la salle d’audience pour se présenter devant le magistrat Prashant Bissoon une nouvelle fois pour confirmer le paiement de sa caution. Bien que libre, l’ACP Gangadin ne pouvait pas marcher sans crainte car la foule l’attendait dans la rue. Ce sont des éléments de la SSU, munis de Shields, qui l’ont escorté dans un 4×4 à la rue Pope-Hennessy alors que la foule ne cessait de vertement l’insulter.
Puis, le SP Ashik Jagai, coiffé d’un casque protecteur et portant un gilet pare-balles réservé à des High Profile Suspects, a fait son entrée à la New Court House vers 13h40 sous des huées des membres du public. Plusieurs unités de la police avaient fort à faire pour empêcher des membres du public en colère de s’approcher de lui. Même des personnes se trouvant à l’intérieur du bâtiment pour des procédures légales n’ont pas manqué de lui dire le fond de leur pensée dans un langage fleuri.
L’ancien responsable des opérations de la SST n’a pas échappé aux invectives comme « ta voler », « to boure », « karma inn ratrap twa », « sef planter ». Cette scène humiliante pour le SP Jagai s’est déroulée devant ses collègues, de grade inférieur, postés en tant que Court Orderlies, des employés du judiciaire, et des membres de la profession légale alors qu’il empruntait les escaliers pour accéder à la Court Room No.4 au premier étage. La SSU a immédiatement fermé la porte une fois le principal concerné à l’intérieur.
Ashik Jagai a pu enlever le gilet et le casque de protection dans la salle d’audience. Il affichait une mine renfrognée car il était visiblement irrité par ce qui venait de se passer. Mais, il est resté imperturbable, même lorsque Me Akil Bissessur lui a dit : « To fer ar-marsyo twa »… Sur ce, un officier de la Financial Crimes Commission a demandé à l’homme de loi de faire preuve de revenue dans la salle d’audience. Le suspect s’est entretenu avec son avocat, Me Gulbul, pendant un moment.
Lors de la séance, la Woman Chief Inspector (WCI) Raymond a confirmé que Ashik Jagai a été arrêté, mercredi, et que d’autres protagonistes doivent encore être entendus dans le cadre de cette enquête. Trois accusations provisoires de « Public official making use of his position for a gratification for another person » ont été logées contre lui. Premièrement, la Financial Crimes Commission lui reproche d’avoir recommandé une False Claim de Reward Money pour des informateurs. Une somme de Rs 7 millions a été payée au sergent Yusuf Hossen de son équipe alors que ce dernier n’est pas un Handler pour le cas OB 39/2022. Deuxièmement, il aurait recommandé un Overpayment de Rs 62 701 500 comme Reward Money pour payer les informateurs entre août 2022 et avril 2024. Ces Claims ont été soumis par le Sgt. Hossen alors que la FCC estime que le SP Jagai aurait dû réclamer que Rs 3 188 500. Troisièmement, entre août 2024 et septembre 2024, il a une nouvelle fois réclamé un Overpayment de Rs 17 301 000 à travers le Sgt.Hossen ; alors qu’il n’aurait dû recommander que Rs 292 300. La police a objecté à la remise en liberté conditionnelle du SP Jagai en évoquant les risques d’interférence avec des témoins et avec des preuves.
De son côté, Me Gulbul a voulu obtenir des éclaircissements quant à la sécurité de son client. La WCI Raymond a confirmé que l’ex-patron de la SST a passé la nuit de mercredi au poste de police de Coromandel. Sauf qu’il y a eu un petit incident sur place car il n’y a pas de caméras de surveillance dans les cellules et de surcroît ; le SP Jagai ne souhaite pas qu’un autre détenu soit placé dans la même cellule que la sienne pour des raisons de sécurité. Son avocat a demandé à la Cour d’orienter ses doléances vers la police. Après consultation avec ses collègues, la WCI Raymond a indiqué qu’il n’y avait pas de cellule disponible mercredi soir et raison pour laquelle le SP Jagai a été emmené à Coromandel ; et que la Financial Crimes Commission a pris des dispositions pour le transférer au Moka Detention Centre à hier après-midi.
Me Gulbul a aussi fait ressortir qu’il y a eu une foule hostile à l’extérieur de la New Court House et dans le bâtiment. Et ce, avant d’ajouter que des personnes ont attaqué l’intégrité de son client. Il a souhaité une présence policière accrue dans les différentes Exits de la Cour. Et ce, avant de plaider pour que le SP Jagai puisse bénéficier du privilège d’utiliser l’accès direct dans la salle depuis l’intérieur (Indoor Access) à partir du parking au lieu du passage par la rue Pope-Hennessy pour des raisons de sécurité. La Cour a accédé à cette demande.
C’est justement en face de la Sterling House que le cortège transportant le SP Jagai pour la suite de sa détention a quitté l’enceinte du tribunal sous les huées de la foule. Le policier était déjà dans un véhicule et le public présent n’a pu le voir lors de son départ.
Bruneau Laurette chassé de la New Court House par la SSU
La SSU a temporairement pris en chasse Bruneau Laurette de la New Court House après l’arrivée du SP Jagai. Alors que quelques anciens membres de la SST étaient présents où ils réclamaient davantage de sécurité pour leur ancien patron. Bruneau Laurette a poursuivi son mouvement dans la rue avec les autres personnes présentes.
Akil Bissessur réprimandé
pour usage de son cellulaire
À l’issue de la séance sur l’inculpation du SP Jagai, des policiers s’affairaient avec ce dernier pour l’aider à remettre son casque. Alors que le magistrat Prashant Bissoon avait déjà levé la séance, Me Akil Bissessur a, lui, sorti son cellulaire pour pointer en direction du haut gradé. Un policier de la cour l’a réprimandé lui rappelant que l’utilisation de cet appareil est interdite en salle d’audience. Akil Bissessur est sorti sans rien dire.
De son côté, la police se dit prête à loger une plainte pour Contempt of Court si jamais des photos ou des vidéos de la salle d’audience sont diffusées sur les réseaux sociaux.