Réactions de la classe syndicale — PRB 2026 : rapport clivant sur l’appréciation de l’effort consenti

À la publication du PRB 2026, un constat s’impose : les réactions sont contrastées, parfois opposées, mais elles reposent sur un socle commun. Derrière les mots durs ou les appréciations mesurées, le malaise de la fonction publique est largement partagé. Ce qui divise profondément, en revanche, c’est la manière dont l’effort consenti par les fonctionnaires est reconnu — ou non — par l’État.

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Un diagnostic social
largement partagé

Sur un point, les syndicats et représentants du personnel convergent : les cinq dernières années ont été éprouvantes. Inflation persistante, dépréciation de la roupie, charges incompressibles en hausse, pression accrue sur les services publics… Tous reconnaissent que le pouvoir d’achat des fonctionnaires a été sérieusement mis à l’épreuve.

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Même les voix les plus conciliantes comme Sanjay Sembhoo (CDS)  et Gheerishing Gopaul( GSEA),  admettent que le contexte n’est pas favorable et que la question salariale ne peut être dissociée de l’érosion du niveau de vie. Le rapport était donc  attendu comme une réponse à une attente sociale forte, nourrie par quatre années d’attente et de frustrations accumulées.

Là où la fracture apparaît :
le sens réel de
l’augmentation

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C’est sur l’interprétation du “package” financier que le consensus se brise. Pour Narendranath Gopee (FCSOU), l’augmentation moyenne annoncée de 15,3% relève presque de la provocation. Il estime que ce chiffre masque la réalité, en intégrant des éléments qui ne sont pas, selon lui, de véritables augmentations salariales. En parlant d’un réajustement théorique de 43%, il exprime un sentiment largement relayé sur le terrain : celui d’un habillage comptable qui ne correspond pas à l’effort réel consenti.

Cette lecture est partagée, avec plus de retenue, par Haniff Peerun (MLC), qui insiste sur le décalage entre l’augmentation annoncée et la hausse continue du coût de la vie. Après quatre ans d’attente, la reconnaissance financière apparaît insuffisante, d’autant que de nombreux fonctionnaires ont investi dans leur formation dans l’espoir de progresser.

À l’inverse Semboo et Gopaul , d’autres entrales appellent à une lecture plus nuancée. Ils rappellent que le rapport intègre plusieurs éléments cumulés — compensations salariales, ajustement au salaire minimum, allocation intérimaire de 5% — et que le gain réel doit être apprécié dans ce cadre global. Pour eux, le PRB a tenté de réparer une grille salariale profondément déséquilibrée par l’introduction du salaire minimum, dans un contexte de finances publiques sous tension.

Relativités salariales :
réduction réelle ou illusion ?

Autre point de divergence majeur : l’évolution  des écarts  entre  le bas et le haut de    l’échelle.
Le PRB affirme avoir réduit le ratio entre le General Worker et le Permanent Secretary, un argument repris favorablement par certains syndicats qui y voient même un pas vers un niveau de vie plus décent pour les bas salaires.

Mais cette lecture est frontalement contestée par Radhakrishna Sadien, pour qui la comparaison concrète des hausses montre que les hauts cadres s’en sortent mieux que les agents de base. Selon lui, l’écart ne se réduit pas dans la pratique et le rapport échoue à motiver, notamment parce qu’il manque de clarté sur le pourcentage réel de réajustement accordé à chaque catégorie.

Le malaise spécifique des
travailleurs manuels

Un autre consensus négatif émerge : le sentiment que le travail manuel reste le parent pauvre du rapport. Clency Bibi (GWF) souligne que les General Workers se retrouvent à peine au-dessus du salaire minimum, malgré la pénurie de main-d’œuvre manuelle et les besoins du pays en matière de développement. Cette situation alimente un malaise profond : celui d’une économie qui dépend de ces travailleurs sans réellement revaloriser leur contribution.

Qu’ils soient critiques ou plus indulgents, tous pointent un risque commun : la démotivation et la fuite des compétences.Radhakrishna Sadien doute de la capacité du rapport à attirer de nouveaux talents. Est aussi  évoqué explicitement l’émigration d’enseignants vers l’étranger, illustrant un phénomène plus large de brain drain, accentué par la comparaison avec l’étranger et le secteur privé.

Un rejet quasi unanime
de la forme

Fait révélateur : au-delà des divergences sur le fond, la manière dont le rapport a été communiqué fait presque l’unanimité… contre les autorités. La remise tardive, sans cérémonie officielle, parfois par simple appel téléphonique et sur clé USB, est vécue comme un manque de considération. Gopee parle d’humiliation, Peerun d’un précédent inédit. Ici, le débat dépasse la question salariale : il touche à la dignité institutionnelle et au respect accordé aux représentants des fonctionnaires.

Un rapport révélateur d’un malaise plus profond

En définitive, les réactions au PRB 2026 montrent que le désaccord ne porte pas tant sur la nécessité de prudence budgétaire que sur la reconnaissance du travail accompli. Là où certains voient un compromis raisonnable dans un contexte économique contraint, d’autres perçoivent une minimisation de l’effort fourni par les fonctionnaires.

Le PRB 2026 agit ainsi comme un révélateur : la fonction publique n’est pas un bloc homogène, mais un ensemble traversé par des attentes différentes, parfois contradictoires. Ce qui les relie, cependant, est clair : la demande de respect, de lisibilité et de reconnaissance. Sans cela, les chiffres, aussi rationnels soient-ils, risquent de ne jamais suffire à apaiser le malaise social.

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