Plastique à usage unique : Confusion, incompréhension et inquiétude chez les opérateurs

– Certaines dispositions légales jugées « floues » et « discriminatoires » envers les producteurs locaux

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La décision du gouvernement d’imposer une loi pour bannir l’utilisation du plastique à usage unique sème une pagaille sans précédent dans le secteur de la grande distribution et chez les producteurs locaux et les importateurs. Un flou total règne à ce niveau et après plusieurs moratoires, les opérateurs ne comprennent toujours pas comment emballer et vendre certains produits en rayon. Il faut savoir que dans les supermarchés, la grande majorité des produits sont dans des emballages plastiques (sachets, pots, barquettes, flacons, bouteilles, etc.) que ce soit pour l’alimentation, les produits frais et congelés, les détergents ou les boissons et autres. Bannir le plastique, c’est facile, mais trouver des solutions de remplacement, c’est une autre paire de manches…

Dans les milieux concernés, les sentiments varient entre l’incompréhension totale et la colère, en passant par l’inquiétude. Car c’est tout un pan de produits fabriqués localement et de produits importés qui risquent de disparaître des rayons si la loi est appliquée dans toute sa rigueur… « Nous avons eu moratoire sur moratoire. Il aurait fallu avancer par étapes avec le plastique. Pour les autorités, c’est plus facile de bannir un produit sans réfléchir aux conséquences plutôt que de venir de l’avant avec une vraie politique de recyclage des déchets plastiques, qui serait financée par toute la chaîne de production et de distribution jusqu’au consommateur, et dont l’objectif serait de graduellement réduire les déchets plastiques. Mais le gouvernement a préféré la facilité », explique le directeur d’un supermarché.

Un autre gérant de supermarché et qui, lui aussi, préfère garder l’anonymat pour éviter des représailles, déclare : « Comme d’habitude, tout a été mal planifié, et c’est la cacophonie ! Cette loi défavorise beaucoup d’entreprises et il y a beaucoup de flou sur les différents produits, à commencer par la charcuterie. Au ministère, personne n’est capable de nous dire exactement les produits qu’on a le droit de vendre ou pas. D’ailleurs, vous aurez remarqué que dans des supermarchés, certains produits ont disparu. »

Dans certaines grandes surfaces, on peut même voir de petites notes trônant devant des rayons vides, suivant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur le plastique depuis le 15 avril. Des notes disant que la direction du supermarché s’excuse d’avoir été obligée d’enlever les produits concernés des rayons à cause de la nouvelle loi… « Que ce soit le ministère du Commerce, les inspecteurs de l’environnement ou la police régulière, personne ne sait sur quel pied danser. Et moi, par précaution, j’ai préféré refuser ces produits à mes fournisseurs afin de ne pas les présenter sur mes rayons pour éviter des ennuis. Mais ce n’est pas faisable de procéder ainsi. Il aurait fallu s’y prendre autrement et par étapes. »

Du côté des fabricants locaux également, le stress monte. Certains déplorent que « certaines provisions de la loi sont floues et discriminatoires ». Par exemple, un opérateur mauricien emballe des lardons en barquette en plastique et se retrouve en difficulté. La loi ne permet plus d’importer ces barquettes seules, l’opérateur ne sait pas commencer à emballer son produit et, le comble, c’est que des produits similaires sont autorisés à entrer au pays. « Finalement, la loi pénalise l’industrie locale, car le gouvernement a indiqué que les produits importés peuvent continuer à entrer », souligne cet opérateur.

Mais si la loi introduite par le gouvernement est appliquée dans toute sa rigueur, une foule de produits importés ne pourront plus rentrer au pays et beaucoup de fabricants locaux seront en difficulté. Le même problème se pose aussi pour les glaces, crèmes glacées, sorbets, boissons gazeuses, détergents, shampoings, produits de beauté, produits frais et congelés, entre autres. Pour les fabricants de glace, « au début, on leur a dit de ne plus vendre dans des conteneurs » en plastique ! « Ils se sont alors demandé comment vendre un litre de glace dans un carton et on leur a fait comprendre qu’ils doivent “se débrouiller”, mais par contre, on autorise les glaces importées dans des conteneurs en plastique ! Où est la logique ? C’est une politique de deux poids, deux mesures qui rend amer les fabricants locaux avec lesquels nous travaillons. Et nous les comprenons », raconte le gérant d’une grande surface.

Le problème se pose également pour les fabricants de yaourts : « Est-ce qu’il va falloir mettre les yaourts dans des pots en verre ? Mais ça sera pire pour le recyclage. Et pour l’huile ? Est-ce qu’elle sera vendue dans des bouteilles en verre ? Et quid du beurre vendu dans des boîtes en plastique ? » demande-t-on. Autre inconvénient : bannir le plastique pour les produits congelés. Qu’arrivera-t-il à la volaille en morceaux, aux abats et à tous les produits en sachets, comme les nuggets, burgers, saucisses, etc., et pour lesquels le carton n’est pas vraiment adapté, d’abord et avant tout parce qu’il est opaque et ne permet pas au consommateur de voir le produit avant de l’acheter.

« Quand ils ont décidé de passer cette loi, ils n’ont pas réalisé à quel point sa mise en œuvre serait compliquée dans la pratique », souligne un opérateur de la grande distribution. « Pour les sacs en plastique, le “fast-food” et le “take away”, ça va, mais pour le reste, c’est très compliqué à gérer et à mettre en place », poursuit-il. Cela d’autant que 90% des produits en supermarché sont dans des emballages plastique.

Complètement perdus et livrés à eux-mêmes, les opérateurs racontent que « quand nous téléphonons à des Health Inspectors pour avoir des informations sur ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas, ils n’arrivent même pas à nous répondre clairement ». Le plus simple à mettre en œuvre dans cette loi aura sans doute été l’abolition des pailles en plastique, mais que faire des petites briques de jus importé qui arrivent avec une paille en plastique intégrée à l’emballage ? Ce type de produit devrait logiquement être banni à l’importation…

Un autre débat soulevé par la nouvelle loi concerne les bouteilles en polyéthylène téréphtalate (PET), largement utilisées par les embouteilleurs locaux pour l’eau, les jus et les boissons gazeuses. Par quoi seront-elles remplacées ? « Si les embouteilleurs réintroduisent le verre, imaginez les effets sur le ramassage, le lavage, les livraisons et toute la chaîne logistique… Tous leurs coûts seront multipliés par deux et ils risquent de perdre une bonne partie de leur chiffre d’affaires… » observe-t-on.

Concernant les détergents, la lessive et les produits assouplissants, également vendus dans des logements en plastique, les mêmes appréhensions demeurent. Le directeur d’une grande surface résume l’état d’esprit des opérateurs en ce moment : « Jusqu’à maintenant, on passe de moratoire en moratoire, et nous sommes dans une période de Covid. Mais que se passera-t-il le jour où les inspecteurs du ministère feront leur tournée dans les grandes surfaces ? Tous nos produits seront-ils saisis ? »

Kavy Ramano : « Aucun compromis n’est possible »

– Des discussions entamées avec les embouteilleurs concernant les bouteilles PET

Le ministre de l’Environnement, Kavy Ramano, a été on ne peut plus clair mardi dernier à l’Assemblée nationale : « Aucun compromis n’est possible dans la protection de l’environnement si nous voulons protéger les générations futures. Il faut avoir la force de ses convictions et il fallait venir de l’avant avec un “cut-off date”. » Il explique que des consultations ont été menées « avec toutes les parties prenantes » que ce soit pour les produits interdits ou encore pour fixer les “cut-off dates”.

Le ministre dit s’être assuré que deux critères fondamentaux soient respectés, soit d’abord l’existence des produits alternatifs sur le marché, mais aussi que ces produits alternatifs soient accessibles à des prix raisonnables, ajoutant : « Je suis personnellement satisfait aujourd’hui que les consommateurs et les petites et moyennes entreprises mauriciennes se sont adaptés à cette exigence que requiert la protection de l’environnement. » Au 15 avril dernier, 90 demandes d’enregistrement d’importateurs de produits en plastique biodégradable sous les Environment Protection (Control of Single Use Plastic Products) Regulations 2020 et 115 demandes de l’enregistrement en vertu des Environment Protection (Banning of Plastic Bags) Regulations 2020 ont été reçues au ministère de l’Environnement. Ce qui « démontre une évolution positive vers des alternatives compostables et biodégradables », déclare Kavy Ramano.

Le ministre précise avoir reçu des représentations de la Chambre de commerce et de la MEXA concernant les nouveaux règlements, et que « dans un esprit d’ouverture, de réactivité, plusieurs séances de travail ont été organisées avec toutes les personnes concernées ». C’est d’ailleurs dans cet esprit qu’un moratoire additionnel sur certains produits a été étendu au 14 avril dernier.

Le gouvernement a également accepté un moratoire jusqu’au 14 janvier 2022 concernant l’interdiction des produits en plastique, ce qu’on appelle les “Modified Atmosphere Packaging”, notamment pour les gobelets en plastique et bols en plastique utilisés uniquement pour l’emballage de produits alimentaires, tels que produits laitiers, yaourts, glaces et desserts, et aussi en ce qui concerne les “Modified Atmosphere Packaging”. Cela concerne les produits alimentaires frais, cuits, précuits – tels que viande, fruits de mer, etc. À ce stade, le ministre se dit « assez satisfait » de la réaction des grandes surfaces et des petits commerces pour s’adapter aux produits alternatifs.

Interrogé par le député Osman Mahomed sur le sort réservé aux bouteilles PET, il qualifie les producteurs de ces bouteilles de « gros pollueurs ». Il rappelle que ces derniers sont tenus de collecter les bouteilles en plastique. « Mais nous avons constaté que de ces 125 millions à 130 millions de bouteilles en PET, seulement 40% sont collectées par les différents embouteilleurs. Les 60% qui restent sont malheureusement laissées dans la nature. C’est inacceptable. » Kavy Ramano explique que des discussions sont en cours avec les embouteilleurs « sur différents types de propositions ».

 

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