Deux ans après la marée noire provoquée par le naufrage du MV Wakashio, le Japon a démarré un programme pour la gestion de l’écosystème marin dans le Sud-Est. La première phase, qui a démarré en mai dernier, s’échelonnera en août prochain. La deuxième est annoncée pour septembre 2023 et devra durera jusqu’en août 2027. Reproduction des coraux, échantillonnage de la qualité de l’eau et Monitoring des forêts de mangroves (palétuviers) sont autant d’éléments compris dans ce programme. En parallèle, une salle du Blue Bay Marine Park Centre sera convertie en espace de sensibilisation et d’éducation.
Le Japon poursuit son action en vue d’aider Maurice à gérer la situation après la marée noire du Wakashio. Déjà, peu de temps après cet accident, une équipe d’experts avait été dépêchée pour des opérations d’urgence et pour des évaluations de l’impact sur l’environnement. La Japanese International Cooperation Agency (JICA) a également envoyé des experts pour mener un Data Collection Survey sur la conservation et la restauration de l’écosystème côtier. C’était lors de la période d’octobre à décembre 2020. À la demande du gouvernement mauricien, la JICA a démarré un nouveau programme de développement intégré et la gestion de l’écosystème côtier.
C’est dans ce contexte qu’une équipe technique a débarqué à Maurice. Shuichiro Kawaguchi, ambassadeur du Japon à Maurice, déclare que l’épisode du MW Wakashio a été un malheureux incident. « Et nous n’allons pas fuir devant nos responsabilités face aux dégâts causés par le navire. Nous avons déjà contribué grandement pour la restauration de l’écosystème et nous continuons à le faire avec ce programme, qui s’échelonnera jusqu’à 2027 », fait-il comprendre.
Ce projet, qui se fera en deux phases, comprend plusieurs axes. Soit la mise en place d’un Coastal Ecosystem Management Committee (CEMC), regroupant différents partenaires, le monitoring de l’écosystème côtier, la conservation et la restauration de l’écosystème, ainsi qu’une campagne de sensibilisation ciblant les habitants de la région du Sud-Est, les étudiants et les touristes. Un Action Plan, comprenant la restauration et la reproduction des coraux, la protection des habitats marins et un programme communautaire d’écotourisme, sera mis en place.
Une visite sur les lieux de l’échouement du MV Wakashio, au large de Pointe-d’Esny, permet ainsi de constater la régénération des coraux. Des repousses sont visibles à travers le bateau à fond de verre. Sur le site également, un îlot est en formation. Conséquence des coraux endommagés lors du naufrage qui se sont accumulés à cet endroit, résultant en la présence d’un banc de sable.
Les experts du JICA travailleront sur le site pour la restauration des coraux. Le programme consistera également en la reproduction, grâce à un système mis en place par les Japonais. Satoshi Sasakura explique que la technique utilisée pour la restauration des coraux est unique et relève d’une technologie durable.
« La reproduction se fait grâce à un Coral Settlement Device placé en mer, qui capte les larves des coraux. Par la suite, lorsqu’elles auront grandi, les coraux seront transplantés ailleurs, sans abîmer le corail mère. Jusqu’ici, les reproductions se faisaient directement sur les coraux mères », déclare-t-il aux journalistes lors d’une visite en fin de semaine.
Le même processus est utilisé sur les herbiers, grâce à des « pots » biodégradables qui captent les graines. Une fois que les plantes auront poussé, elles seront transplantées sur d’autres sites. Là encore, il n’y a aucun risque pour les herbiers déjà en place.
L’autre axe du programme concerne la sensibilisation et l’éducation. La salle de réunion du Blue Bay Marine Park Centre sera ainsi transformée en une salle d’exposition. Ayako Izumi travaille en partenariat avec le centre de recherches d’Albion à cet effet. Elle explique que le but est de faire du Blue Bay Marine Park Centre un Education Hub consacré à l’environnement. Des panneaux seront installés dans la salle pour sensibiliser les visiteurs sur la biodiversité.
Les étudiants de Grades 5 et 6 sont particulièrement visés. « Il ne s’agira pas d’une simple visite, mais d’Active Learning, avec des microscopes qu’ils pourront utiliser. Ils iront collecter l’eau de mer, qu’ils pourront ensuite observer et analyser », dit-elle.
Loin du cadre agréable du Blue Bay Marine Park Centre, les experts chaussent leurs bottes pour étudier les forêts de palétuviers. Ils sont à l’œuvre sur plusieurs sites. À Pointe-Jérôme, sur le site Ramsar, il n’y a pas de trace visible de la marée noire. Pour la bonne et simple raison que les hydrocarbures n’ont pas été déversés ici, puisque le site se trouve de l’autre côté. Mais peut-il avoir un impact sur la santé des plantes, notamment à travers les substances absorbées par les racines ?
Pour cette raison, les experts assurent une surveillance sur le long terme. « Ce site est protégé et reconnu à l’international. Il y a ici plus de 20 hectares de forêts. C’est l’une des plus grandes concentrations de mangroves à Maurice. Les arbres font entre 80 cm et 1 mètre. C’est un espace riche en biodiversité qu’il faut protéger, surtout face au changement climatique et le niveau de la mer qui monte », rassure Shuichi Fujiwara, conseiller technique.
Idem pour d’autres sites, comme Rivière-des-Créoles, sévèrement impactés par la marée noire. L’expert japonais montre des feuilles impactées avec des traces d’hydrocarbures toujours visibles, et d’autres, plutôt vertes, qui sont signe de bonne santé. Des repousses sont également visibles au milieu des tas de bouteilles et autres galons en plastique que le courant a ramenés.
Shuichi Fujiwara explique qu’il y a trois capteurs permanents qui ont été posés sur le site pour surveiller la qualité de l’eau. La masse des feuilles est aussi mesurée avec un instrument spécial. « Si la masse de feuilles diminue, cela veut dire que les plantes ne sont pas en bonne santé. Si une feuille de mangrove pousse plus en longueur qu’en largeur, cela veut dire qu’il y a un problème », relève-t-il.
Le taux de chlorophylle dans les feuilles est également mesuré à l’aide d’un instrument spécial. La particularité des mangroves de Rivière-des-Créoles c’est qu’ils sont grands, soit au moins dix mètres de haut, faisant d’eux les plus grands de Maurice. Ils sont aussi les plus productifs, d’où l’intérêt pour ce site.
Il existe deux variétés de mangroves à Maurice : la Rizophora Mucronata et la Bruguiera Gymnorrhiza. La première a les racines à l’air et les utilise pour respirer, tandis que la seconde plonge ses racines sous terre et respire par ses feuilles.
Une réhabilitation de la nature qui peut surprendre après ma catastrophe du MV Wakashio avec des conséquences en tous genres…