Le grand fracas des crépitements des pétards et des feux d’artifice lors de la Saint-Sylvestre : cette coutume, destinée à faire du bruit pour éloigner les « mauvais esprits », s’est, certes, amenuisée depuis quelques années, mais les Mauriciens seront nombreux à illuminer les rues et le ciel lors du passage à 2026, à minuit. Sauf que tous les témoignages qu’on a recueillis abondent dans le même sens : en l’absence du bonus du 14e mois cette année, pas question de faire des folies.
Au centre-ville de Port-Louis, les pétards et les feux d’artifice fleurissent déjà en cette période sur les étals des différents types de commerces. Les gens s’accordent à dire qu’ils s’organiseront pour préserver la magie de la Saint-Sylvestre sans pour autant dépenser des sommes astronomiques sur les pétards. Franco, qu’on a rencontré à la rue Farquhar, soutient que « l’augmentation des prix des denrées alimentaires a mis à mal mes finances, mais comme mes enfants, mon épouse et moi-même sont des férus de pétards et de feux d’artifice, on augmentera un peu le budget consacré à cela. » Sa benjamine Reena semble avoir jeté son dévolu sur l’incontournable pétard cerf, en promotion à Rs 40, le pétard Tigre, à Rs 400, en passant par ceux plus imposants à plus de Rs 1000.
À côté d’elle Juanita, qui était accompagnée de ses deux enfants en bas âge, abonde dans le même sens « On a beaucoup dépensé d’argent l’année dernière avec le bonus du 14e mois, mais tel ne sera pas le cas cette fois-ci. Il est hors de question que je fasse des folies, mais disons que mes enfants, qui sont des fans de pétards et de feux d’artifice, méritent de connaître les joies et l’adrénaline de ces grandes détonations qui font partie du folklore local. »
Cette tradition bien ancrée dans les mœurs mauriciennes depuis des décennies en cette période de l’année est un marché lucratif pour les importateurs et les commerçants de ces produits. Sauf que compte tenu de la flambée des prix, la concurrence déloyale et la baisse du pouvoir d’achat, les ventes sont en baisse depuis 2022. Mais les choses risquent d’être différentes cette année, à en croire Alain Fok Shak, le Marketing Manager de Wing Tai Chong Ltd, le plus grand commerçant de pétards à Maurice. « Le tarif d’un conteneur a augmenté depuis cinq ans, sans compter la dépréciation de la roupie et la diminution des frets. Du coup, les importations avaient diminué de 30% et les commandes n’étaient plus honorées. La tendance semble s’être inversée cette année et je reste persuadé que les ventes augmenteront quand bien même les Mauriciens ne dépenseront pas des sommes folles dans ces produits. »
Les hôtels font table rase
Un responsable de Fire Crackers Store à Sainte-Croix souligne également que les ventes devraient être moins moroses cette fois-ci, malgré la flambée des prix : « On ne s’attend pas à des ventes record, mais en dépit de la baisse de leur pouvoir d’achat, il y a comme une envie de tout faire éclater, au sens figuré, de la part des Mauriciens qui se sont retenus durant ces trois dernières années et qui voudront commencer l’année 2026 sur de nouvelles bases. » Même son de cloche du côté d’Irfan Mohamed, responsable des rayons d’un supermarché à Triolet : « Il est encore trop tôt pour faire des prévisions concertant les ventes. En revanche, force est de constater que le supermarché dispose d’un stock plus conséquent que les trois dernières années. Certes, les Mauriciens ont eu tendance à être plus prudents et à faire des économies ces dernières années, mais l’envie de passer à autre chose est palpable. »
Les importateurs commandent deux types de pétards et de feux d’artifice : pour les familles et pour les grands événements. Contrairement aux années précédentes, lorsqu’ils étaient durement touchés par la crise, les hôtels ne comptent pas lésiner sur les moyens pour la Saint-Sylvestre pour le passage du Nouvel An. « Nous avons fait table rase cette année et chassons les vieux démons ! Nous proposerons un spectacle tout aussi majestueux que les années précédentes. Les feux d’artifice éblouiront les touristes, dont beaucoup visitent Maurice pour la première fois », nous confie le directeur d’un groupe hôtelier situé dans l’Ouest.
Quoi qu’il en soit, la prudence s’impose pour limiter les accidents récurrents qui ponctuent chaque année les festivités. Très prisés surtout des enfants, ces feux artifice doivent être manipulés avec vigilance et sous la surveillance d’un adulte, d’autant que l’on note depuis quelques années un accroissement insupportable de détonations de pétards pouvant être confondues à celle de bombes artisanales.
Le personnel hospitalier encore et toujours
ll n’y a jamais de trêve pour les soins, car les maladies, les blessures ainsi que les naissances ne s’arrêtent pas les jours de fête. Du personnel administratif chargé de l’accueil, en passant par les infirmiers, les aides-soignants et les médecins, ils seront nombreux à se relayer dans les hôpitaux ou cliniques au premier jour de l’an 2026. « Mains abîmées à cause des pétards, blessures à l’œil suite à une mauvaise manipulation de fusée, accidents de la route, blessures au couteau. Voici le lot d’incidents auxquels on a eu affaire l’année dernière. Avec le nombre croissant d’hospitalisations, nou pou fer zigzag ankor sa kou-la », nous confient des infirmiers de l’hôpital Victoria à Candos, qui lancent un appel à la population pour « tripler de vigilance cette fois. » À l’image des pompiers ou des policiers, les personnels d’urgence du SAMU seront également présents afin de répondre aux éventuelles urgences médicales.
La force paramilitaire sur le qui-vive
Les hommes de la National Coast Guard (NCG) et de la Special Mobile Force (SMF) ne chômeront pas non plus et seront sur le qui-vive en cette période de festivité pour parer à toute éventualité, comme ça a pu être le cas les années précédentes avec les grosses pluies arrosant le pays, avec les risques d’inondations. Au sein des compagnies de la force paramilitaire, une cinquantaine d’hommes se relaieront par rotation de 24 heures. Concrètement, cela fait que ces opérations sont de service 72 à 96 heures par semaine. Pas de répit non plus pour les sapeurs-pompiers, qui assureront leur tour de garde comme les autres jours de l’année sur deux shifts : de 8h à 16h et de 16h à 8h. Environ 3 000 pompiers seront mobilisés, prêts à intervenir sur l’ensemble de l’île. Ils proviennent des 10 casernes de Curepipe, Quatre-Bornes, St-Aubin, Mahébourg, Flacq, Piton, Triolet, Port-Louis, Coromandel et Tamarin. En plus de devoir lutter contre les flammes, les soldats du feu sont aussi appelés à intervenir en cas d’inondations ou pour sauver des vies d’animaux.

