Ce lundi 16, devant la Cour de district de Curepipe, le représentant du Directeur des Poursuites Publiques (DPP) est revenu sur le calvaire bouleversant de Keerpanand Beedassy, un amputé qui souffrait atrocement et que le personnel de l’hôtel Tamassa avait laissé à son sort dans sa chambre, malgré les multiples appels à l’aide de son neveu, qui était à son chevet. C’était lors d’une nouvelle séance de l’enquête judiciaire pour faire la lumière sur les circonstances durant lesquelles sont morts douze dialysés en traitement au New Souillac Hospital durant la pandémie de Covid-19.
À cet effet, Vinaye Soodoo a été appelé à la barre des témoins. Répondant aux questions de Me Michael Ah-Sen, représentant du DPP, ce boucher dans la quarantaine, habitant Rose-Belle, a décrit le calvaire qu’a subi son oncle, Keerpanand Beedassy, à l’hôtel Tamassa entre le 27 et le 29 mars 2021. Me Ah-Sen avait présenté une motion antérieurement pour que Vinaye Soodhoo soit convoqué pour témoigner, suite au témoignage de l’épouse du défunt, Keeran Beedassy, en Cour le 3 juin dernier, qui avait décrit le rôle de son neveu dans cette affaire.
Keerpanand Beedassy, un diabétique, avait besoin de trois séances de dialyse par semaine, d’une durée de trois heures chacune, qu’il suivait au New Souillac Hospital. Le 11 mars 2021, il avait été amputé d’une jambe dans une clinique privée, pour cause de diabète. Suite à un exercice de Contact Tracing, une ambulance était venue le chercher chez lui à New-Grove le 27 mars 2021 pour le placer en quarantaine à l’hôtel Tamassa.
Sa femme, Keeran Beedassy, ne pouvait rester avec lui en quarantaine, vu qu’elle avait trois enfants sous sa responsabilité. Elle avait ainsi demandé à son neveu, Vinaye Soodhoo, de bien vouloir rester avec lui en quarantaine. Ce dernier était allé à l’hôtel Tamassa le 28 mars 2021, et était arrivé sur place vers les 10 h 30. Il avait expliqué à un préposé, dont il ne se souvenait plus du nom, qu’il voulait rester dans la chambre de son oncle et s’occuper de lui. Le préposé n’avait objecté à cette démarche.
Me Ah-Sen (MA): Un officier du ministère de la Santé vous avait accompagné jusqu’à la chambre de Keerpanand Beedassy ?
Soodhoo (VS) : Oui.
MA : Est-il entré à l’intérieur ?
VS : Non. Il est resté devant la porte et il est ensuite parti.
MA : Vous êtes ensuite entré dans la chambre ?
VS : Oui.
MA : Que faisait votre oncle?
VS : Il était assis sur son lit. Il pleurait et se plaignait de douleurs atroces sur tout son corps.
MA : Pouvait-il se mouvoir ?
VS : Non, il ne pouvait quitter le lit sans assistance.
MA : Les infirmières faisaient-elles des rondes pour visiter les patients ?
VS : Non.
MA : Qu’avez-vous fait ensuite ?
VS : Je suis descendu à la réception. Il y avait un préposé. Je lui ai dit que mon oncle souffrait atrocement, et si on pouvait envoyer quelqu’un venir le voir. Il m’a dit qu’il allait envoyer quelqu’un. Je suis retourné dans la chambre de mon oncle.
MA : Quelqu’un est-il venu ?
VS : Non, personne.
MA : Que s’est-il passé ensuite ?
VS : Mon oncle a passé toute la journée à souffrir, à pleurer et à se plaindre. Il me disait sans cesse : « mo pou mor… mo pou mor. » J’ai essayé de le réconforter.
MA : Vous êtes redescendu à la réception une deuxième fois pour alerter les infirmières, parce que votre oncle souffrait trop ?
VS : Oui.
MA : Connaissez-vous les noms des infirmières affectées à la réception ?
VS : Non.
MA : Et ensuite ?
VS : J’ai regagné la chambre.
MA : Quelqu’un est-il venu ?
VS : Non, personne.
MA : À un moment donné, vous êtes redescendu à la réception une troisième fois ?
VS : Oui. Il y avait cette fois-ci un homme.
MA : Connaissez-vous son nom ?
VS : Non.
MA : Que vous a-t-il dit ?
VS : Il m’a dit qu’il allait venir voir mon oncle dans un instant. Il a pris le numéro de mon portable.
MA : Il était venu par la suite ?
VS : Non, il n’était jamais venu.
MA : Le 29 mars 2021, vers 1 h du matin, votre oncle avait été transféré au New Souillac Hospital ?
VS : Oui.
MA : Saviez-vous qu’il allait être transféré ?
VS : Oui. Juste avant, une personne inconnue m’avait appelé sur mon portable et m’avait dit qu’on allait venir prendre mon oncle pour l’emmener vers un hôpital. Il n’avait pas précisé de quel hôpital il s’agissait. J’ai aidé mon oncle à mettre ses vêtements, et mis ses affaires dans son sac. Ce n’est que plus tard que j’avais appris qu’il était positif à la Covid-19. Deux personnes sont venues et l’ont mis sur une civière. On m’avait dit que je ne pouvais pas l’accompagner à l’hôpital.
MA : Le 27 et le 28 mars 2021, il n’avait pas subi ses séances de dialyse ?
VS : Non.
MA : Ce n’est que le 29 mars qu’il a subi une séance de dialyse ?
VS : Oui.
MA : Avait-on changé ses bandages sur sa jambe amputée depuis son arrivée à l’hôtel Tamassa le 28 mars ?
VS : Je ne suis pas au courant.
MA : Il est mort le 29 mars ?
VS : Oui.
MA : Comment avez-vous appris cela ?
VS : Ma tante, Keeran Beedassy, m’avait appelé pour me dire qu’il était mort. Elle m’a aussi dit qu’il avait été testé positif à la Covid-19.
Une fois la fin du témoignage de Vinaye Soodhoo, la magistrate Shavina Jugnauth, qui préside cette enquête judiciaire, a mis fin à la séance. Cette affaire reprendra aujourd’hui avec l’audition d’un autre témoin.
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