Combattre la pollution plastique, tel était le thème de la Journée internationale de l’Environnement de cette année. Une urgence face au nombre grandissant de plastiques non recyclés qui atterrissent dans nos océans.
À Maurice, un habitant produirait en moyenne 500 kilos de déchets plastiques et les autorités concernées parlent de plus de 116 000 tonnes de déchets plastiques générées par an, parmi lesquelles seulement 5 000 tonnes sont recyclées, tandis que le reste atterrit dans le site d’enfouissement, déjà saturé, de Mare Chicose. À l’orée de la
finalisation d’une nouvelle feuille de route sur une Plastic Pollution Free Mauritius, nous revenons sur la situation actuelle.
Dans la région, s’il y a bien un domaine où Maurice ne figure pas (encore) sur la liste des bons élèves, c’est dans la gestion du plastique. Et pour cela, les autorités sont bien décidées à rectifier le tir. Dans quelques mois, le ministère de l’Environnement, avec la collaboration de plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) engagées dans le recyclage, entreprises privées et autres, présentera une nouvelle roadmap sur la gestion du plastique. À noter qu’en 2022, la MCCI Roadmap for a Waste Plastic Free Mauritius avait été publiée et soumise aux autorités concernées, et en 2021, plusieurs ateliers consultatifs s’étaient tenus pour adresser ce problème grandissant.
Cette fois encore, « une équipe de l’université de Maurice avec l’appui de la Division Plastique et de l’United Nations Environment Programme (UNEP) rédige ce plan d’action qui devrait engager notre pays dans une bonne voie », nous confiait à ce sujet Grégory Martin, fondateur de Mautopia, dans un entretien accordé plus tôt à Week-End. En effet, les initiatives sont nombreuses du côté du secteur privé, avec notamment la venue du Plastic Odyssey en début d’année pour sensibiliser davantage la population aux dangers de la pollution plastique et à son lourd impact sur les océans, mais aussi avec les campagnes et opérations de recyclage menées par les associations telles que Mission Verte, et ce, depuis de nombreuses années.
Du côté de l’État aussi, des décisions audacieuses — même si elles mériteraient de l’être encore plus — ont été prises pour interdire l’utilisation de plastique à usage unique sur le territoire. Les bouteilles PET, soit celles utilisées pour l’embouteillage des boissons gazeuses et autres, sont quant à elle encore sur nos étagères, même s’il existe une PET Tax de Rs 2 imposée sur chaque bouteille (voir encadré). Grégory Martin, nous expliquait à ce sujet que, selon la caractérisation des déchets plastiques du ministère de l’Environnement, le PET représente 17% des déchets plastiques et que pour endiguer ce problème, « le premier niveau est véritablement d’organiser la filière en réunissant tous les importateurs et producteurs de PET dans la Bottler’s Association. Ainsi, ils pourront mutualiser leurs moyens pour éviter, capter et assurer une bonne fin de vie de ces déchets plastiques. L’autre niveau vient bien de l’État, permettre une rétribution à sa juste valeur de la PET Tax va véritablement structurer toute la filière. »
À ce sujet, au niveau de l’État, depuis le 15 janvier 2021, les Environment Protection (Control of Single Use Plastic Products) Regulations 2020 sont entrées en vigueur, interdisant, pour les consommateurs, l’usage de plusieurs produits en plastique à usage unique, dont les couverts en plastique, les assiettes jetables et gobelets, les touillettes à boisson (stirrer) et de récipients de toute forme avec ou sans couvercle qui sont utilisés pour contenir des aliments destinés à la consommation immédiate, sur place ou à emporter, et qui sont fournis par une entreprise de restauration. Quelques mois plus tard, de nouveaux types de sacs en plastique non biodégradable, notamment les petits sacs (pocket type) couramment utilisés pour les « dholl-puris » notamment ont été interdits sous l’Environment Protection (Banning of Plastic Bags) Regulations 2020.
Pour les producteurs et importateurs de produits plastiques, le moratoire pour les Environment Protection (Control of Single Use Plastic Products) (Amendment) Regulations 2025 en ce qui concerne l’interdiction des bols en plastique non biodégradable à usage unique, des gobelets en plastique et des plateaux en plastique a été une fois de plus étendu pour une durée d’un, et ce, jusqu’au 14 janvier 2026. Le ministère de l’Environnement indique que ce nouveau délai permettrait au secteur industriel à faire la transition vers des alternatives sans plastique.
Au vu de toutes ces initiatives, le combat contre le plastique est bien engagé pour Grégory Martin. « L’État s’engage avec des lois, des réglementations et une roadmap prochaine. Le secteur privé avec les représentations accompagne les entreprises dans leurs transitions avec la formation à l’écoconception, le renforcement des exutoires (recycleurs), et le dialogue avec l’État. Pendant que les entreprises s’orientent vers des solutions plus durables et prennent leurs responsabilités », dit-il. Il avance également que le pôle recherche et développement, qui semble avoir de beaux jours devant lui comme annoncé dans le récent budget, s’y consacre pleinement.
« Le secteur académique conscientise la jeunesse, forme les entrepreneurs de demain pendant que les laboratoires de nos Universités travaillent sur les matériaux de demain. Les incubateurs font émerger les startups qui vont ensuite être soutenus par les acteurs financiers de la place tels que la Mauritius Commercial Bank (MCB) avec Lokal Is Beautiful », affirme-t-il. Et quant à l’engagement citoyen qui demeure un élément clé dans ce combat, il s’accentue davantage, avec des campagnes de tri sélectif et de dépollution des plages. « Et enfin, nous ne sommes pas seuls. Les partenaires internationaux nous accompagnent dans cette transition tant au niveau financier que technique. Nous avons toutes les composantes pour engager efficacement notre pays, il ne nous manque plus qu’une synergie commune et un plan… qui arrivera dans les prochains mois », conclut-il.Un système de consigne pour les bouteilles en plastique ?
Parmi les nombreuses solutions évoquées par les principaux acteurs du secteur, l’une d’elles revient de manière récurrente : un système de consigne, qui existe déjà pour les bouteilles en verre. L’entreprise Oxenham qui a récemment organisé une opération de Beach Clean Up à Palmar où 91,3 kg de déchets, dont 59,4 kg de déchets généraux et 31,5 kg de matériaux recyclables ont été collectés, est une des pionnières dans le domaine. « Retourn ou boutey fait partie de l’ADN d’Oxenham. Ce système a été introduit dans les années 1950 et s’est imposé comme un pilier de la lutte contre la pollution du verre à Maurice », explique Mélissa Doger de Spéville, Communication and Hospitality Sales Manager chez Oxenham.
Elle explique que « le principe est simple et vertueux. Le client paie une consigne lors de l’achat de sa bouteille, consigne qui lui est rendue lors du retour de la bouteille vide. Plus de 80% des bouteilles mises sur le marché par nous sont ainsi retournées et réutilisées. La chaîne de recyclage est très structurée. Une fois récupérées, elles sont triées, inspectées, lavées, désinfectées puis remises en circulation. Cette boucle réduit massivement la production de déchets, économise les ressources et limite les émissions de carbone liées à la production de verre neuf. »
Avec la mise en place d’un système de collecte de bouteilles en plastique dans ce cas, l’ingénieur en environnement et océanographe Vassen Kauppaymoothoo disait dans un entretien accordé à Week-End en 2019 que « que le gouvernement devrait jouer un rôle par rapport à cela, en permettant et en maintenant, en tant que facilitateur et régulateur, la mise en place un système de collecte de bouteilles en plastique. Et pourquoi ne pas donner des “incentives” aux personnes qui collectent les bouteilles en plastique ? Les Rs 2,30 de taxe environnementale que nous payons pour chaque bouteille aurait pu être remboursée aux citoyens qui les retourneraient comme on le fait pour les bouteilles en verre. Pourquoi refuse-t-on de mettre en place ce système ? »
De plus, il est indiqué qu’actuellement l’État mauricien ne verse qu’une faible somme (Rs 15 par kilo) aux exportateurs qui envoient des déchets plastiques PET au recyclage à l’étranger. Selon Grégory Martin, il existe une mesure prévue pour augmenter cette rétribution à Rs 30 par kilo si le recyclage est fait localement (à Maurice), mais cette mesure n’est pas encore appliquée. Il plaide ainsi pour une augmentation de la prime versée par l’État aux acteurs du recyclage, afin de soutenir les petits collecteurs (estimés à plus de 400 et qui vivent en ramassant ces déchets), développer l’économie circulaire locale et mieux gérer les déchets plastiques.