Pollution : Halte à l’overdose sonore !

La pollution sonore, il y en a eu de tout temps, mais jamais elle n’a été aussi accentuée, aussi intense et aussi omniprésente qu’aujourd’hui. Elle est légion, aussi bien en zone urbaine qu’en zone rurale, avec le vrombissement des moteurs trafiqués, les aboiements intempestifs et la musique diffusée à plein volume, en première ligne des conflits de voisinages qui dégénèrent lorsque les fauteurs de troubles refusent de changer leur comportement. Cela tourne souvent au dialogue de sourds, qui peut aller des insultes à l’agression physique. Pour Paul Claude Duval, 81 ans, résidant à Vacoas, la fête organisée par ses voisins tard dans la soirée du 13 décembre a été celle de trop. Las, il alla toquer à leur porte pour les sermonner. Bien mal lui en a pris. Une dispute a éclaté et trois membres de la famille l’ont agressé violemment. Malgré les soins prodigués à l’hôpital, son état n’a cessé de se détériorer jusqu’à son décès, survenu à la veille de Noël. Ce drame doit mettre en évidence la déliquescence dans laquelle notre pays s’abîme et face à laquelle la Police de l’Environnement doit constituer un solide rempart…
Ne pas nommer les maux nous condamne à continuer d’en souffrir. Si les nuisances du voisinage peuvent être supportables quand elles sont occasionnelles, elles finissent par taper sur les nerfs quand elles sont répétitives et génèrent de la fatigue, du stress et de la dépression, parfois. Avoir des fenêtres qui donnent sur une route fréquentée du matin au soir par des fauteurs de troubles peut vite devenir un enfer pour les personnes surexposées à la pollution sonore extrême, avec les fêtes tapageuses et le vacarme des moteurs de véhicules trafiqués en toile de fond. On ne cessera jamais d’évoquer avec autant d’accent les contours de ce phénomène impactant nos concitoyens. Et les choses risquent de se compliquer en cette période festive, à l’instar de ceux résidant autour des bungalows et villas se transformant parfois en « clubs d’Ibiza » jusqu’aux petites heures du matin.
Désireux de s’évader de leur lieu de vie quotidienne, Maxime et Marie-Claire, un couple de retraités, ont opté pour l’achat d’un bungalow en 2019 à quelques mètres de la plage de Flic-en-Flac où ils espéraient se la couler douce le week-end. Ils ont vite déchanté. « ll y a de la musique fort tard le soir, des éclats de rire, des gens alcoolisés aux comportements désinhibés qui chantent à tue-tête jusqu’aux petites heures du matin. Les autorités n’ont pas le droit moral de laisser perdurer une telle situation ! Les gens ont le droit d’avoir un sommeil sain et de ne pas être dérangés le soir », s’insurge le couple. Il y a ceux qui ne savent plus à quel saint se vouer pour convaincre les amateurs de bécanes bidouillées de mettre un terme à ce calvaire.
Dans certains quartiers résidentiels, difficile d’échapper au bruit et au va-et-vient incessant des rodéos urbains qui exaspèrent les habitants qui passent des nuits blanches depuis bien longtemps. Inutile de gloser sur les incivilités régnant en maître sur les principales artères des villages touristiques qui deviennent le théâtre de courses d’accélération improvisées de voitures puissantes et de motos trafiquées qui vrombissent en toute impunité, au grand dam des pique-niqueurs aspirant à la quiétude et au repos, qui sont aux premières loges de ces rallyes clandestins produisant un vacarme assourdissant.

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En dépit du système de « tolérance zéro » appliqué par la Police de l’Environnement, cette désinvolture n’a point connu de ralentissement, au point d’avoir supplanté l’insécurité dans la hiérarchie des problèmes humains les plus préoccupants dans certaines régions. Entre janvier et décembre 2025, 47 contraventions ont été enregistrées pour échappements modifiés de motos et autres véhicules et 135 pour équipement sonore excessif (musique dans les maisons, bungalows et dans les véhicules). Ces chiffres nous ont été communiqués, hier, par l’inspecteur Vishwanaden Amasay de la Police de l’Environnement.
« La police appliquera strictement l’Environment Protection (Control of Noise) Regulations 2022, qui prévoit une amende forfaitaire de Rs 10 000, avec la possibilité d’être traduits en cour de justice. Les locations de bungalows sans permis, notamment dans les zones côtières, seront aussi étroitement surveillées. En cas de nuisances sonores, propriétaires et locataires pourront être verbalisés. Enfin, les conducteurs de véhicules diffusant de la musique à un volume excessif seront également sanctionnés, tout comme les motocyclistes ayant modifié leurs échappements. Nous arrêterons les véhicules, procéderons aux vérifications et prendrons les sanctions nécessaires », dit-il.
À quel niveau d’indécence peut-on sombrer pour ainsi adopter de telles incivilités teintées de mépris, sans se soucier des conséquences que cela engendre sur la santé d’autrui, surtout que cela concerne les personnes âgées et vulnérables qui doivent, qui plus est, supporter le fléau des détonations de pétards comparables à celles de bombes artisanales qui ont été entendues dans certaines régions de l’île au cours de ces trois dernières semaines. Selon certains témoignages et selon nos propres observations, ce genre de pétards atteindrait des niveaux d’intensité sonore de plus de 140 dB, soit 20 dB au-dessus du seuil de tolérance pour l’oreille humaine.
Dans cette léthargie, certaines voix continuent à se faire entendre, à leurs risques et périls, jusqu’à en payer le prix fort, à l’image du drame qui secoue la famille Duval, et ce n’est pas demain la veille que ce sentiment d’impunité sera coupé à la racine. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire la conclusion de l’inspecteur Amasay : « Avec un effectif de 30 policiers de l’Environnement seulement, je fais avec les moyens du bord, et croyez-moi qu’ils se donnent corps et âmes dans leur tâche. » L’on s’étonnera que Maurice soit en train de perdre son lustre d’antan. Il n’y a qu’à écouter les touristes, nombreux à préférer séjourner dans des bungalows, et les investisseurs étrangers eux-mêmes, ou lire les commentaires peu amènes qu’ils publient sur les réseaux sociaux et forums de discussions, pour comprendre les raisons qui les font bouder le pays et se tourner vers d’autres destinations.

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