Parents de toxicomanes : Dernier week-end SEL de Lakaz A pour 2025

Cadress Rungen : « Nou pe al drwat lor enn explozyon sosyal ! »

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Le Groupe A de Cassis/Lakaz A organise, jusqu’à dimanche, le dernier week-end SEL (Solidarité, Épanouissement, Libération) pour cette année. Il sera abrité comme à l’accoutumée par le Foyer Fiat, à Petite-Rivière. Destinée aux parents de toxicomanes, cette session résidentielle se veut « une formation destinée spécifiquement aux parents qui vivent avec leurs enfants toxicomanes, pour les aider à faire le point, comprendre, accepter et vivre avec leurs traumatismes et souffrances ». Et surtout, ajoute explique Cadress Rungen, fondateur du Groupe A de Cassis/Lakaz A : « Savoir comment faire face à cette cruelle et dure réalité dans laquelle ils vivent au quotidien. Pour pouvoir, à partir de là, ne plus se laisser abattre par ces situations extrêmes où les violences – physiques, psychologiques et verbales – sont omniprésentes. Les armer, en quelque sorte, afin qu’ils puissent vivre avec leurs enfants, en dépit de tous les problèmes que cela implique. Leur apprendre à se relever, trouver des forces par des liens de solidarité avec d’autres mamans et papas qui passent par les mêmes traumas. »

Cela fait plus d’une dizaine d’années que cette Ong multiplie ses efforts pour encadrer, écouter et soutenir les parents des toxicomanes. « Ce sont des drames humains sans comparaison, parfois insoutenables, que vivent ces mères et ces pères de famille », ajoute le travailleur social. En marge de cette nouvelle édition du Week-end SEL, Cadress Rungen ne cache pas ses vives inquiétudes : « Avec l’infestation des drogues synthétiques dans les moindres recoins du pays, où aucun quartier ni village n’est plus à l’abri, et face au manque de réactions de la part des autorités, je crains fort que nous allions vers une situation irréversible… Nou pe al drwat lor enn explosyon sosyal ! »

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Il renchérit : « Paran nepli kone ki laport pou tape ! Imaginez vivre avec un toxicomane sous votre toit : ve dir pa dormi, res vey li, tansion enn kout li vinn violan si li pann gayn so doz ! Rester vigilant, être aux aguets également, parce que dans des accès de manque ou de colère, parce qu’il ou elle n’obtient pas les sous de ses parents, l’accro aux drogues devient agressif et violent. C’est un cauchemar permanent que ces pauvres diables vivent chaque jour… Leur calvaire dure tout le temps et ils n’ont aucun centre, aucune aide. Nous, à Lakaz A, nous aidons autant que nous pouvons, mais nous ne pouvons pas toucher tous les parents de Maurice ! »

Cadress Rungen dit ressentir beaucoup de tristesse face aux souffrances dans lesquelles vivent ces parents. « Je ne compte plus combien de mamans acceptent de se faire humilier par leurs proches et parents, ou voisins, parce qu’elles empruntent de ces personnes, parce qu’elles ont épuisé leurs maigres économies et pensions de retraite, pour donner à leurs enfants, afin que ceux-ci aillent acheter leurs drogues. Sa bann mama-la tann zoure swa ek zot mari, zot bann fami, vwazin… Partou kot zot ale, tret zot mama soutirer ek tou kalite lezot mo denigran, imilian » ; concède-t-il.

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« Combien de Mauriciens essaient de se mettre à la place de ces mères de famille, demande encore le travailleur social ? Combien de personnes essaient-elles d’imaginer ce qu’elles endurent chaque jour ? Pourtant, malgré toutes les difficultés comme devoir aller au poste de police à n’importe quelle heure, se sauver et abandonner sa maison parce que la victime de drogues devient violente et commence à tout casser, ces femmes résistent et continuent à prendre soin de leurs enfants, de leur famille. C’est dur d’avoir à encaisser tout ça ! » fat-il ressortir.

Travailleur social de la première heure, quand le Brown Sugar débarquait à Maurice et ravageait les jeunes de l’époque, Cadress Rungen avance: « je n’aurais jamais imaginé que la situation se serait aggravée à ce point-là ! Zordi zour, zanfan pe bat mama, papa… Pe pik kouto ar zot. Papa pe touy zanfan akoz sou lanpriz bann ladrog… La situation devient intenable ! » Pourtant, les autorités sont au courant, dit-il. « Alors pourquoi ce manque de réactivité ? Nos prisons débordent de consommateurs de drogues. Mais où sont les marchands de la mort ? Kot bann baron ? Sont-ils à ce point intouchables ? »

Revenant sur le dernier week-end SEL de 2025 qu’organise le Groupe A de Cassis/Lakaz A, au Foyer Fiat, Cadress Rungen affirme que le quotidien de ces mères et pères de famille se dégrade de jour en jour. Il fait aussi allusion au récent crime odieux du propriétaire de Marks Aquarium et ancien enseignant de chimie, ainsi que les ramifications éventuelles avec l’un de ses fils toxicomanes.

Manque de réactivité

Les autorités, est-il d’avis, sont trop peu réactives. « Ce qui me désole le plus, c’est que durant la campagne électorale, l’an dernier, plusieurs membres de l’opposition d’alors avaient émis le souhait de rencontrer des groupes de parents affectés. Mais aujourd’hui, ces mêmes personnes occupent des postes importants au sein du gouvernement, notamment des sièges ministériels. Touchés et émus par ces témoignages accablants de ces parents, ils avaient promis de faire quelque chose… Mais à ce jour, toujours rien. »

Cadress Rungen poursuit : « Ce n’est pourtant pas difficile. Si l’État pouvait commencer par, au moins, mettre en place une structure ou un comptoir, recenser ces parents, avoir une idée de combien ils sont, où ils habitent, quelles sont leurs particularités, glaner des informations sur les addictions dont souffrent leurs enfants… Tout cela aiderait énormément. Et on aurait une meilleure idée de l’ampleur réelle du problème. Imaginez que nous avons affaire à plus de 200 000 Mauriciens ! »

Documenter et établir une banque de données est donc impératif, selon Cadress Rungen. D’autant que la communauté des Mauriciens dépendant des drogues – qu’il s’agisse de Brown Sugar ou de simik , grandit de jour en jour. Mais pourquoi 200 000 ? « Parce que, selon les approximations, le pays compterait 50 000 toxicomanes, toutes substances confondues. Et l’on sait que dans chaque foyer, il y a trois ou quatre membres. Le calcul est simple ! » répond Cadress Rungen.

Le travailleur social dit cependant ne pas perdre espoir. « Je reste convaincu que l’État, de pair avec la société civile, prendra les décisions et mesures qui s’imposent pour renverser la vapeur. Mettre en place des structures pour que chaque citoyen se sente à l’abri. Convaincu aussi que les agences devant faire régner l’ordre et assurer la sécurité des citoyens mettront en œuvre ce qu’il faut pour que chacun se sente à l’abri. » Il termine : « Nous avons énormément de potentiel, mais aussi de bonne volonté dans notre pays. Chaque Mauricien aime son pays et veut aider. Alor nou marye pike, nou sov nou bann zanfan ek protez nou pei ! »

 Travailleurs sociaux : une espèce en voie de disparition

Cadress Rungen tire la sonnette d’alarme sur l’engagement citoyen. « Dans les années 80’, quand le Brown Sugar débarquait et commençait à faire des ravages à Maurice, surtout dans les régions périphériques de la capitale, des jeunes s’engageaient pour faire reculer l’envahisseur. Nou ti krwar nou pou kapav lager kont baron ek fer ladrog disparet ! » dit-il. « Mais à ce jour, de cette génération d’engagés il ne reste plus grand monde, hélas ! »

« Ally Lazer, Imran Dhanoo et moi-même, nous ne sommes plus très jeunes, et il arrivera un moment où il nous faudra tirer notre révérence », admet Cadress Rungen. « Nous avons dans nos centres des personnes de bonne volonté qui se sont jointes à nos combats et souhaitent aider le plus grand nombre de victimes des drogues et des fléaux sociaux associés, comme le travail sexuel. Ainsi que de soutenir ceux qui gravitent autour des victimes, donc leurs parents et leurs proches. Mais ces bénévoles diminuent d’année en année. »

Car être travailleur social n’est pas un métier où l’on gagne bien sa vie. « Il y a aussi des tonnes de sacrifices à faire, comme s’investir pour aller faire de la prévention et de la sensibilisation dans les quartiers les après-midi, samedis et dimanches compris. »

Aussi, propose Cadress Rungen, pourquoi ne pas professionnaliser les Ong ? « À la charge de l’État d’offrir des “incentives” aux jeunes voulant s’engager dans ce secteur afin de les retenir. Au cas contraire, ils iront voir sous d’autres cieux, où ils gagnent mieux leur vie sans avoir à trop se fatiguer ! »

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