Kurshid (nom modifié) passe ses journées à l’extérieur de sa maison, dans un coin de sa cour, loin des regards des passants. Depuis une semaine, elle donne l’impression de se prélasser dans un fauteuil plaqué contre le mur des deux pièces qu’elle partage avec ses parents, ses deux frères, sa belle-sœur et ses deux enfants. Quand elle n’est pas recroquevillée dans ce fauteuil, elle fait les cent pas dans sa cour.
Kurshid, doublement vaccinée, est positive à la Covid-19. Si la jeune femme de 26 ans ne regagne sa chambre qu’une fois la maisonnée endormie, c’est pour éviter, dit-elle, de contaminer sa famille. Dans cette maison qui dispose de peu d’espace, où six adultes et deux enfants vivent dans la promiscuité pour des raisons de précarité économique, Kurshid ne peut pas s’isoler et garder ses distances avec ses proches comme lui a conseillé un médecin de la santé publique.
“Mes parents vivent et dorment dans une pièce. Mes frères, ma belle-sœur, ma fille de deux ans, mon bébé de sept mois et moi-même, dans une autre. Ki kote e kouma mo pou izol mwa? Kan dokter inn dir mwa retourn lakaz al izol mwa, mo dir ou fran, mo’nn bien plore”, confie Kurshid. Sur le moment, elle est confuse. Entre la nouvelle de sa positivité au virus, ne pas savoir si elle a contaminé sa famille et la précarité qui ne lui offre pas le minimum de confort que requiert son état de santé, Kurshid ne sait pas ce qui l’attriste le plus.
“Sans oublier ma petite fille et mon bébé: je ne peux pas m’occuper d’elles et encore moins allaiter la dernière. Le médecin m’a dit que je pouvais tirer mon lait pour ne pas interrompre l’allaitement de mon bébé. Viris-la pa dan mo dile ? Si mo fer sa, mo pa pou kontaminn mo baba ? Je ne sais pas, je n’ai pas de bonnes informations là-dessus. Ma mère lui donne du jus et de l’eau”, explique-t-elle.
“Je dors avec mon masque”
“Tous les matins, après mon bain, je m’installe à l’extérieur pour ne pas être en contact avec ma famille. Ma mère dépose ma nourriture sur un support qui me sert de table. Le soir, j’attends le dernier moment, kan tou dimounn inn gagn somey, pou mo rant dan lakaz pou al dormi. Mais ma mère, elle, n’arrive pas à dormir. E lle me dit qu’elle a peur qu’il ne m’arrive quelque chose” raconte Kurshid. “Je dors avec mon masque. Je ne sais pas si je protège les autres ainsi. Nous respirons le même air dans cette petite pièce”, dit-elle.
Kurshid, qui travaille à temps partiel comme préposée au nettoyage, confie qu’elle ne sait pas comment elle a contracté la Covid-19. “Je souffre régulièrement de sinusite. Ce jour-là, j’avais terriblement mal à la tête, je me suis rendue à l’hôpital. En voyant mon état, le personnel m’a dit que je devais faire le test PCR et celui-ci s’est révélé positif”, explique-t-elle entre deux quintes de toux.
Les membres de sa famille devaient aussi faire un test PCR ce week-end. “S’ils sont positifs, mes enfants devront être placés ailleurs. Nous autres, nous n’aurons pas le choix : nous devrons rester tous ensemble.”