L’affaire de la mortalité massive de poissons à Poudre d’Or, découverte lundi dernier, a franchi les murs de l’exécutif. Vendredi, le Conseil des ministres a été officiellement saisi du dossier et a pris note des premières conclusions des services techniques et environnementaux. Contrairement aux soupçons initiaux qui pointaient du doigt une pollution industrielle, les autorités penchent désormais vers une autre explication : un déversement illégal de poissons morts dans la rivière Hardy.
Tout a commencé le lundi 25 août au petit matin, lorsque des habitants et pêcheurs de Poudre d’Or ont aperçu une scène inhabituelle : des dizaines de carcasses de poissons échouées ou flottant à la surface de la rivière Hardy, au lieu-dit Grand Marais. La liste des espèces retrouvées est éloquente : mulets, carangues, rougets, bretons et vieilles grises. Autant de poissons qui évoluent généralement en mer, et non dans une rivière d’eau douce.
Ce détail a immédiatement intrigué les riverains et a renforcé la thèse d’un dumping volontaire. « Se enn move masak, sa kantite pwason inn mor la, nou pa pe kone kouma sa finn arive », confiait un pêcheur de Poudre d’Or Village, encore sous le choc. Pour beaucoup dans la région, l’épisode rappelait de mauvais souvenirs.
Très vite, l’attention s’est tournée vers Denim de l’Ile Ltd, usine de textile située à proximité du lieu de la découverte qui avait, dans le passé, été au centre d’une polémique identique quand il avait rejeté dans la rivière 8,000 litres de fioul. Mais les inspections menées sur place par la Police de l’Environnement, le Albion Fisheries Research Centre, le poste de pêche de Poudre d’Or et le ministère de l’Environnement ont permis d’écarter rapidement cette piste.
Les observations consignées sont claires :
n les poissons morts étaient regroupés à l’embouchure de la rivière, à environ 100 m du point de rejet des effluents traités de l’usine ;
n l’eau de la rivière était claire ;
n aucune odeur nauséabonde n’a été détectée ;
n aucune prolifération d’algues n’a été observée ;
n les effluents rejetés par l’usine apparaissaient normaux et sans coloration suspecte.
Le ministre de l’Environnement, Rajesh Bhagwan n’a pas tardé à réagir. « Selon nos premières analyses après les prélèvements effectués par nos services, c’est un cas clair et net de déversement illégal de poissons morts », a-t-il affirmé, écartant tout lien avec une pollution de l’eau de la rivière.
Visiblement agacé, le ministre a dénoncé une pratique irresponsable et criminelle : « Je condamne avec force ce type de pollution et le comportement de ceux qui croient pouvoir se débarrasser de leurs déchets dans nos rivières. C’est un crime contre l’environnement. »
Il a annoncé que les caméras de surveillance de la région seraient consultées et que la police a déjà ouvert une enquête pour identifier les auteurs de ce dumping. « Comme dit le dicton, 100 jours pour le voleur, un jour pour le maître », a-t-il lancé, prévenant que les responsables seraient sanctionnés.
Réuni en fin de semaine, le Conseil des ministres a pris acte de la situation. Dans son compte rendu officiel, l’exécutif souligne que « sur la base des observations préliminaires, la mortalité des poissons pourrait ne pas être liée à la qualité de l’eau de la rivière Grand Marais, mais résulter d’un dumping ».
Le gouvernement confirme qu’une enquête policière est en cours et que toutes les analyses complémentaires doivent se poursuivre. Il s’agit, notamment, d’examens microbiologiques de l’eau de mer, d’analyses post-mortem et toxicologiques sur les poissons, ainsi que de tests sur d’éventuels résidus de pesticides.
Si les premiers constats rassurent quant à l’absence d’impact immédiat sur la qualité de l’eau et du lagon, les pêcheurs et habitants demeurent préoccupés. Ils craignent que cet incident ne vienne fragiliser davantage leur gagne-pain, déjà affecté par la raréfaction des prises et les restrictions dans certaines zones.
Le ministre Bhagwan a insisté sur la nécessité d’un changement de mentalité : « Mo pli gran lager se gagn batay pou enn sanzman latitid la popilasion. Il faut arrêter de jeter des matelas, des ordures et aujourd’hui même des poissons morts dans nos rivières. J’appelle chaque citoyen à dénoncer ce genre de pratiques. Si on ne dénonce pas, on est aussi coupable. »
Pour l’heure, les autorités privilégient clairement la piste d’un dumping. Mais les résultats définitifs des analyses scientifiques seront déterminants pour confirmer cette hypothèse. En attendant, l’affaire a mis en lumière, une fois de plus, la fragilité des écosystèmes côtiers mauriciens et la vigilance nécessaire face aux comportements qui menacent l’environnement.
À Poudre d’Or, entre incompréhension et colère, les pêcheurs réclament des sanctions exemplaires. Car derrière ce qui pourrait sembler un simple acte de négligence, c’est toute une communauté qui se retrouve affectée dans son quotidien et son rapport à la mer.
Qu’est-ce que le dumping environnemental ?
Le dumping désigne le fait de se débarrasser illégalement de déchets ou de matières dans la nature, sans respecter les réglementations. À Poudre d’Or, il s’agirait du déversement volontaire de poissons morts dans la rivière Hardy.
n Pourquoi est-ce grave ?
• Pollution visuelle et biologique, même si les poissons sont déjà morts.
• Fausse les observations scientifiques sur l’état de la rivière.
• Perturbe l’écosystème : décomposition = baisse d’oxygène dans l’eau.
• Inquiète les riverains et pêcheurs, qui redoutent des risques sanitaires et économiques.
n Que dit la loi ?
À Maurice, tout rejet illégal dans un cours d’eau, la mer ou un espace naturel est une infraction environnementale. Sanctions possibles : fortes amendes, saisie de véhicules, poursuites pénales.