Préoccupant manque de main-d’œuvre dans les champs de canne

L’assemblée générale du Syndicat des Sucres constitue une opportunité de se focaliser sur la situation dans l’industrie sucrière au premier plan. La production, cette année, ne devrait pas dépasser les 220 000 tonnes de sucre. Malgré tout le soutien financier accordé par le gouvernement – dont Rs 350 millions afin de maintenir le prix du sucre à Rs 35 000 la tonne – les petits planteurs ne parviennent pas à voir la lumière au bout du tunnel. Ils se heurtent cette fois au problème de manque de main-d’œuvre. Les planteurs attendent impatiemment l’arrivée de la main-d’œuvre étrangère pour compléter la récolte de cette année. Le Mauricien a rencontré le ministre de l’Agro-industrie, Arvin Boolell, qui rassure les planteurs que la main-d’œuvre étrangère arrivera dans les plus brefs délais. Le directeur du Syndicat des Sucre, Devesh Dhukira, évoque la portée même de la main-d’œuvre étrangère alors que Salil Roy, président de la Planters Reform Association, estime que sans cette main-d’œuvre étrangère, l’industrie sucrière n’a aucun avenir.

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Salil Roy, président de la Planters Reform Association
« Sans main-d’œuvre étrangère, pas d’avenir »

Comment se présente cette fin de la récolte sucrière en cette année ?
Le problème de la main-d’œuvre affecte énormément les petits planteurs en ce moment. À deux mois de la fin de la coupe, le problème est toujours entier. Nous avons tiré la sonnette d’alarme depuis janvier. Il y a eu des comités et des réunions et, malgré les facilités qui nous ont été accordées dans des moments difficiles, je suis triste de dire que les mesures annoncées sont en attente.
Je me souviens que le Premier ministre avait affirmé qu’il y aurait une accélération dans le traitement des dossiers concernant la main-d’œuvre étrangère, qui seraient traités conjointement par le ministère du Travail et l’Economic Development Boarsd (EDB). Il n’a pas Walked the Talk. Beaucoup de planteurs se plaignent et je suis moi-même touché par ce problème. Nous ne savons pas comment terminer la coupe. C’est notre grand souci. Je ne sais pas si c’était à l’agenda de la délégation qui s’est rendue en Inde.
Cela a été le cas…
Très bien alors. Mais c’est un problème pressant, non seulement pour la canne, mais également pour la sécurité alimentaire et pour l’agriculture en général. Pour moi, la situation est inquiétante. J’espère que ce qu’on a vu l’année dernière ne se répète pas cette année. J’ai un rapport de la SIFB qui affirme qu’en 2023, 637 hectares n’ont pas été récoltés.
En 2024, ce chiffre est passé à 560 hectares. En 2023, 41 hectares de cannes ont été coupés sans que les cannes aient été envoyées à l’usine. Durant la coupe de 2024, 38 hectares n’ont pas été récoltés. Le nombre de planteurs enregistrés est passé de 8 658 en 2023 à 8 137 en 2024. Je ne sais pas ce qui s’est passé cette année. Je ne serais pas étonné s’il y a eu une nouvelle réduction.
Que faire ?
Nous pouvons renverser la situation. The problem must be dealt with in a timely manner. Ce qui n’est pas le cas actuellement. La situation risque de s’empirer et plus de petits planteurs abandonneront leurs champs.
La réduction des terres sous canne n’affecte pas uniquement les planteurs et le pays, mais également la production d’énergie de façon durable. Nous comptons beaucoup dessus pour produire de l’énergie propre. Nous, les planteurs, avons joué le jeu. Nous avons fait notre possible pour faire pousser nos cannes. Nous étions motivés. Voilà que nous sommes confrontés au problème de la main-d’œuvre. C’est très décourageant.
Pour ce qui vous concerne, quelle superficie n’a pas encore été récoltée ?
Il me reste encore 600 à 700 tonnes de cannes, mais beaucoup de planteurs souffrent. Parfois, ils n’ont pas de coupeurs, ou s’ils en ont, ils n’ont pas d’équipement pour transporter la canne récoltée à l’usine. Il y a des champs de cannes qui ont été victimes d’incendies criminels et cela fait de grands dégâts. Il est vrai que la teneur en sucrose a baissé par rapport à l’année dernière. Je ne sais pas comment nous atteindrons 300 000 tonnes. Nous avions pensé que les terres abandonnées seraient remises graduellement sous culture, surtout que les sucres spéciaux sont assez rémunérateurs. La main-d’œuvre est une urgence. Je ne sais pas à quelle porte frapper. Le projet est en stall. Je ne sais pas ce qui se passe.
Combien de main-d’œuvre le pays a-t-il besoin ?
J’ai entendu parler de 2 500, mais seulement 1 000 arriveront. Nous ne les voyons toujours pas. On dit que 1 500 arriveront dans l’immédiat. Tout cela pose un problème, faute de planning pour les contracteurs et les planteurs. C’est une chose qui aurait dû être réglée depuis l’ouverture de la coupe puisqu’on en parle depuis longtemps. Or les plantes n’attendront pas la décision politique ou autre chose. Ceux qui connaissent l’agriculture savent qu’il ne faut pas tarder. Si chaque propriété sucrière qui recrute de la main-d’œuvre donne des facilités aux petits planteurs, ce serait encore mieux. L’industrie sucrière a besoin de nous pour qu’elle respecte l’économie d’échelle.

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De quelle région de l’Inde viendront ces travailleurs et de quel type de travailleurs avez-vous besoin ?
Pour le moment, il faut enlever tous les blocages et les taxes. Il faudra être flexible. On peut recruter des travailleurs venant de n’importe quel pays engagé dans la canne à sucre et la production alimentaire. Nous avons des Malgaches, des Népalais, des Africains. J’ai l’impression que le quota de Bangladais est dépassé. Par exemple, notre chauffeur de Bell viendra de La-Réunion.

Pourquoi les petits planteurs ne se lancent-ils pas dans la mécanisation ?
Ce ne sont pas toutes les terres qui peuvent être mécanisées. De plus, nous n’avons pas besoin uniquement de planteurs, puisque nous manquons de chauffeurs de camions ou de Bell. Nous avons besoin d’électriciens et d’autres métiers.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Sans main-d’œuvre, pas d’avenir. Je ne parle pas seulement de mon secteur mais de tous les secteurs d’activités.

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Devesh Dukhira, CEO du Syndicat des sucres

« Tout faire pour empêcher
la baisse de la production »

L’assemblée générale du Syndicat des Sucres a lieu dans un moment difficile. Le prix du sucre sur le marché mondial n’est pas tout à fait correct. Même la production sucrière laisse à désirer.

Malheureusement, la production continue à baisser. Il faut savoir que la superficie est descendue en dessous de 35 000 hectares en même temps. La récolte de cette année a surtout été affectée par les conditions climatiques qui nous déstabilisent depuis 2024. Lorsque la pluie a commencé à tomber, il était trop tard. Deuxièmement, le changement climatique a aussi un impact. Il n’y a pas eu de pluie pendant l’été. Il a plu pendant l’hiver.
À cause du climat, le taux d’extraction a baissé, comparativement à l’année dernière, de 1 %.
Avec une récolte de deux millions de tonnes de canne, un pour cent représente 20 000 tonnes.
Aujourd’hui, l’estimation officielle de la production sucrière est de 220 000 tonnes. Mais il se peut que la récolte soit inférieure à ces prévisions.

Qu’est-ce qui explique la baisse des prix à l’international ?

Le sucre est une commodité. La production mondiale est de 180 millions de tonnes. Quand les prix sont bons, les betteraviers ont tendance à augmenter leur production avec pour conséquence une baisse de prix. En 2022, en Europe, il y avait une baisse de production.
Les effets du changement climatique associés à la guerre en Ukraine ont augmenté sensiblement. La conséquence est que le prix moyen en Europe avait enregistré une hausse de 70 %.
En 2022, le prix avec le syndicat est passé de Rs 17 000 à Rs 25 000. En 2023, le prix a augmenté davantage et, pour la récolte de 2023, il avait atteint le niveau record de Rs 30 950. En raison de cette hausse des prix, tous les pays ont investi davantage pour augmenter leur production, notamment d’un million de tonnes en 2023 et d’un million de tonnes en 2024. Par conséquent, le prix a enregistré une baisse de 30 % en 2025.

Comment se présente le marché pour le sucre mauricien ?

Bien sûr, il faut être très flexible. Auparavant, 80 % de la production de sucre blanc était exportée vers l’Europe. Lorsque les prix ont commencé à baisser en Europe, ce volume a été ramené à 25 %, ce qui nous permet de choisir les meilleurs marchés. Un élément majeur pour nous est la valeur ajoutée. À ce propos, les prix des sucres spéciaux baissent beaucoup plus lentement, ce qui nous protège un peu.

Comment la situation se présente-t-elle pour les planteurs ?

Pour 2025, le prix offert par le Syndicat des Sucres est estimé à Rs 22 000. Le gouvernement a annoncé que les planteurs obtiendront Rs 35 000. Par conséquent, les petits planteurs ne seront pas affectés.

Est-ce seulement le gouvernement qui finance la différence entre le prix offert par le Syndicat et les Rs 35 000 décidées par le gouvernement ?

Oui, c’est le gouvernement. Le Syndicat des Sucres paie ce qu’il reçoit. Nous ne disposons pas d’autres fonds.

Malgré les aides offertes par le gouvernement, les prix continuent à baisser. Pourquoi ?

Vous avez dû entendre qu’il y a un problème de main-d’œuvre. Lorsque nous avons recours aux travailleurs étrangers pour l’industrie sucrière, il faudrait bien définir leurs conditions d’emploi. Que ferons-nous des travailleurs étrangers pendant l’entrecoupe ? La MCIA se penche sur toutes ces questions. Il faut résoudre ce problème au plus vite, parce que c’est le premier obstacle au niveau de la production.
Les corporatifs, pour la majorité, ont déjà mécanisé. En fait, presque 70 % de la superficie sous canne est mécanisée. Il y a un souci pour les petits planteurs. Il nous faut améliorer notre productivité. Aujourd’hui, le nombre de planteurs s’élève à 7 500 par rapport à 30 000 en 2000. Il faut arrêter cet effritement. Il faudrait améliorer la qualité de la canne plantée.

Avez-vous une idée de la quantité de main-d’œuvre nécessaire pour Maurice ?

Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est que beaucoup de cannes sont restées dans les champs l’année dernière faute de main-d’œuvre.

Votre accord avec un partenaire étranger tient-il bon ?

Oui, notre accord avec Cristalco, notre partenaire en France, tient bon, surtout pour le sucre blanc. L’accord sera renouvelé cette année. Nous comptons étendre la couverture du partenariat afin d’inclure les sucres spéciaux.
Concernant les autres développements du marché européen, sur lequel nous écoulons environ 80-85 000 tonnes de sucre, l’Europe reste le marché le plus important pour nous. Les États-Unis ont maintenu la taxe à 15 %, ce qui est raisonnable. Une taxe de 40 % aurait été suicidaire. Les clients finalisent actuellement leurs commandes.
Nous explorons actuellement le marché asiatique, dont celui de la Chine. Beaucoup d’efforts sont faits pour explorer ce marché. Nous avons commencé à exporter en petite quantité. Là, un deuxième client a manifesté son intérêt. Le projet a 5 mois pour son lancement. Il dispose de ses propres magasins.
Un autre marché intéressant à explorer est le Moyen-Orient, surtout pour les sucres spéciaux. Au Moyen-Orient, nous exportons quelque 7 000 tonnes annuellement vers l’UAE, Oman et l’Arabie saoudite, qui a un gros marché. Les exportations ont doublé en trois ou quatre ans. Il est important de rester agile pour pouvoir réagir promptement.
À ce propos, nous pensons que Cristalco est le meilleur partenaire. La beauté de notre partenariat est qu’il y a une flexibilité. Même en Europe, nous sommes désormais reconnus en raison du fait que, depuis 2008, les petits planteurs bénéficient du statut de Fair Trade. Nous bénéficions de la certification Bonsucro depuis 2019. Quatre compagnies disposent déjà de cette certification. D’autres sont sur la liste. 40 % de la production sucrière de Maurice est certifiée Sustainable. La durabilité, aujourd’hui, est un élément très important dans le processus de décision d’un acheteur.

Et l’avenir, comment le voyez-vous ?

Il faut tout faire pour empêcher la baisse de la production. Car, sans cela, on perd l’économie d’échelle, on maintient un coût élevé, on perd notre flexibilité et notre marge de manœuvre.
La bonne chose, c’est que le ministre de l’Agro-industrie a fixé un objectif de 300 000 tonnes. Il faut être réaliste : nous ne retrouverons pas les 500 000 tonnes. Nous avons eu des hauts et des bas, mais l’essentiel est de rester concentrés.

Arvin Boolell, ministre de l’Agro-Industrie
« Le sucre permet de maintenir
la cohésion sociale et économique »

Comment se présente la production sucrière cette année ?
Au-delà des mesures d’accompagnement qui permettront aux petits planteurs d’obtenir Rs 35 000 la tonne de sucre, le gros problème est l’accès à la main-d’œuvre. Le ministère du Travail, de concert avec l’Economic Development Board (EDB), travaille actuellement sur la simplification des procédures en vue d’obtenir le permis de travail.
Les consultations ont déjà commencé avec le ministère du Travail, en collaboration avec la MCIA, pour le recrutement des travailleurs. Mille travailleurs sont attendus incessamment. Le ministre Osman Mahomed et moi avons visité récemment un local appartenant à Metro Express Ltd qui pourrait être utilisé comme résidence pour les travailleurs.
Le rapport sur le recrutement des travailleurs a été rendu public la semaine dernière. Ce problème est traité très sérieusement. L’ancien gouvernement n’avait rien fait à ce sujet. Des mesures sont prises pour que la livraison, le renouvellement ou l’octroi des permis soient effectués en trois semaines. Le ministère du Travail remettra les contrats aux Job Contractors à travers la MCIA, qui agira comme facilitateur pour ceux qui veulent recruter des travailleurs étrangers.
Avec le phénomène du vieillissement de la population et de la main-d’œuvre, à un moment où les prix sont sujets aux intempéries mondiales, nous n’avons d’autre choix que de nous tourner vers l’étranger. Beaucoup de planteurs ont abandonné leurs champs. Une fois que les travailleurs arriveront, nous espérons qu’en termes financiers et de disponibilité des équipements — que ce soit des Cane Harvesters, etc. — ils pourront compléter la récolte sucrière. Nous leur lançons un appel pour qu’ils se regroupent. Cela permettra d’avoir une économie d’échelle et de baisser les coûts de production.
Quid de la qualité des cannes disponibles et qui n’ont pas été renouvelées ?
J’ai parlé au MSIRI. Ils m’ont annoncé que de nouvelles variétés de canne seront bientôt mises à la disposition des planteurs. Trois variétés de High Cane Yield Sugar seront lancées, qui permettront de produire aussi bien le sucre que la bagasse.
Quelles sont les caractéristiques des nouvelles variétés de cannes qui seront lancées ?
Le directeur du MSIRI m’a parlé de High Yielding Varieties et de High Biomass. Nous nous attendons à obtenir cinq tonnes de cannes par hectare. Il nous faudra enlever les vieilles pousses. La productivité devrait augmenter de 18 tonnes par hectare, ce qui devrait permettre d’avoir 130 000 tonnes de cannes additionnelles, soit 13 000 tonnes de sucre.
Les planteurs réclament-ils un meilleur prix pour la bagasse ?
L’énergie verte à partir de la bagasse est actuellement de 12 % et continue à baisser, ce qui nous oblige à importer des Wood Chips pour la production énergétique. Il nous faut augmenter la production de cannes, qui a une dimension multifonctionnelle. Il nous faudra également revoir le prix de la bagasse. Les Chips achetées coûtent Rs 6.50 le kWh ; le prix de la bagasse est de Rs 3.50 le kWh. Il faudra revoir cela.
Comment se présente le marché sucrier ?
La moitié de ce volume est consacrée aux sucres spéciaux. Il nous faudra faire un bon lobbying pour obtenir une meilleure part du marché. Nous travaillons également en vue d’obtenir un meilleur quota au sein de la SADC. Toutefois, la South African Customs Union nous rend la vie difficile. Nous exportons uniquement 3 150 tonnes. J’ai demandé au ministre des Affaires étrangères de reprendre la question avec ses collègues à New York. Le ministre du Commerce est également au courant de la situation.
Nous devons augmenter nos exportations sur le marché de la SADC. Il ne faut pas oublier que l’Afrique devient une Continental Free Trade Zone. Nous avons des niches en Inde, en Chine et dans plusieurs autres pays. Avec nos sucres spéciaux, dont le Demerara, nous avons de bonnes possibilités dans la mesure où nous traitons avec des acheteurs de renom.
Je veux relancer ce secteur dans lequel il y a un dynamisme. Je suis impressionné par ce que fait la FAREI dans le secteur non sucrier.
Quel message comptez-vous transmettre aux opérateurs du secteur cannier ce matin ?
J’insisterai sur le fait que l’industrie cannière a non seulement une fonction multifonctionnelle, mais aussi beaucoup de valeur ajoutée, depuis la production de rhum jusqu’aux sucres spéciaux. Nous avons une spécificité mauricienne.
La canne à sucre permet de séquestrer le dioxyde de carbone. L’industrie sucrière est là pour rester. Il faudra faire en sorte qu’elle produise mieux, avec une meilleure valeur ajoutée. Dans tous les pays du monde, l’agriculture bénéficie d’un élément de soutien avec des mesures d’accompagnement. Le gouvernement a fait un effort considérable.
Uniquement la subvention du prix du sucre coûte Rs 350 millions, sans compter les autres formes d’assistance technique. Je voudrais leur faire comprendre que l’agriculture irrigue notre économie. Il faut la consolider en développant une culture d’entrepreneuriat. Aujourd’hui, nous avons une Smart Agriculture. Nous devons nous adapter. En accordant une subvention de Rs 350 millions, nous ne regardons pas uniquement la valeur de la canne à sucre mais toute sa dimension multifonctionnelle. La canne à sucre permet de garder une cohésion sociale et économique.

 

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